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Le Pape Clément V (1305-1314)

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Le pape Clément V à Avignon (1305-1314).

Le 18 juillet 1304, quand le conclave s'ouvrit à Pérouse, le Sacré Collège se trouvait profondément divisé. Le parti plus nombreux, presque uniquement composé d'Italiens, réclamait l'expiation de l'attentat d'Anagni commis par Nogaret sur la personne de Boniface VIII et contrecarrait la politique française ; il avait pour chef Matteo Rosso Orsini ; il compta jusqu'à dix membres. Sous la conduite du jeune Napoléon Orsini, la faction française poursuivait la réhabilitation des deux cardinaux Colonna destitués de leurs dignités par Boniface VIII et le rétablissement de l'entente, à tout prix, avec Philippe le Bel ; elle disposait de six voix.

L'antagonisme des deux partis en présence était trop ranché pour que l'élection aboutît rapidement. Choisir un pape parmi les cardinaux entraînait fatalement cette conséquence d'approuver ou de condamner la conduite de Boniface VIII vis-à-vis de la France. D'autre part, dans des déclarations et mémoires tapageurs, Guillaume de Nogaret exhalait sa malveillance contre les partisans de Boniface. Quoi de plus menaçant que ce langage « Si quelque antéchrist envahit le S.-Siège, il faut lui résister ; l'Église n'est pas offensée par une telle résistance ; si l'ordre ne peut être rétabli sans la force, il ne faut pas se désister de son droit ; si, pour la cause du droit, il se commet des violences, on n'est pas responsable » (LIZERAND, Clément V et Philippe le Bel, p. 17).

Les cardinaux comprirent le péril de la situation et portèrent leurs regards hors du Sacré Collège. Quelques bonifaciens proposèrent le nom de l'archevêque de Bordeaux, Bertrand de Got ; mais le reste de leurs adhérents et Napoléon Orsini l'écartèrent.

Napoléon Orsini se repentit bientôt de son refus et sonda, avant de rien tenter, les dispositions de l'archevêque de Bordeaux et celles de Philippe le Bel.

Bertrand de Got avait du crédit à la cour du roi et depuis de longues années entretenait avec elle des relations amicales. Sa famille était bien vue du prince qui, en 1305, s'exprimait à son égard en termes élogieux : « Considérant le bon portement, le grand loyauté et la ferme constance que nous avons trouvés en Arnaud-Garsias de Got et en Bertrand, fils du susdit chevalier, et en ceux de leurt lignaige ... » (LIZERAND, op. cit., p. 33). Le voyage de l'archevêque à Rome, au fort du conflit qui arma l'un contre l'autre Boniface et Philippe le Bel, ne lui avait pas aliéné son souverain. En politique avisé, Bertrand de Got avait fait cause commune avec l'épiscopat français contre le pape et, tout en assistant au synode de Rome, avait travaillé à l'apaisement des hostilités. Le roi lui tint si peu rigueur de son voyage qu'en avril 1304 il prit sa défense contre les officiers du royaume. Les ouvertures d'Orsini furent bien accueillies. Philippe, qui connaissait le fond du caractère de Bertrand de Got, conçut les plus chaudes espérances de son élévation au souverain pontificat.

Suffisamment renseigné, Napoléon Orsini soutint vigoureusement la candidature de Bertrand de Got, qu'appuyait aussi une ambassade française arrivée à Pérouse au début de 1305. Il eut l'habileté de flatter publiquement Matteo Rosso Orsini et de feindre un rapprochement avec lui, tandis que des émissaires secrets s'employaient près de certains bonifaciens pour les convaincre de la défection et de la trahison de leur chef. Lui-même circonvint entièrement le cardinal Pierre d'Espagne qui, à son tour, détacha de son parti les cardinaux Léonard Patrassi et François Caetani. C'en fut assez pour déplacer la majorité et réunir dix voix au profit de Bertrand de Got. La minorité, réduite à cinq voix, n'eut d'autre ressource que de déclarer son accession à l'élection (5 juin 1305) (LIZERAND, op. cit., p. 12-42).

De l'élection de Pérouse, Jean Villani a laissé un récit tout différent qui eut une extraordinaire fortune et qui, pourtant, n'est que fantaisiste. Suivant Villani (Istorie Fiorentine, I. VIII, c. LXXX), le cardinal Nicolas de Prato, du parti français, obtint l'acquiescement de la faction bonifacienne à un compromis ; les bonifaciens désignèrent trois candidats, parmi lesquels les antibonifaciens choisirent Bertrand de Got. Prévenu par Nicolas de Prato, Philippe le Bel désira s'assurer des intentions de Bertrand. Dans une abbaye perdue au milieu des bois, aux environs de S.-Jean-d'Angély, une rencontre eut lieu. La tiare fut garantie à l'archevêque de Bordeaux moyennant six promesses : réconcilier le roi sans restriction aucune avec l'Église ; le relever, lui et les siens, de l'excommunication encourue lors des démêlés avec Boniface VIII ; lui assigner le produit de cinq décimes sur tous les bénéfices du royaume ; condamner la mémoire de Boniface ; réhabiliter les Colonna et créer des cardinaux qui fussent amis de la France. La sixième condition devait être révélée en temps opportun. Bertrand de Got ayant tout promis, son élection s’effectua sans peine.

Inexact sur un certain nombre de points de détail, le récit de Villani est en outre contredit par les faits. Les itinéraires connus de Philippe le Bel et de Bertrand de Got [Note : RABANIS, Clément V et Philippe le Bel, p. 53-66. J. BOUCHERIE, dans Archives historiques de la Gironde, t. XXII, 1383, p. 340 ; Histoire littéraire de la France, t. XXI, p. 444-445] prouvent qu'à l'époque où se placerait l'entrevue prétendue de Saint-Jean-d'Angély l'un se trouvait à proximité de Paris, l'autre près de La Roche-sur-Yon. S'il y avait eu, par ailleurs, un pacte réel entre les deux personnages, on s'expliquerait malaisément les négociations laborieuses qui préludèrent plus tard à la reprise du procès de Boniface VIII et à la condamnation des Templiers.

Le 19 juin, tandis qu'il visitait sa province, à Lusignan, Bertrand de Got [Note : Bertrand naquit à Villandraut (Gironde), de Béraud de Got, seigneur de Villandraut, de Grayan, de Livran et d'Uzeste, à une date inconnue. Élevé dans le couvent des Deffends, de l'ordre de Grandmont, au diocèse d'Agen, il étudia le droit ecclésiastique et le droit civil à Orléans et à Bologne. Il fut d'abord chanoine de Bordeaux, de S.-Caprais à Agen, de Tours et de Lyon, puis vicaire général de son frère Béraud, archevêque de Lyon. En 1294, il fut chargé de mission diplomatique en Angleterre. Le 28 mars 1295 il était nommé évêque de Comminges et, le 23 décembre 1299, archevêque de Bordeaux. Cf. BALUZE, Vitae..., t. II, p. 31-175. — LIZERAND, op. cit., p. 23 sq.] apprit la nouvelle de son élection. Aussitôt, il rebroussa chemin et revint à Bordeaux. Là, il reçut le décret d'élection, signifia son acceptation et prit le nom de Clément. Il fixa son couronnement à Vienne (Dauphiné), pour la Toussaint suivante, puis annonça l'intention de se rendre en Italie dès qu'une paix définitive aurait été conclue entre la France et l'Angleterre (C. WENCK, Clemens V und Heinrich VII, p. 169-170).

Une ambassade française ayant élevé des objections contre ses projets, le pape, pour complaire à Philippe le Bel, choisit Lyon pour lieu de son couronnement. Le 4 septembre, il quitta Bordeaux. Le 1er novembre, il était à Lyon, après s'être attardé, en route, à Agen, au monastère de Prouille, à Béziers, Lézignan, Villalier, Montpellier, Viviers. Le 14 novembre, dans l'église S.-Just, en terre française, Napoléon Orsini, doyen du Sacré Collège depuis la mort de son oncle Matteo, couronna Clément en présence des cardinaux accourus de Pérouse, de Philippe le Bel et d'une foule de prélats et de princes de haut lignage. Un accident déplorable interrompit soudain le cours de la majestueuse procession qui se déroulait dans les rues de Lyon : un pan de muraille, surchargé de curieux, s'écroula sur le passage du cortège pontifical. Douze personnes, dont le duc Jean de Bretagne, trouvèrent la mort.

La rencontre à Lyon de Philippe le Bel et de Clément V fut funeste à l'Église. Des pourparlers qui s'ensuivirent sortirent deux graves décisions : d'abord, au lieu de prendre la route d'Italie, le pape se dirigea vers la Gascogne ; puis, le 15 décembre, il créa neuf cardinaux français et un seul anglais, et réintégra Jacques et Pierre Colonna dans le Sacré Collège. Ainsi s'accomplit dans le sénat de l'Église Romaine « une des révolutions les plus brusques dont l'histoire ecclésiastique ait gardé le souvenir » (E. RENAN, Études..., p. 100). L'élément italien était complètement mis en minorité. Il allait l'être encore bien davantage par les promotions de décembre 1310 et de décembre 1312.

Dès le début de son règne, Clément V se montra tel que dans la suite : impressionnable, faible de caractère, diplomate ondoyant, l'homme des demi-mesures, hors d'état de soutenir la lutte contre Philippe le Bel, qui était habitué à déployer toutes les ressources d'un tempérament froidement calculateur et doué d'une volonté opiniâtre. Le pape usera de tous les stratagèmes, de tous les atermoiements pour se laisser arracher finalement des concessions. C'est ainsi que le procès scandaleux de Boniface VIII sera repris ; l'attentat d'Anagni, absous ; les Templiers, supprimés.

A la décharge de Clément, il convient de remarquer qu'il fut malade durant tout son pontificat. Il souffrait cruellement d'une maladie que l'on soupçonne avoir été un cancer des intestins ou de l'estomac. Sous l'empire du mal, il devenait taciturne et vivait en reclus pendant des mois entiers, ce qui suscita des bruits calomnieux dont l'écho parvint à Villani et à Albertino Mussato [Note : Istorie Fiorentine, I. IX, c. LVIII. — De Gestis Heinrici VII, I III, tit. X, col. 606, — Les bruits rapportés par Villani, suivant les quels le pape aurait entretenu des rapports coupables avec la comtesse le Périgord, fille du comte de Foix, sont sans fondement ; cf. LIZERAND, op. cit., p. 375-376]. Lors de la crise qui dura depuis août jusqu'à la fin de décembre 1306, il n'admit personne près de lui, sinon quatre de ses parents, au grand mécontentement des cardinaux qui ne réussirent à l'approcher qu'à l'Épiphanie de 1307. A partir de 1309, les crises se répètent à de plus brefs intervalles. En 1313 et 1314, le mal empire. Clément s'imagine trouver quelques soulagements dans un changement d'air et songe à regagner sa terre natale. Épuisé par la souffrance, il meurt, le 20 avril 1314, à Roquemaure (Gard).

Quand il ne se trouve pas en face du roi de France, Clément ne manque ni d'énergie, ni de volonté. Dans le monde européen, c'est lui l'arbitre-né des différends. Il réconcilie les souverains entre eux ou avec leur noblesse et leur peuple. En Angleterre, il délie Édouard II des serments prêtés à ses barons. En Hongrie, son intervention dans l'affaire de la succession au trône termine, en faveur de Charobert, une révolution de quinze ans. Il dispose de la couronne impériale. Avec Henri VII, ses procédés sont fiers, impérieux. De Poitiers, le 5 juin 1307, il lance l'excommunication contre l'empereur de Byzance, Andronic II Paléologue. Partout il maintient son droit de suzeraineté. Il ramène sous son obédience Ferrare et traite durement Venise qui avait essayé de lui ravir cette ville. Robert de Naples est heureux de se déclarer son fils dévoué et d'accepter de lui le vicariat en Italie (RENAN, op. cit., p. 450-451).

Sous Clément, la centralisation dans le gouvernement intérieur de l'Église s'accentue davantage. Le choix des évéques échappe de plus en plus aux chapitres cathédraux qui sont obligés de respecter les réserves du Saint-Siège. La liste des bénéfices conférés directement par le pape s'allonge de façon inquiétante pour les collateurs ordinaires.

Clément V était un lettré. Comme tel, il favorisera l'enseignement. A Orléans, à Pérouse, il érige des universités. A Montpellier, il réglemente les statuts de la faculté de médecine. A Paris, à Bologne, à Oxford, à Salamanque, il ordonne la fondation de chaires d'hébreu, de syriaque et d'arabe.

Ce pontife malade apprécie les médecins. Pierre d'Aichspalt, qui le soigna, est porté sur le siège archiépiscopal de Mayence. Arnaud de Villeneuve trouve en lui un protecteur efficace.

C'est surtout comme juriste que Clément V se signale à l'attention de la postérité. Aux Décrétales il ajoute un septième livre, surnommé les Clémentines, et achève ainsi la compilation du grand Code de droit ecclésiastique, du Corpus juris canonici, auquel plus tard on annexera, sous le nom d'Extravagantes, quelques Constitutions de ses successeurs.

Quoique peu nombreuses, les œuvres d'art que l'on doit à son initiative sont toutes remarquables : les voûtes grandioses de S.-Bertrand de Comminges ; la splendide chape laissée à cette cathédrale à l'occasion de la translation des reliques de S. Bertrand, où sur un vaste champ brodé d'or de Chypre et parsemé de feuillage et de figures se déroulent dix-sept scènes historiques coupées de médaillons ; la collégiale d'Uzeste...

L’abord de Clément était aimable. Naturellement affable, le pontife cherchait à gagner les cœurs par d'habiles compliments et prodiguait les louanges, surtout aux monarques.

Son affabilité dégénérait malheureusement en débonnaireté. Trop humain, il eut des complaisances excessives pour ses proches. Dès le mois de juillet 1305 commence généreuse distribution de bénéfices à ses neveux, alliés ou parents. Cinq membres de sa famille reçoivent la pourpre cardinalice. D'autres montent sur des sièges épiscopaux dont les revenus sont abondants. Les laïcs n'ont pas moins de part aux bonnes grâces du pape. Ils sont pourvus de rectorats ou de charges importantes dans les États de l’Eglise et se contentent de toucher les émoluments des fonctions lucratives qu'ils n'exercent pas par eux-mêmes.

A la Cour pontificale, le manque de surveillance de Clément V occasionne de regrettables abus. Le désordre et la cupidité règnent à tel point que les portiers et les chambrier ne permettent l'accès près du pape que moyennant finance. Malheur aux gens d'Église situés sur le passage de la Cour pontificale. L'abbé de Cluny, Gilles Colonna, archevêque de Bourges, les Bordelais, l'Église de France gémissent des exactions dont ils sont les victimes. Ailleurs les bénéficiers ne sont pas mieux traités. Le chiffre des impôts fournis par la perception des annates, des vacants, des décimes, cens, services communs..., s'élevait, chaque année, d'après les calculs du P. Ehrle [Note : Der Nachlas Clements V und der in Betreff desselben von Johann XXII (1318-1321) geführte Prozess, dans Archiv, t. V, 1889, p. I-166], à 200.000 florins environ. Sur cette somme énorme 100.000 suffisaient au train modeste de la Cour ; le reste était mis de côté. Au bout de neuf ans, l'encaisse du trésor pontifical atteignait le chiffre de 1.040.000 florins ! Le testament de Clément V révèle qu'il prêta 320.000 florins aux rois de France et d'Angleterre, que son neveu, le vicomte de Lomagne, reçut 300.000 florins, à charge de conduire à la croisade cinq cents chevaliers pendant un an et demi ou deux ans, que 200.000 furent laissés à ses parents, amis ou familiers, que 200.000 furent destinés à des œuvres pies du midi de la France, que 70.000 seulement furent légués à son successeur.

BIBLIOGRAPHIE - SOURCES
J. BOUCHERIE, Inventaire des titres qui se trouvent au trésor de l’archevêché de Bordeaux, dans Archives historiques de la Gironde, t. XXIII, 1883, p. 305 sq. — CH.-V LANGLOIS, Documents relatif à Bertrand de Got (Clément V), dans Revue historique, t. XL, 1889, p 45-54 ; Notices et documents relatifs à l’histoire de France au temps de Philippe le Bel ; document italiens, ibid., t. LX 1896, p 308-328 ; Geoffroy du Plessis, protonotaire apostolique de France, Ibid., t. LXVII, 1898, p. 70-83 ; Nova curie, ibid., t LXXXVII, 1905, p. 55-79 ; Le fonds de l’« Ancient correspondence » au Public Record Office de Londres, dans Journal des savants, 1904, p. 380-393 446-453. — F. EHRLE, Der Nachlas Clemens V. und der in Betreff desselben von Jahann XXII, (1318-1321) geführte Prozess, dans Archiv, t, V 1889, p 1-166. — J.-F RANANIS, Clément V et Philippe le Bel lettre Lettre à M Daremberg sur l’entrevue de Phillippe le Bel et de Bertrand de Got à S.- Jean-d’ Angély, Paris, 1858. — H. FINKE, Acta aragonensia, Münter-Berlin, 1908-1923, 3 t. ; Aus der Tagen Bonifaz VIII, Münster, 1902. — BALUZE, Vitae paparum Avenionensium, éd. G. Mollat — DE FLAMARE, Le pape clément V à Nevers, dans Bulletin historique et philologique, 1890, p. 13-22. — Regestum Clementis papae V. — Dans le Corpus juris canonici, les Contitutions dites Clémentines. — U. CHEVALIER, Passage du Pape Clément V à Valence au retour du concile de Vienne, dans Bulletin d’histoire ecclésiastique et d’archéologie religieuse des diocèses de Valence, Digne, Gap, Grenoble et Viviers, t. XVIII, 1898, p. 113-129 (itinéraire du pape du 18 septembre 1911 au 22 mai 1362). — E. BERGER, Bulle de Clément V en faveur de Guillaume de Nogaret, dans Mélanges E. Châtelain, Paris, 1910, p. 268-270. — L.-H. LABANDE, Le Cérémonial romain de Jacques Cajétan, les donnés historiques qu’il contient, dans B.E.C., t LIV 1893, p. 15-74.

(G. Mollat).

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