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L'établissement du Saint-Siège de la Chrétienté à Avignon.

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Le chroniqueur Ptolémée de Lucques a rapporté qu'aussitôt élu pape Bertrand de Got « délibéra de fixer sa résidence dans le Comtat-Venaissin et de ne jamais passer outre-monts » (ALUZE-MOLLAT, Vitae paparum Avenionensium, t. I, Paris, 1916, p. 24). Il a commis une méprise. Certes, les lettres des cardinaux, notifiant l'élection, étaient plutôt rédigées de façon à détourner Clément V de l'Italie. Elles dépeignaient ce pays comme livré à l'anarchie et les États pontificaux comme ruinés par la guerre (MANSI, Conciliorum nova et amplissima collectio, t. XXV, col. 127). Cependant le pape annonça son intention de gagner l'Italie dès que la paix aurait été conclue entre les rois d'Angleterre et de France, et la croisade organisée. Il fixa le lieu de son couronnement en terre d'Empire, à Vienne en Dauphiné, ville située sur la route d'Italie (C. WENCK, Clemens V und Heinrich VII, Halle, 1882, p. 169). Il n'invita à son couronnenment qu'un nombre restreint de cardinaux : deux évêques, deux prêtres et deux diacres (H. FINKE, Acta Aragonensia, Münster, 1908, p. 199, 403).

Si, par la suite, Clément V changea de projets, il persista dans son intention de quitter la France où les circonstances l'avaient retenu. Un ambassadeur aragonais écrivait en effet à Jayme II, en 1306 : « Le pape a signifié [aux cardinaux] que son intention était de rester ici jusqu'au prochain mois de mars. Car alors il licenciera la cour pour aller outre-monts et se rencontrera, à Poitiers, avec le roi de France, afin de le décider à recevoir la croix et à consolider la paix entre lui et le roi d'Angleterre. Et, à partir de ce moment, ne s'arrêtant en aucun autre lieu, ledit seigneur pape ira en Italie » (H. FINKE, Papsttum und Untergang des Templerordens, t. II, Münster, 1907, p. 21-22). D'après le même ambassadeur, lors de l'entrevue de Poitiers, en 1308, le Souverain pontife témoigna à Philippe le Bel sa joie de le rencontrer, car il avait le dessein d'aller à Rome et de l'entretenir avant son départ (H. FINKE, Papsttum und Untergang des Templerordens, t. II, Münster, 1907, p. 34). Le 11 avril 1308, Clément songeait à la restauration du ciborium de l'autel majeur de S.-Jean de Latran ; il disait : « Avec la grâce de Dieu, nous nous proposons de remettre, de nos propres mains, le très célèbre autel de bois à la place où il se trouvait » (Regestum Clementis papae V, n. 3592). Enfin, l'année suivante, il promettait de sacrer lui-même Henri VII, à Rome, dans l'espace de deux ans (Regestum Clementis papae V, n. 4302). Pourquoi Clément V ne réalisa-t-il pas des desseins maintes fois exprimés ?

Si le pape fixa le lieu de son couronnement à Vienne et non en terre italienne, ce fut afin d'attirer à la cérémonie les rois d'Angleterre et de France, et de profiter de leur présence pour travailler à la conclusion entre eux d'une paix définitive. En cela, il réalisait un projet cher à feu Boniface VIII qui avait songé à venir en France afin d'y régler le différend franco-anglais (C. WENCK, op. cit., p. 41). A l'exemple de son prédécesseur, Clément V avait jugé la croisade impossible sans le concours effectif, de la France et de l'Angleterre. Or, ce concours ne pouvait être efficacement sollicité que le jour où les deux pays auraient scellé la paix. Clément V travailla avec ténacité à les réconcilier. Il négocia le mariage d'Isabelle de France avec le futur Édouard II. Malgré ses démarches, la réconciliation finale ne s'effectua qu'en 1312 (G. LIZERAND, Clément V et Philippe IV le Bel, Paris, 1910, p. 65-64, 69).

Cependant Clément V avouait le 28 novembre 1306 que les negociations de paix, fort avancées à cette date, eussent pu être menées à bonne fin par l'intermédiaire de simples nonces (C. WENCK, op. cit., p. 43). D'autres causes entravèrent son départ pour Rome. La principale d'entre elles fut la pression exercée par la cour de France. Dès juillet et août 1305, des ambassadeurs francais vinrent trouver Clément V et lui remirent en mémoire le procès intenté au défunt Boniface VIII, qui n’était point encore terminé. Le pape, qui voulait en éviter le reprise, fit une concession, grosse de conséquences : il décréta que son couronnement aurait lieu non plus à Vienne, mais à Lyon. Le 14 novembre 1305, la cérémonie se déroula dans cette ville en présence de Philippe le Bel. Elle fut suivie de pourparlers très importants. Le roi de France insista pour obtenir la reprise du procès de Boniface VIII. On convint d'en parler lors d'une prochaine entrevue ; d'où, pour Clément V, la nécessité de remettre à des jours meilleurs le départ pour l'Italie.

De Lyon, le pape se rendit à Mâcon et à Cluny, puis gagna le Languedoc par Nevers, Bourges, Limoges et Périgueux. Une maladie, qui faillit lui coûter la vie, contribua à le retenir près d'une année dans le Bordelais (mai 1306-mars 1307) et à empêcher la rencontre projetée avec Phihppe le Bel pour la S.-Michel de 1306. Quelque peu rétabli, Clément V recommença ses chevauchées et parvint à Poitiers (avril 1307). Là, il ne réussit pas à s'entendre avec le roi de France qui refusa de souscrire à tous les compromis proposés pour terminer l'affaire toujours pendante de Boniface VIII. L'on se sépara sans avoir rien résolu. Le 13 octobre 1307 se produisit un coup de théâtre : l'arrestation en masse des templiers. Une nouvelle entrevue avec Philippe le Bel devint nécessaire. Elle eut lieu encore à Poitiers (mai-juillet 1308). Le roi montra cette fois de telles exigences que Clément V résolut d'échapper à son emprise. Aller à Rome, il n'y pouvait songer. Laisser Philippe le Bel maître de la situation, à la veille de l'ouverture du concile de Vienne où se décideraient les plus graves intérêts de l'Église, où surtout se débattrait le scandaleux procès des Templiers, c'eût été folie. D'un commun accord avec les cardinaux, Clément V convint de transférer la cour en Avignon (août 1308) (H. FINKE, op. cit., t. II, p. 156).

Cette ville présentait des avantages précieux. Soit par voie de terre, soit par voie d'eau, elle assurait des relations rapides et fréquentes avec l'Italie. Elle était proche de la France, mais n'en dépendait pas. Ses suzerains, les princes angevins de Naples, n'étaient pas à redouter ; la défense de l'intégrité de leur royaume des Deux-Siciles contre les entreprises de l'ambitieuse maison d'Aragon et la gérance des intérêts guelfes dans le reste de la péninsule suffisaient largement à absorber leurs efforts ; n'étaient-ils pas, d'ailleurs, les vassaux de l'Église ? Enfin, la cité d'Avignon formait une enclave dans le Comtat-Venaissin, apanage du S.-Siège. Aucune autre ville n'offrait à la papauté un asile plus tranquille, ni de plus fortes garanties d'indépendance et de sûreté.

Sa détermination prise, Clément V parcourut à petites journées le midi de la France. En mars 1309, il entrait à Avignon et inaugurait ce long exil de la papauté qui dura près de soixante-dix ans et qui, par une comparaison peu justifiée avec le séjour du peuple de Dieu en terre étrangère, a pris nom dans l'histoire de « captivité de Babylone ».

Plan du palais des Papes d'Avignon.

L'installation du pape en Avignon garda toujours un caractère provisoire. Clément V habita modestement le couvent des frères prêcheurs (M. FAUCON, Les arts à la cour d'Avignon sous Clément V et Jean XXII, dans Mélanges, t. II, 1882, p. 39). Il ne fit apporter d'Italie que les registres des lettres de ses deux prédécesseurs et laissa la plus grande partie du trésor pontifical à S.-Francois d’Assise [Note : Regestum Clementis papae V, introd., p. XXXI. — F. EHRLE, Historia bibliothecae pontificum Romanorum, Rome, 1890, p. 11-12. — Nachtraege zur Geschichte der drei aeltesten paepstlichen Biblioteken, dans Kirchengeschichtliche Festgaben Anton de Waal, Fribourg-en-Brisgau, 1913, P. 337-369]. A Avignon même il ne séjourna que fort peu de temps; il lui préférait les villes ou les châteaux du Comtat-Venaissin.

De 1309 à 1311, l'affaire de Boniface VIII causa au Souverain pontife les plus graves soucis. Par son habileté Clément V réussit à ralentir le plus possible la marche de la procédure et à imposer finalement silence aux pires accusateurs du pape défunt. Quant à l'affaire des Templiers, elle lut réglée au concile de Vienne (16 octobre 1311-6 mai 1312). Au moment où Clément V eût pu gagner l'Italie, sa santé, toujours précaire, s'altéra gravement. Elle déclina rapidement après la promulgation, au concile de Vienne, de la Constitution Exivi de Paradiso, suivant le chroniqueur contemporain Ptolémée de Lucques, qui tenait le renseignement de la bouche du confesseur pontifical (BALUZE-MOLLAT, op. cit., t. I, p. 52-53). Sentan sa fin prochaine, le pape dicta son testament le 9 juin 1312 (F. EHRLE, Der Nachlass Clemens V, etc., dans Archiv, t. V, 1889, p. 26). Le mal empira dans le courant des années 1313 et 1314. Il acheva son œuvre le 14 avril 1314.

Quand bien même Clément V eût joui d'une meilleure santé, il lui eût été impossible de franchir les Alpes en 1312 et 1313. L'entrée de Henri VII en Italie avait suffi à révolutionner le pays tout entier. Rome, depuis le 7 mai 1312, n'était plus qu'un champ de bataille où guelfes et gibelins se livraient de sanglants assauts. Henri VII ne tarda pas à traiter la papauté en ennemie et à braver l'excommunication portée contre quiconque attaquerait le roi de Naples. Dans de telles conjonctures peut-on faire grief à Clément V d'être resté dans le Comtat-Venaissin ? Où eût-il trouvé un asile aussi sûr que là ?

Sous les successeurs de Clément V, Rome, l'Italie, en dépit des protestations et des appels réitérés des populations, demeurèrent inhospitalières à la papauté. « Ah ! Italie, séjour de douleur, écrivait Dante, vaisseau sans nocher au milieu d'une affreuse tempête, tu n'es plus la maîtresse des peuples, mais un lieu de prostitution. Maintenant, ceux qui vivent dans tes contrées se font une guerre implacable ; ceux qu'une même muraille et les mêmes remparts protègent, se rongent les uns les autres. Cherche, misérable, autour de tes rives et vois si dans ton sein une seule de tes provinces jouit de la paix ». De fait, la guerre ne cessa pas de dévaster l'Italie sous le pontificat de Jean XXII. En 1332, le pape songea à franchir les Alpes, à la suite des victoires remportées sur les gibelins par Bertrand du Poujet. Il conçut le projet de pacifier la Lombardie et la Toscane, puis de gagner Rome. Bologne, soumise à l'Église, fut choisie comme lieu de résidence provisoire. On y fit des préparatifs de réception. Une citadelle fut édifiée à la porte Galliera. A Rome même parvint l'ordre de restaurer les demeures pontificales et de rendre les jardins à la culture [Note : L. CIACCIO, Il cardinale le gato Bertrando del Poggetto, Bologne, 1906, p. 144-152]. La rébellion de Bologne et la réalisation de la croisade coupèrent court aux desseins du pape [Note : Not. et extr. des mss., t. XXXV, part. II, p. 417-419. — Regesta Vaticana, t. CXVI, fol. 217 r°, c. 1096-1098 ; t. CXVII, fol. 108 r°, c. 534]. En 1333, en effet, le roi de France avait été nommé capitaine général de l'armée chrétienne. Cette année-là et la suivante les négociations furent plus actives que jamais entre les cours de Paris et d'Avignon. Le départ du S.-Siège pour l'Italie eût mécontenté Philippe VI — les intentions de Jean XXII l'avaient fort ému — entravé les préparatifs de l'expédition qui semblait certaine et, sans nul doute, compromis gravement le succès éventuel de la croisade [Note : N. VALOIS, Jacques Duèse, pape sous le nom de Jean XXII, dans Histoire littéraire de la France, t. XXXIV, 1915, p. 485-487, 498-511].

Au début de son pontificat, Benoît XII écouta les doléances des ambassadeurs que les Romains avaient envoyés vers lui. Dans un consistoire tenu en juillet 1335, il décida, avec le consentement unanime de ses cardinaux, que la cour quitterait Avignon vers le 1er octobre suivant qu'elle se transporterait à Bologne provisoirement (J.-M. VIDAL, Lettres closes et patentes de Benoît XII, t. I, Paris, 1919, n. 476). Les cardinaux changèrent d'avis dans un second consistoire. Ils jugèrent à propos de différer le départ pour l'Italie ; car, outre les nombreuses difficultés que présentait le voyage même, ils pensaient qu'un déplacement du S.-Siège entraverait les projets de croisade et la solution des affaires urgentes (DAUMET, n. 112, 139 et 141). D'autre part, une enquête conduite sur les lieux montra avec évidence que Bologne était encore trop agitée par les séditions pour autoriser le transfert du S.-Siège dans ses murs (A. THEINER, Codex diplomaticus dominii temporalis Sanctae Sedis t. I, Rome, 1861, doc. DCCLXVII et DCCLXIX). Les prévisions des cardinaux étaient justes. Bologne ne tarda pas à se révolter de nouveau contre l'Église ; ailleurs, en Romagne et dans les Marches, les seigneurs méditaient de se rendre indépendants ; à Rome, la révolution domina de 1347 à 1354.

La guerre devint inévitable sous Clément VI. Elle désola l'Italie jusqu'au jour où la rude épée d'Albornoz eut vaincu les divers tyrans, grands et petits, qui troublaient la paix. Urbain V crut le moment favorable pour rétablir la papauté à Rome. On sait comment l'hostilité de ses propres sujets l'obligea à regagner Avignon (Voir infra, p. 116-117). Les craintes du pape n'étaient pas chimériques. Sous Grégoire XI, les factions romaines recommencèrent à s'agiter. Elles complotèrent de massacrer les étrangers qui composaient la Cour pontificale et les cardinaux non italiens, afin de forcer le pape à se fixer à perpétuité dans la Ville éternelle (L. GAYET, Le Grand Schisme d'Occident, t. I, Paris, 1889, pièces justificatives, p. 120). Bien plus, un cardinal romain, dit-on, conçut la noire pensée d'attenter aux jours de Grégoire XI, afin de briguer la tiare (L. GAYET , op. cit., t. II, pièces justificatives, p. 162). D'après d'autres contemporains, si, comme il en avait manifesté l'intention, Grégoire eût quitté l'Italie à nouveau, les Romains lui eussent opposé un antipape (L. GAYET , op. cit., t. I, pièces justificatives, p. 119 et 157). Quoi qu'il en soit, les précautions prises par le Souverain pontife le 19 mars 1378 indiquent clairement chez lui la crainte de troubles graves après sa mort (N. VALOIS, La France et le Grand Schisme d'Occident, t. I, Paris, 1896, p. 8-9).

Somme toute, si la papauté n'a pas résidé en Italie de longues années, c'est que celle-ci lui demeura inhospitalière. Les papes du XIVème siècle ont dû conserver présent à leur mémoire le souvenir de l'attentat perpétré à Anagni sur la personne de Boniface VIII, attentat qu'avait rendu possible la connivence des Romains.

Ainsi, le séjour de la papauté sur les rives du Rhône se trouve suffisamment expliqué, voire excusé, par la nécessité de terminer le procès intenté à Boniface VIII et de liquider le procès des Templiers, l'ouverture du concile de Vienne, l'éventualité de la croisade, les tentatives de conciliation entre la France et l'Angleterre et surtout l'insécurité de l'Italie. A ces causes principales il s'en joint de secondaires : la prépondérance des cardinaux français dans le Sacré Collège et leur antipathie marquée pour le sol italien, la construction par Benoît XII du palais des papes, admirable ouvrage d'art autant que de défense qui garantit longtemps la plus complète sécurité, l'achat en 1348 d'Avignon à Jeanne Ire, reine de Naples, l'attachement de Clément VI pour sa patrie, l'âge et les infirmités d'Innocent VI (MARTENE et DURAND, Thesaurus novus anecdotorum, t. II, Paris, 1717, col. 946-947), les menées et les intrigues des rois de France qui désiraient retenir la Cour pontificale à portée de leur influence, le souci de la papauté de ménager les seuls alliés sérieux qu'elle comptât dans le conflit aigu avec Louis de Bavière.

Vue du palais des Papes d'Avignon en 1617.

BIBLIOGRAPHIE.
Sur la papauté avignonnaise, voir A. FLICHE, La gloire d'Avignon, dans Annuaire de la Société des amis du palais des papes, t. XVIII, 1929, p. 33 -4 5 — H. COCHIN, La grande controverse de Rome et Avignon au XIVème siècle, dans Études italiennes, 1921, p. I-14, 83-94. — E. KRAACK , Rom oder Avignon. Die roemische Frage enter den Paepsten Clemens V and Johann XXII, Marbourg, 1929 (n'apporte rien de Nouveau sur la question et ne connaît pas les travaux qui l'ont traitée). — La disputoison de l'Église de Romme et de l'Église de France pour le siège du pape, dans Histoire littéraire de la France, t. XXXV, 1921, p. 330-331 (le poète Gefroi des Nes ou de Paris accuse l'Église de Rome de n'aimer le pape que par intérêt pécuniaire). — R. CAGGESE, Dal concordato di Worms alla fine della prigioneria d'Avignone, 1122-1377, Turin, 1932. — O. HOMBERG, Avignon, ville papale, Paris, 1938 (livre sans valeur, rempli d'erreurs et de confusions). — F. GUTMANN, Die Wahlanzeigen der Paepste bis am Ende der Avignonesischen Zeit, Marbourg, 1931.

(G. Mollat).

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