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LE TRANSFERT DU SERVICE PAROISSIAL A L'ÉGLISE SAINT-SAUVEUR DURANT LA PÉRIODE RÉVOLUTIONNAIRE.

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L'incendie de 1780 sonna le premier glas de l'abbaye. Dix ans plus tard exactement, le 14 février 1790, un nouveau sinistre éclatait dans les bâtiments conventuels : le feu avait pris dans le chartrier, la bibliothèque et la procure [Note : La rue Noménoé fut percée dans la suite à travers les ruines des bâtiments incendiés. L'on voit encore, au fond d'une cour de cette rue une partie épargnée par le feu de l'imposante construction où se trouvait de chartrier de l'abbaye] ; il y avait été allumé volontairement dans l'intention de faire disparaître les titres des droits et rentes dûs au monastère. Il fut éteint sans avoir gagné l'église, et n'ayant détruit qu'une faible partie des archives.

Dom Jausions (Histoire de Redon, p. 246) désigne formellement comme ayant été l'incendiaire François Le Batteux, originaire du Mans, chef cuisinier du monastère, dont les idées avancées incitèrent Carrier à en faire pendant la Terreur son agent au pays de Redon. L'accusation ne semble guère pouvoir être mise en doute, car Dom Jausions, né dans les premières années du dix-neuvième siècle, déclare avoir connu et interrogé des témoins oculaires du sinistre. Le but cherché ne fut d'ailleurs pas atteint, et la belle collection des chartes de l'abbaye de Redon forme aujourd'hui le fonds le plus précieux peut-être des Archives départementales d'Ille-et-Vilaine.

Dès le lendemain de l'incendie, le conseil général de la commune (conseil municipal) se réunit sous la présidence de François Jan du Bignon, maire, qui s'exprima en ces termes : « Messieurs, l'abbaye est incendiée ; ce n'est qu'avec beaucoup de peine qu'on a réussi à sauver la ville. Le public est persuadé que l'on veut mettre le feu à la maison de M. Nogues, procureur fiscal de l'abbaye, et comme cette maison est au centre de la ville, on craint un incendie général. Partout on n'entend parler que d'incendie ; cette aveugle fureur est excitée par l'exemple donné — et qui se communique de proche en proche — de brûler des titres et des papiers. On ne peut opposer la force à ces malfaiteurs nocturnes et secrets ni les empêcher de faire, tôt ou tard, le mal qu'ils préméditent. ».

Pour sauver la ville et mettre en sûreté la vie, les meubles et les papiers du procureur fiscal, le conseil décida : 1°) de l'inviter à démeubler sa maison et à déposer ses effets hors de la ville, à mettre ses papiers sous scellés et à les porter sur la Place où ils seraient sous la protection de la Garde Nationale ; 2°) d'envoyer MM. Evin et Laurent Macé, procureurs de la commune, requérir le justice afin de se transporter avec elle au domicile de M. Joyaut de Couesnongle pour voir si l'on n'aurait pas mis chez lui, comme le prétend la rumeur publique, des malles et des barriques pleines de papiers, auquel cas ces papiers devraient aussi être scellés et déposés sur la Place sous bonne garde ; 3°) que l'on ferait l'achat d'une pompe à incendie [Note : Elle fut achetée sans délai et coûta douze cents livres].

Le 17 février, nouvelle réunion du conseil de la commune. Tous les papiers du chartrier de l'abbaye avaient été déposés sur la Place, sous des tentes, personne n'ayant voulu leur donner asile. A la demande des voisins de M. Nogues, les papiers de ce dernier avaient été mis en sacs et transportés également au dépôt installé sur la Place. Il fut décidé que le samedi suivant l'on procéderait à l'inventaire des titres de l'abbaye en présence de M. Nogues, des Bénédictins, et des représentants des cinq paroisses dépendant de Saint-Sauveur.

Le 19, MM. Evin et Macé, désignés pour effectuer l'inventaire, déclarent qu'ils sont dans l'impossibilité de remplir leur mission : les papiers sont en si grand nombre que leur inventaire demanderait des mois. Pour en finir, le conseil ordonne de tout mettre tel quel dans des barriques et de placer celles-ci « dans le petit cloîre, qui est bien voûté et bien clos ». Il en sera de même des papiers de M. Nogues, et « des effets des religieux échappés aux flammes ». Nuit et jour, une garde veillera sur ce dépôt jusqu'à l'arrivée des instructions de l'Assemblée Nationale.

Celle-ci ne se pressant nullement de les envoyer, M. Nogues fut invité le 23 mars à reprendre les archives de son étude, et celles de l'abbaye réintégrèrent l'ancien chartrier que le feu avait à peu près complètement épargné.

Enfin les instructions arrivèrent : les archives de l'abbaye devaient être expédiées à Rennes. On les chargea donc sur un bateau qui, pour une cause inconnue, n'alla pas plus loin que le port de Messac où il demeura tout le temps de la Terreur. Ainsi fut sauvé son précieux chargement.

La veille même de la criminelle tentative du cuisinier Le Batteux, le 13 février 1790, l'Assemnblée Nationale avait rendu un décret aux termes duquel les vœux monastiques étaient abolis en France, et permission donnée « aux victimes du cloître » de rentrer dans le sein de la société civile. En butte à la persécution et aux menaces, dépouillés de leurs biens, n'ayant aucun secours à attendre, les Bénédictins de Redon prirent le parti d'abandonner leur monastère, de fermer leur église et de quitter la ville. Le 9 août, ils se présentèrent devant le conseil de la commune [Note : Il y avait à ce moment six religieux présents à l'abbaye : le prieur, Dom Le Breton, siégeait à l'Assemblée Nationale où il faisait partie du comité chargé de rédiger la Constitution civile du clergé ; deux autres Pères étaient absents. De ces neuf moines bénédictins, quatre demeurèrent fidèles à leurs vœux et l'un d'eux périt victime des « noyades » de Nantes. Le prieur et les quatres autres jetèrent le froc aux orties] pour faire la déclaration de leur nouvelle résidence, puis se dispersèrent, les uns gagnant d'autres maisons de leur Ordre, les autres rentrant dans la vie séculière. Alors le Directoire du district [Note : Le Directoire du district tenait ses séances à l'abbaye] déclara en sa séance du 25 août que « si l'église Saint-Sauveur continuait d'être fermée, ce serait priver le public d'un édifice que la piété des fidèles a rendu célèbre, et gêner en quelque sorte sa dévotion ». Il décida que deux messes y seraient célébrées chaque jour : la première à 6 heures en été et à 7 heures en hiver, la seconde à 9 heures, sauf les dimanches et fêtes où elle serait dite à 11 heures suivant l'usage ; l'église serait ouverte tous les jours jusqu'à midi ; le Saint Sacrement continuerait d'y être exposé ; l'un des deux ecclésiastiques chargés des messes devrait recevoir les offrandes « pour le produit, ainsi que celui des chaises, être employé comme par le passé à l'entretien des autels et de leurs ministres, sauf en cas d'insuffisance, y être pourvu, par le Directoire ». Enfin un portier était nommé avec fonctions de garder et d'entretenir l'abbaye et de percevoir le prix des chaises ; il s'appelait Jean Méha et était jardinier.

L'une de ces deux messes officielles, celle, de 9 heures, était célébrée par l'abbé Guillemoys, né au Trécoët en Bains, membre de l'administration du district et futur vicaire général de Le Coz, évêque constitutionnel d'Ille-et-Vilaine, à l'intention « d'une des deux fondations de l'abbaye », avec trente livres d'honoraires par mois ; l'autre messe était dite à la même intention et aux mêmes conditions.

Pourtant, le souci du maintien du culte à Saint-Sauveur n'était pas le seul qui préoccupât les membres du directoire du district. Le 4 octobre, ils prescrivaient que « dès ce jour on fit supprimer par des ouvriers, en, dehors et en dedans, toutes les armoiries sans distinction apposées sur l'église de l'abbaye, les bâtiments conventuels et autres maisons en dépendant, les hôpitaux, etc... ». Le 21 janvier 1791, le maître plâtrier Couder qui avait exécuté ce très regrettable travail réclamait 103 livres 4 sous ; on lui alloua 75 livres 4 sous.

Dans la suite, ce fut un aubergiste de Redon nommé Bastide, ami de Le Batteux et membre du directoire du district, qui se fit l'iconoclaste de l'église Saint-Sauveur dont il brisa ou brûla la plupart des statues.

Le 7 octobre 1791, le conseil de la commune présidé par le maire, Jan du Bignon, demanda le transfert du culte de l'église Notre-Dame à l'église Saint-Sauveur, « le Conseil ayant reconnu qu’il n'est aucun citoyen jaloux de la commodité des habitants de la beauté des spectacles et de la gloire du Dieu que nous servons qui ne doive ambitionner de voir les cérémonies religieuses se célébrer dans l'église Saint-Sauveur ».

Le Directoire du district donna son approbation le 19 octobre, mais l'affaire traîna en longueur. Le 23 juin 1792 eut lieu enfin une réunion importante du conseil de la commune, sous la présidence du nouveau maire, Pierre Evin, à laquelle assistaient les officiers municipaux Berranger, Matard, Boullo, Tessier, Picot et Aubert.

On y lut tout d'abord une pétition des citoyens actifs de Redon en date de la veille, demandant que « l'on supprimât les bancs dans l'église servant de paroisse ». Le procureur-syndic, Chevalier, fit observer que ces bancs étaient à la disposition de la fabrique qui seule en accordait la jouissance à tout le monde sans distinction de personnes, et faisait payer les locataires suivant le nombre de places occupées ; le produit de cette location revenait à la dite fabrique qui l'employait à la nourriture et à l'entretien des enfants abandonnés et à d'autres dépenses ayant un caractère indispensable : il ne pouvait donc être question de vendre ces bancs.

Alors, brusquant les choses, la municipalité décida « que désormais l'office divin se ferait à l'église Saint-Sauveur avec l'agrément du district ; que l'ancienne église paroissiale Notre-Dame serait fermée le dimanche suivant au matin et ne s'ouvrirait plus que pour les baptêmes ; que les fonts baptismaux et la chaire de cette église seraient ultérieurement transportés à Saint-Sauveur ; que les bancs seraient vendus pour acheter des chaises ».

Dès le lendemain 26 juin, Evin, maire, et les « officiers de la commune », Guévenoux, Bastide, Normand, Herbin, Mahé, Dutemple et Molié, escortés d'un piquet de volontaires nationaux du Finistère, se rendaient vers huit heures à l'église Notre-Dame. Ils invitèrent le curé, M. Loaisel, à procéder au transport du Saint-Sacrement dans l'église abbatiale, accompagnèrent le cortège processionnel, puis firent fermer l'église Notre-Dame.

Un an plus tard, un arrêté du département d'Ille-et-Vilaine rendu en pleine Terreur, le 7 mai 1793, ordonna que les fonts baptismaux de l'église Notre-Dame serait transportés en l'église Saint-Sauveur « qui est fixée pour être désormais l’église paroissiale de Redon ». Le conseil général de la commune décida que ce transfert aurait lieu le vendredi suivant et que les corps constitués seraient convoqués pour assister à la cérémonie. Le curé constitutionnel, M. Degousée, avait pris la place de M. Loaisel ; il s'était logé à l'abbaye. Le 18 septembre, le même Conseil votait le transport de la chaire, des ornements, du linge et de la grille de fer qui clôturait les fonts baptismaux ; MM. Le Dault et Hilaire Pellan étaient commis pour surveiller cette opération.

En 1794, sous Robespierre, la fête de l'Etre Suprême fut célébrée à Saint-Sauveur devenu le « Temple de la Divinité ». Le culte de la Raison et ses cérémonies décadaires, établi d'abord dans la chapelle « dite de la ci-devant Congrégation », fut dans la suite transféré dans l'antique abbatiale ; mais. le chœur étant utilisé comme dépôt de foin, le sanctuaire et le maître-autel purent être préservés : la nef seule était le théâtre des exercices du nouveau culte. Une statue de la Vierge, en bois et de grandeur naturelle, coiffée d'un bonnet rouge et symbolisant la Raison, était mise sur un socle adossé à la grande grille du chœur ; des deux côtés on avait placé les images des philosophes de l'antiquité et des héros de la Révolution ; la chaire servait de tribune pour les motions du club et pour les lectures de la décade. En 1800, la vieille abbatiale, changeant encore d'appellation, portait le nom de « Temple des cérémonies publiques ».

Lorsque, l'année suivante, tous les édifices et l'enclos de l'abbaye furent vendus au profit de la Nation, non seulement l'église fut expressément réservée, mais des réparations urgentes furent effectuées à ses toitures qui s'étaient détériorées du fait de l'enlèvement des plombs. Dans l'été de 1803, tous les offices religieux du service paroissial recommençaient d'y être célébrés.

C'est le 21 juillet 1798 que le Commissaire du Directoire exécutif Chevallier, assisté d'un expert arpenteur, avait entamé sa gesogne qui était de procéder « à la division, enlotissement et estimation des biens à adjuger ». Il avait tout d'abord jugé équitable d'abandonner à la commune le terrain nécessaire à l'établissement de deux rues : la première conduisant de la Grand'Rue au quai d'Aiguillon en passant par la Place-aux-Anes (c'est la rue du Moulin actuelle), la seconde venant de la tour Saint-Sauveur, passant par la cour de l'abbaye et les bâtiments incendiés en 1790, puis se prolongeant « entre le grand magasin et boulangerie monacale et le mur de clôture du jardin, pour aboutir à la première rue » (c'est la rue Noménoé).

Les deux fonctionnaires firent ensuite du reste de l'enclos et des bâtiments quinze lots estimés globalement 35.269 fr. 65 cent. Le lot principal contenant la majeure partie des édifices claustraux fut adjugé pour la somme de 6.000 livres à un négociant de Saint-Malo, M. Fontan, qui paya surtout en papier et transforma l'objet, de son acquisition en immeubles de rapport, dépôts, magasins, voire même en écuries pour les chevaux de la poste qu'on installa dans le cloître. Une école enfantine tenue par trois anciennes Calvairiennes fonctionnait dans le parloir actuel.

En 1804, un petit collège de cinq classes fut créé dans une partie des bâtiments par la municipalité qui en confia la direction à des ecclésiastiques et la surveillance à trois commissaires, MM. de la Haye Jousselin, Dominé, et de Gibon. Enfin, le 25 août 1838„ l'abbé Vannier, alors directeurs du petit collège, le céda à la Société des Eudistes qui en a fait l'un des établissements d'instruction secondaire les plus justement réputés de Bretagne.

(R. de Laigue).

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