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Le Pape Grégoire XI (1370-1378)

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Le pape Grégoire XI à Avignon (1370-1378).

Sitôt que la neuvaine prescrite par l'usage eut été achevée pour les obsèques d'Urbain V, le 29 décembre 1370, les cardinaux entrèrent en conclave ; le lendemain matin, à l'unanimité des voix, ils élisaient pape Pierre Roger de Beaufort, fils de Guillaume de Beaufort et de Marie du Chambon. Le cardinal Roger prit le nom de Grégoire XI et fut couronné par Gui de Boulogne le 5 janvier 1371. Né en 1329, il n'avait que quarante-deux ans.

L'élu avait rapidement parcouru la carrière des honneurs ecclésiastiques ; à l'âge de onze ans, il était déjà chanoine de Rodez et de Paris ; à dix-neuf ans, son oncle Clément VI l'avait créé cardinal-diacre du titre de Sainte-Marie-la-Neuve (28-29 mai 1348). Au lieu de se laisser séduire par les charmes de la fastueuse Avignon, le jeune homme s'était rendu à Pérouse pour y suivre les cours du célèbre jurisconsulte Pietro Baldo degli Ubaldi. Au contact du maître, il avait acquis une profonde connaissance du droit et une singulière pondération de jugement. Ses biographes racontent que, fier de son disciple, Baldo aimait à citer ses opinions juridiques (BALUZE, Vitae..., t. I, nouv. éd., p. 460).

A la culture de l'esprit Grégoire XI alliait des qualités morales peu communes. Coluccio Salutati, non suspect de partialité à son égard, vante sa prudence, sa circonspection, son extérieur modeste, sa piété, sa bonté, son affabilité, sa droiture de caractère, son esprit de suite dans les paroles et dans les actes (Epistolario, éd. NOVATI, t. I, p. 143).

Un tempérament maladif, une frêle constitution affinaient ses traits et ajoutaient encore aux charmes de sa personne. Sans égaler la munificence d'Urbain V — le triste état de ses finances le lui interdisait — Grégoire XI secourut généreusement les œuvres pies d'Avignon, le couvent de Ste-Catherine, la maison des repenties, l'orphelinat fondé en 1366 par Jean de Jujon et transféré à l'hôpital de Notre-Dame-du-Pont-Fract ; il embellit aussi les palais de Sorgues et de Villeneuve, gratifia l'hôtel de ville d'Avignon d'une horloge monumentale, concourut à la réfection du pont de S.-Bénézet, ordonna de grands travaux de restauration au palais de Rome (Cf. l'article cité de E. MUENTZ et les ouvrages de M. CHAILLAN).

Ses goûts prononcés pour l'étude le portèrent à rechercher les manuscrits précieux et à enrichir la bibliothèque pontificale de beaucoup d'ouvrages d'auteurs classiques ou de science ecclésiastique (F. EHRLE, Historia, t. I, p. 451-574).

La réforme de l'Église, qui avait sollicité le labeur d’Innocent VI et d'Urbain V, trouva en lui un non moindre protagoniste.

Les Hospitaliers de S.-Jean de Jérusalem étaient réduits à une situation vraiment critique. Leurs diverses maisons souffraient des mêmes maux : le relâchement de la discipline et un luxe immodéré. Le passif prenait des proportions alarmantes. Grégoire chargea les évêques de la catholicité d'instruire une enquête et seconda le grand maître Roger de Pins dans l'œuvre de relèvement de son ordre, en lui prêtant un concours continu (DELAVILLE LE ROULX, Les Hospitaliers à Rhodes, t. I, p. 170-191).

En Orient, de concert avec le maître général Élie Raimond de Toulouse, le pape sauva les missions dominicaines décimées par la peste. Des religieux qui naguères avaient peuplé les quinze résidences établies en Perse, trois seulement avaient survécu. Le chapitre de Magdebourg (1363) avait quasi décrété la suppression des pérégrinants, en leur retirant la nomination d'un vicaire général et en rattachant à la province de Grèce les couvents de Péra, Caffa et Trébizonde où se formaient les futurs missionnaires. D'autre part, le recrutement des novices était contrarié par les prieurs dominicains des maisons d'Europe qui s'opposaient au départ de leurs jeunes religieux pour l'Orient. Grégoire XI interdit toute pratique tendant à empêcher l'essor des missions et rétablit les choses dans l'état où elles se trouvaient avant les décisions du chapitre de Magdebourg (1374-1375). Dès lors, les pérégrinants recommencèrent à mener une existence quelque peu autonome ; leur nombre s'accrut bien vite, surtout quand Grégoire XI leur eut adjoint la congrégation des Frères Unis d'Arménie, composée de moines basiliens convertis à la foi romaine, et reconnue officiellement par Innocent VI le 21 janvier 1356 (MORTIER, Histoire des maîtres généraux..., t. II, p. 320-334, 442-453).

En Europe, Grégoire introduisit une réforme importante chez les Frères Prêcheurs, en leur permettant de ne plus tenir de chapitres généraux que tous les deux ans (27 août 1373). Pour aider le grand maître dans la réforme de l'ordre, il cassa tous privilèges et dispenses concédés jusque-là aux religieux par le Saint-Siège et les légats (18 novembre 1377). Détail significatif qui dénote clairement l'emprise du Saint-Siège sur les institutions monastiques : les Frères Prêcheurs sont pourvus d'un cardinal protecteur siégeant, pour l'ordinaire, à la Cour pontificale (MORTIER, Histoire des maîtres généraux..., t. II, p. 397-399).

Grégoire XI eut à cœur la défense de la foi. Son zèle infatigable déclara la guerre à l'hérésie et usa des armes terribles dont disposait en ce temps-là l'Église. Non content de lancer des prédicateurs à la conquête du Dauphiné, de la Provence et du Lyonnais qui regorgeaient de vaudois, il met à la tête des tribunaux inquisitoriaux un chef actif, François Borel, avec pour auxiliaire un nonce spécial, l'évêque Antonio de Massa Maritima. Le mauvais vouloir des fonctionnaires royaux dut céder devant l'ordre formel expédié par Charles V d'appliquer les lois édictées contre les hérétiques. Le succès couronna bientôt les expéditions de l'inquisiteur : les prisons sont trop étroites pour contenir ceux que le bûcher ou l'épée ont épargnés ; on est obligé de solliciter les aumônes des fidèles pour subvenir à l’entretien des détenus.

En Aragon, le pape stimule Nicolas Eymerich qui hésite frapper les Juifs convertis, coupables de sortilèges ou férus de doctrines hétérodoxes. L'évêque de Lisbonne reçoit mandat de nommer le premier inquisiteur portugais, Martino Vasquez. Les évêques d'Ajaccio et de Mariana, avec l'aide de Frà Gabriele dà Montalcino, pourchassent vigoureusement les cathares réfugiés dans les forêts et les montagnes de la Corse. En Sicile, fraticelles et Juifs sont serrés de près ; en Allemagne, béghards, béguines et flagellants sont traqués par les inquisiteurs (H.-C. LEA, Histoire de l'Inquisition au Moyen Age, t. II, p. 179-183, 209, 226, 304, 311, 340, 468-472, 525-533).

Cependant, les efforts de Grégoire XI demeurent finalement infructueux. L'Inquisition, malgré l'impulsion qui lui est imprimée, se meurt ; elle est suspectée, jalousée par les pouvoirs publics qui ne lui prêtent plus guère leur appui. Le mécontentement contre l'Église va croissant. Quoique persécutée, l'hérésie est vivace. C'est l'époque où Wyclif remue l'Europe par ses écrits incisifs et ses prédications retentissantes, où les prêtres bohémiens, Conrad de Waldhausen, Milicz de Cremsier et Matthias de Janow flagellent sans retenue aucune les désordres du clergé. L’esprit d'insubordination, que ces novateurs insufflent aux masses chrétiennes, prépare de loin le mouvement séparatiste qui aboutira un jour à la Réforme (J. TRÉSAL, Les origines du schisme anglican (1509-1571), Paris, 1908, p. 2, 6-14).

En un temps où, plus que jamais, sévit le fléau de la guerre, Grégoire XI poursuit l'oeuvre généreuse de ses prédécesseurs ayant pour objet la pacification de l'Europe, mais il y apporte la maîtrise d'un Clément VI. Sa diplomatie se montre perspicace, souple, agissante. Certes, les succès qu'elle obtient sont mélangés de déceptions amères ! les projets de croisade, sans cesse renouvelés, ne se réalisent jamais ; l'Espagne, un instant pacifiée, est agitée par de nouveaux troubles ; les hostilités, un moment interrompues par des trêves, reprennent entre la France et l'Angleterre, Cependant il n'est que juste de reconnaître que l'intervention du Saint-Siège évita bien des heurts entre nations et retarda, en France, la reprise d'une guerre que des causes toujours subsistantes devaient inévitablement faire renaître.

Dans l'Empire, la politique pontificale remporta un triomphe. Entre Charles IV et Louis de Hongrie, entre les ducs de Bavière et le comte de Savoie la concorde fut rétablie (L. MIROT, La politique..., p. 11-17).

En Italie, l'astucieux Bernabo Visconti subit d'importants revers ; l'orgueilleuse Florence, jalouse du pouvoir temporel de la papauté, ne récolte que dommages et avanies de sa révolte audacieuse ; la ligue, qu'à grand'peine elle parvient à former, se disloque en un clin d'œil.

Grégoire XI, en fin diplomate, sait temporiser, observer la marche des événements avant de rien entreprendre, poursuivre ses desseins de loin et avec ténacité, agir avec énergie au moment favorable. Rien ne démontre mieux la fermeté de son caractère et la souplesse de son génie que la façon dont il mena à bonne fin l'entreprise qui honore son nom : le retour du Saint-Siège à Rome.

Le 13 septembre 1376, après avoir subi jusqu'à la dernière heure les assauts que lui livrent la cour de France, ses cardinaux et ses proches afin de le fléchir, Grégoire monte sur le navire qui l'emporte loin d'Avignon. La flottille pontificale descend le cours du Rhône, remonte la Durance, touche à Noves (14), s'arrête deux jours à Orgon. De là, par voie de terre, la caravane gagne Marseille par Salon (17-18), Trets, S.-Maximin (19-20) et Auriol (20-22).

Le 2 octobre, par une triste journée où « jamais on ne vit tant de larmes, de pleurs et de gémissements », le pape quitte le cloître de Saint-Victor de Marseille et s'embarque sur la galère d'Ancône. Au moment où les voiles commencent à gonfler sous l'effort de la brise, l'émotion le saisit ; il pleure sa patrie ; les larmes sillonnent ses joues pâles. La houle s'élève bientôt et oblige la flotte pontificale à relâcher à Port-Miou (3 octobre), à S.-Nazaire, à Ranzels (3-6), à Reneston, à S.-Tropez (7), à Antibes (8), à Nice et à Villefranche (9). En vue de Monaco une affreuse tempête se déchaîne et force l'amiral à revenir en arrière. Les navires sont ballottés en tous sens par les flots en furie ; les voiles se déchirent ; les cordages se brisent ; les ancres cèdent ; les matelots affolés redoutent un naufrage.

Le 17 octobre une accalmie permet de se rendre à Savone, puis, le 18, à Gênes. On reprend la mer le 28, mais des vents contraires retiennent l'escadre jusqu'au 4 novembre à Porto Fino. On fait escale le 6 à Porto Venere, du 7 au 14 à Livourne, le 15 à Piombino. Une nouvelle tempête, plus horrible que les précédentes, disperse la flotte. Une galère de Marseille montée par le cardinal Jean de la Grange sombre. Un autre navire est englouti.

Quand reparaît le beau temps, on part de Piombino le 29 novembre. Du 30 novembre au 3 décembre on relâche à Orbitello et, le 6, on débarque à Corneto. Après avoir passé cinq semaines dans la ville, Grégoire reprend la mer et, le 17 janvier 1377, descend de sa galère amarrée aux berges du Tibre, près de Saint-Paul-hors-les-Murs. Il pénètre dans Rome aux acclamations de la foule qui se presse sur son passage et admire le brillant cortège que forment les danseurs, les chanteurs, les joueurs de luth, les sonneurs de trompe, les troupes conduites par Raimond de Turenne, les primiciers, les bannerets, les sénateurs [Note : Sur l'itinéraire du pape, voir les sources indiquées dans l'index bibliographique].

Grégoire XI ne jouit pas longtemps du succès de sa politique italienne. Sa santé précaire avait été trop ébranlée par les émotions de son voyage si mouvementé pour résister à la rigueur du climat romain. Pendant qu'un congrès européen se réunissait à Sarzana et se disposait à rétablir l'équilibre en Italie, le dernier des papes français expirait dans la nuit du 26 au 27 mars 1378, avec le sombre pressentiment des dissensions qui déchireraient le Sacré Collège et du schisme néfaste qui affligerait l'Église [Note : BALUZE, op. cit., t II, p. 742-743. — P.-M BAUMGARTEN, Miscellanea cameralia, dans Roemische Quartalschrift, t. XIX, 1905, p. 163-168].

 

BIBLIOGRAPHIE — SOURCES.

E. MUENTZ, Les arts à la Cour des papes au XIVème siècle. Les fondations de Grégorie XI à Avignon et dans le Comtat-Venaissin d’après des documents inédits, dans Revue de l’art chrétien, t. XXXIV, 1891, p. 183-190 (extr. des livres de comptes de la Chambre apostolique). — M. CHAILLAN, Recherches et documents inédits sur l’orphanotrophium du pape Grégoire XI, Aix, 1904 ; Notice et documents inédits sur la maison des repenties à Avignon au XIVème siècle, Aix, 1904 (publication de bulles puisées dans les registres du Vatican). — R. MICHEL, La défense d’Avignon sous Urbain V et Grégoire XI, dans Mélanges, t. XXX, 1910, p. 129-154. — L. MIROT, Les rapports financiers de Grégoire XI et du duc d’Anjou, Ibid., t. XVII, 1897, p. 113-144. — Des renseignements très précieux sur l’intinéraire de Grégoire XI lors de son retour à Rome sont fournis : par le poème de Pierre Amiel, publié plusieurs fois, cf. surtout MURATORI, t. III, part. 2 col. 690-712 ; par les livres de comptes de la Chambre apostolique dont des extraits ont été donnés par L. MIROT, La politique pontificale et le retour du S.-Siège à Rome en 1376, Paris , 1899, et par J.P. KIRSCH, Die Rückkehr der Paepste Urban V und Gregor XI von Avignon nach Rom, Paderborn, 1898 ; par la chronique de Bertrand Boysset éditée par le P. EHRLE dans Archiv, t. VII, 1893, p. 326-331 ; par les publications de textes relatifs à la réception faite au Pape à Pise et à Livourne, cf. P. VIGO, Documento relativo al viaggio di Gregorio XI, dans A.S.R.S.P., t III, 1880, p. 489-496, et Il ricevimento di Gregorio XI in Livorno, dans Miscellanea Livornese di storia e di erudizione, t. III, 1897, p. 177-184. — Voir encore : t. I du Spicilegio Vaticano, p. 33-59 (procès instruit en 1377 contre un Florentin ; les documents publiés exposent les obstacles opposés par Florence à un retour plus prompt de la papauté en Italie) ; J. VIVÈS, Les galères catalanes nel retorn a Roma de Gregori XI en 1376, dans Analecta sacra Tarraconensia, t. VI, 1930 recuil de 67 documents datés de 1376 et extrait des archives de la couronne d’Aragon. — L. DUHAMEL, Une suplique du conseil d’Avignon au XIVème siècles, dans Annales d’Avignon, t. I, 1919, p 39- 43 (adressée à Grégoire XI, elle concerne les 5000 florins versés en 1368 à Bertrand su Guesclin). — L.-H. LABANDE, Une fondation scolaire du pape Grégoire XI à Carpentras, dans Mémoires de l’Académie de Vaucluse, 1915, p. 217-232 (la fondation date de 1373). — P. DE RONZY, Pierre Ameilh de Brenac et son itinéraire rimé du voyage de Grégoire XI d’Avignon à Rome, 1376-1377, dans Études italiennes, t. IX, 1927, p. 69-93 (analyse détaillé de l’intinéraire). — Le testament de Grégoire XI est inséré dans D’ACHÉRY, Spicilegium, t. III p. 739-742.

(G. Mollat).

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