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AFFAIRE LUCAS

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LUCAS, Recteur à Saint-Michel-en-Grève, 1899-1901 

Cette affaire, qui date des années 1899-1900, a fait grand bruit dans les chaumières de Saint-Michel-en-Grève. Il s'agit de la dénonciation du comportement du desservant de Saint-Michel-en-Grève, Yves-Marie LUCAS (1899-1901), lors de ses sermons en l'Eglise de St Michel-en-Grève, par certains habitants (des républicains semble-t-il ?) auprès des autorités publiques, lors du divorce et du remariage civil de l'ancien sous-préfet M. Méron-Bancel (juillet 1899) et lors de son sermon du 4 mars 1900. 

1 - Affaire Méron-Bancel: 

M. Méron-Bancel adressera le 3 Juillet 1899, une lettre au Ministre des Cultes pour dénoncer les propos du desservant M. Lucas : 

« Monsieur le Ministre Des Cultes, J’ai l’honneur de vous exposer les faits suivants tout en vous demandant de me faire accorder justice. M. le desservant de St. Michel-en-Grève (Côtes-du-Nord), l’abbé Lucas, précédemment suspendu de ses fonctions alors qu’il était vicaire de Lézardrieux se permet de tenir des propos grossiers et insulte outrageusement en chaire tous les dimanches à la messe, les personnes qui se sont mariées civilement dans cette commune. De plus, l’abbé Lucas parle devant les enfants et devant tout l’auditoire de choses absolument immorales, telles que «filles-mères», avortement, sage-femme, accouchement, etc. Vous pouvez faire faire une enquête très approfondie sur les faits que j’ai l’honneur de vous signifier et vous trouverez de plus dans la façon de vivre du curé de St.Michel-en-Grève (maîtresse, etc..), des faits qui, certes, vous obligeront à sévir contre un prêtre qui par suite de ses fonctions et abusant des prérogatives de son costume sacerdotal se croit en droit d’insulter tout le monde dans un langage grossier et insolent. Je demande donc justice, Monsieur le Ministre, et vous prie d’agréer les assurances de mon entier et respectueux dévouement. Signé : Alexandre Méron Bancel, ancien sous-préfet.  Saint-Michel-en-Grève le 3 juillet 1899 » 

Le sous-préfet (Mr Coggia) de Lannion adressera à Monsieur le Préfet des Côtes-du-Nord, la lettre suivante, datée du 21 août 1899: "J'ai l'honneur de vous retourner ci-joint la plainte adressée par Mr Méron-Bancel, ancien Sous-Préfet, à Mr Le Ministre des Cultes, concernant le curé de St Michel-en-Grève. Comme presque toujours, je n'ai pas pu recueillir sur cette affaire de renseignements précis. Le Maire de Plestin que j'avais prié de me renseigner parce qu'il est mieux placé pour cela, m'a déclaré qu'il préférait ne pas être chargé de l'enquête. Il considère le prêtre dont il s'agit comme un homme grossier, brutal, disant dans ses sermons des choses déplacées, ayant même à l'occasion une attitude politique hostile. Mais c'est le fait précis, ce sont les témoignages auxquels Mr le Ministre attache peut être beaucoup trop d'importance qui lui paraissent impossibles à recueillir. Mr Méron-Bancel auteur de la plainte était marié à la fille du Préfet actuel de la Loire Inférieure; il a divorcé et vient d'épouser la fille d'un débitant de St Michel-en-Grève qu'il a connue à Paris où elle menait joyeuse vie. Je crois qu'il a trouvé de tous côtés beaucoup d'opposition à ce mariage, sauf bien entendu du côté de sa femme et de la famille de celle-ci, car Mr Méron est riche. Le curé de St Michel lui-même s'en est mêlé et Mr Méron m'avait écrit un mot pour me prier d'intervenir dans le cas où le Maire, cédant aux sollicitations du curé, refuserait de le marier. Cette difficulté ne s'est pas produite. Quelques jours avant le mariage, dont on parlait évidemment beaucoup à St Michel-en-Grève, le curé dans un sermon aurait fait des allusions à la situation de Mr Méron et de la femme qu'il épousait. Il a sans doute prêché contre le divorce. A-t-il prononcé des paroles injurieuses? C'est ce que je n'ai pas pu établir et dans ce cas, il me semble que l'intervention de la justice était bien mieux indiquée. J'ai chargé, l'instituteur de St Michel-en-Grève de me tenir au courant des faits et gestes de ce desservant. Lui seul pourra et voudra me renseigner. En raison, cependant de ce qui m'a été dit par le maire de Plestin-les-Grèves, je verrais avec plaisir qu'on prît contre le curé de St Michel-en-Grève une mesure et que son traitement fût suspendu. Mais je professe désormais un certain scepticisme à l'égard des mesures de ce genre; le Ministre n'use de rigueur que bien rarement; quant à l'évêque, il maintient à leur poste, puisqu'il en a malheureusement le droit, les desservants hostiles à l'Administration et au Gouvernement envers et contre tous". 

 Le Ministre des Cultes répondra favorablement le 4 Septembre 1899, à un courrier du Préfet daté du 26 août 1899 (courrier dans lequel on retrouve le contenu de la lettre du sous-préfet de Lannion) : "Monsieur le Préfet, j'ai pris connaissance de votre rapport du 26 août courant concernant la plainte formulée par Mr Méron-Bancel contre Mr Lucas, desservant de St Michel-en-Grève, et je partage entièrement votre manière de voir. Comme vous, j'estime que l'intervention de l'autorité juridique était indiquée dans cette affaire et vous laisse le soin d'en aviser Mr Méron-Bancel en lui faisant savoir que l'autorité administrative ne pouvant user de son pouvoir disciplinaire sur les prêtres que pour les faits échappants à la juridiction de Droit Commun, je ne peux que lui laisser le soin d'apprécier s'il doit saisir le parquet de Lannion, des faits qu'il reproche à Mr Lucas. Recevez Monsieur le Préfet, l'assurance de ma considération très distinguée. Pour le Ministre ; Pour le Conseiller d'Etat; Directeur Général des Cultes; Le Sous-Directeur : Signé (illisible)". 

 2 - Sermon du 4 mars 1900: 

Le Commissaire spécial adressera plusieurs courriers au Préfet des Côtes-du-Nord suite à l'intervention de Mr Bazile et Le Goïc pour dénoncer les propos du desservant Mr Lucas : 

« Extrait prononcé en breton le 4 mars par le sieur Lucas, desservant de Saint-Michel-en-Grève. 

Notre zélé curé nous a tracé dimanche dernier nos devoirs de citoyens. Il nous a dit que nous devions obéir aux lois, sauf à celles faites contre la religion : Dieu défend d’obéir à celles-là et personne n’a le droit de nous y contraindre ; payer les impôts qui se payaient aussi autrefois sous le nom de taille et corvée ; qu’il fallait être prêt même à payer l’impôt du sang en cas de danger. 

Arrive le devoir de voter. 

Vous devez tous aller voter chaque fois qu’il y a des élections et dans quel état ? Dans l’état où l’on peut se présenter sans honte chez un ami et non pas attendre pour voter le moment où il faut vous conduire à la mairie et où sans ce secours vous ne parviendriez pas à entrer sans rouler…..Et pour qui devez-vous voter ? Vous devez voter pour les défenseurs de la religion…..Bien réfléchir et voir si le candidat de votre choix est un défenseur de la religion. Lors même que ce soit votre ami, lors même qu’il vous ait payé pour deux sous d’eau-de-vie ou qu’il vous ait glissé cinq sous dans votre poche, ou encore qu’il vous ait fait cadeau d’un habit neuf ou qu’il fournisse du bois à feu, ne votez pas pour lui s’il n’est pas un défenseur de Dieu et de la religion. Mettez donc toute votre attention à surveiller les faits et gestes, la vie du candidat pour qui vous devez voter. Vous vous plaignez de subir les conséquences de lois mauvaises, de lois contre la religion. Votez donc pour des défenseurs de la religion et vous aurez de bonnes lois. Si vous votez pour des gens contre la religion, vus faites un péché mortel, un péché des plus graves….. Signé Th. Bazile et Goïc».   

 Une lettre datée du 9 mars 1900 sera adressée par le sous-préfet de Lannion (Mr Coggia) au Préfet des Côtes-du-Nord : "J'ai l'honneur de vous adresser ci-joint un extrait du sermon prononcé en chaire, en breton, le dimanche 4 mars courant par Mr Lucas, desservant à St Michel-en-Grève. Je crois devoir appeler tout particulièrement votre attention sur les conseils que cet ecclésiastique donne à ses ouailles en matière électorale et j'estime qu'il y a lieu de signaler son attitude à Mr le Ministre des cultes en lui demandant de prendre à l'égard de Mr Lucas une mesure aussi sévère que possible. La suppression de son traitement pendant quelques mois ma paraît seule de nature à modérer l'ardeur excessive du desservant de St Michel qui a déjà fait l'objet de ma lettre du 2 août 1899 et qui trouvera évidemment auprès de l'autorité diocésaine le plus ferme appui. Je dois ajouter à ce propos qu'il me revient de divers côtés que la lecture du dernier mandement de l'Evêque de St Brieuc a été dans les églises, l'occasion d'attaques violentes contre les écoles laïques et les enfants qui les fréquentent. Le sous-préfet , Coggia". 

 Un rapport de l'ensemble de l'affaire est adressé au Préfet par le commissaire spécial le 21 mars 1900. Ce rapport est rédigé de la façon suivante :" Monsieur le Préfet. En vous transmettant mon rapport avec annexées, les déclarations de Mr Bazile et Le Goïc, j'ai l'honneur de vous faire connaître qu'il ne serait pas possible de trouver à St. Michel d'autres témoins que ceux désignés ci-dessus qui voudraient ou plutôt qui oseraient parler de ce qu'a dit le desservant Lucas dans son sermon du 4 mars. On déteste foncièrement ce desservant, cela est de notoriété publique, et cependant, la population craint de se compromettre en témoignant contre lui ou en fournissant de simples renseignements sur son compte. Cet ecclésiastique inspire une crainte contre laquelle l'esprit public n'essaye même pas de réagir publiquement; on le méprise sous le manteau de la cheminée, entre amis sûrs, mais on ne veut pas se compromettre s'il s'agit de témoigner contre le prêtre et, prudemment, on s'abstient de parler en invoquant qui l'un, son peu de mémoire des paroles prononcées, qui l'autre son inaptitude à traduire le breton en français. Les deux personnes qui m'ont fait leur déclaration ne se sont décidées à parler que sous le couvert du secret en ce qui concerne leur personnalité. En présence des difficultés qui se présentaient pour la continuation utile de mon enquête, j'ai pris conseil de l'instituteur et de Mr Ledret, conseiller général républicain de St. Michel qui à ma demande est revenu tout exprès de Ploumilliau où il se trouvait pour affaires. Après avoir longuement discuté et après avoir pesé toutes les conséquences publiques d'une enquête dont les résultats paraissaient devoir être nuls, ces messieurs et moi avons émis l'avis que si les déclarations de Mr Bazile et Goïc étaient insuffisantes pour entraîner une mesure répressive quelconque contre le desservant Lucas il y avait lieu de ne pas courir le risque d'un échec par voie d'enquête et de rester, quant à présent, dans une expectative prudente afin de ne pas donner une force nouvelle au desservant qui bien certainement serait le premier à profiter de l'avantage moral qu'il ne manquerait pas de retirer des résultats négatifs d'une enquête le concernant. D'un autre côté, si avec les éléments que nous possédons contre Mr Lucas, il y avait possibilité de sévir à son encontre, sans pour cela avoir besoin de découvrir ceux qui ont fourni les indications consignées dans mon enquête, il serait particulièrement opportun de provoquer sans retard les mesures disciplinaires que l'administration jugerait utile de prendre en la circonstance. Je dois ajouter qu'à partir de dimanche prochain, le desservant Lucas sera surveillé dans ses sermons par des personnes sûres qui noteront scrupuleusement à leur entrée chez elles les écarts de langage répréhensibles de cet ecclésiastique et en feront un rapport qui sera adressé sans retard à monsieur le sous-préfet de Lannion qui vous le transmettra ensuite. Veuillez agréer, monsieur le Préfet, l'assurance de mes sentiments respectueux et dévoués". 

 Une autre lettre toujours datée du 21 mars 1900 et écrite par le commissaire spécial est jointe au rapport: "Monsieur le préfet, le 16 courant vous avez bien voulu me charger d'ouvrir une enquête discrète à St Michel-en-Grève sur l'attitude publique du desservant Lucas et notamment sur les conseils qu'il aurait donnés à ses paroissiens en matière électorale au cours de son sermon prononcé en breton en l'église de St Michel-en-Grève le dimanche 4 mars 1900. J'ai l'honneur de vous faire connaître que je me suis rendu lundi dernier dans cette commune et que les renseignements que j'y ai recueillis m'ont permis d'établir la véracité des propos imputés à Mr Lucas dans son sermon du 4 et qui ont fait l'objet de la communication à monsieur le sous-préfet de Lannion en date du 9 du même mois. Deux témoins sont des plus affirmatifs dans leur déclaration et leur sincérité ne laisse place à aucune suspicion. De ces témoignages émanant de personnes honorables et dignes de foi, il ressort de façon absolument incontestable que Mr Lucas s'est livré, à l'église, à des dissertations publiques en matière électorale et à des critiques indirectes et voilées il est vrai, des lois existantes, mais insuffisamment gazées cependant pour que la pensée de l'orateur ne fût pas comprise de tous ses auditeurs. C'est ainsi qu'il a tenu ce langage : "Vous devez obéir aux lois, sauf à celles faites contre la religion; Dieu défend d'obéir à celles-là et personne n'a le droit de nous y contraindre". Puis quelques instants après, il s'exprimait ainsi : "Vous vous plaignez de subir les conséquences de mauvaises lois, de lois contre la religion? Votez pour les défenseurs de la religion et vous aurez de bonnes lois." Ce langage peu en rapport avec la mission sacerdotale de Mr Lucas est l'objet des critiques les plus vives de la part de ses paroissiens qui blâment hautement sa langue intempérante. D'autre part, il ne vous échappera pas, Monsieur le Préfet, que ses conseils en matière électorale Mr Lucas indique clairement aussi son hostilité envers 'Ceux qui ne sont pas les défenseurs de la religion", c'est-à-dire envers les républicains. Pendant mes séjours à St Michel, j'ai pu me convaincre que la population tout entière de cette commune était essentiellement 'catholique pratiquante' et que l'église était non seulement fréquentée par les réactionnaires et les cléricaux militants mais aussi par de bons, de sincères et de loyaux républicains dont les croyances religieuses sont aussi solidement assises que leurs convictions politiques. Aussi, est-ce que le desservant de St Michel, s'il était appelé à fournir à l'autorité diocésaine dont il relève des explications sur son sermon du 4 mars n'en croirait-il pas trouver la justification dans le fait que les républicains fréquentant son église remplissant tous leurs devoirs religieux, ne sont pas par conséquent 'des ennemis de Dieu et de la religion' et qu'il ne les a pas desservis dans son sermon?. Cette argumentation subtile pourrait à l'occasion, être mise en valeur par Mr Lucas et des personnes bien informées de St Michel prétendent qu'il ne la négligerait pas. Quant aux critiques qu'il a faites des lois existantes, Mr Lucas a commis en cela une faute grave qui à mon avis mérite répression. Tout le monde sait à St Michel que le desservant a, dans les conseils électoraux qu'il a donnés sous forme de sermon, le 4 mars dernier dans son église, voulu viser plus particulièrement Mr Méron-Bancel, ex. sous-préfet, qui après son divorce avec la fille du Préfet actuel de la Loire Inférieure, s'est marié civilement à St Michel avec une fille de cette localité. Ce mariage a beaucoup défrayé les conversations et le desservant a été jusqu'à l'injure dans ces allusions qu'il a faites à ce sujet dans ses sermons. Mr Méron avait adressé une plainte à Mr Le Ministre du Culte, au mois de juillet 1899, contre Mr Lucas, mais l'administration n'ayant pas les éléments nécessaires pour réprimer l'abus signalé le plaignant ne crût pas devoir porter l'affaire devant le parquet de Lannion, seul compétent. Mr Méron passe pour faire beaucoup de bien dans la commune de St Michel et on lui prête l'intention de revenir de nouveau dans cette commune pour y diriger la lutte aux élections municipales prochaines. Et c'est ce qui pousserait le desservant Lucas dans son ressentiment contre Mr Méron, à commettre des intempérances de langage du genre de celles qui furent relevées dans son sermon du 4 mars. A ce sujet, il est utile d'ajouter, je crois, que Mr Méron-Bancel se trouvait précisément à St Michel le 4 mars et que ce serait bien lui que le desservant de cette commune aurait tout particulièrement visé dans son sermon public. De ce qui précède et des déclarations des témoins, vous verrez, Monsieur le Préfet, s'il ne conviendrait pas de provoquer des mesures disciplinaires contre Mr Lucas en vue de réfréner les écarts de langage et de mettre un terme à des sermons dont la politique antirépublicaine en fait généralement le thème. Ce desservant est d'ailleurs fort mal vu de la population de Saint-Michel-en-Grève, il est d'une grossièreté et d'une brutalité de langage écoeurante; sa tenue et sa sobriété ne sont pas tout à fait exemptes de reproches et son attitude politique est absolument incorrecte (Il a été condamné, dit-on, à l'amende pour avoir arboré un drapeau blanc dans l'un des derniers postes qu'il a occupés). Aussi les habitants de Saint-Michel-en-Grève verraient-ils avec la plus grande satisfaction le déplacement de Mr Lucas, sans préjudice d'autres mesures disciplinaires, s'il y avait lieu, et son départ serait un véritable soulagement pour cette population "catholique pratiquante" de St Michel. Et dans cet ordre d'idées on me disait dans cette commune: "Quand Lucas partira, on pavoisera, et on dansera le soir à St Michel en signe de réjouissance; tout le monde sera content d'être débarrassé de lui "car ce n'est pas un prêtre". Veuillez agréer, Monsieur le Préfet, l'assurance de mes sentiments respectueux et dévoués". 

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