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HISTOIRE DE L'ABBAYE ROYALE DE SAINT-JACUT

(ordre de Saint-Benoît)

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Note : D'après un acte de 1520, conservé aux Blancs-Manteaux, le sceau de cette abbaye était « l’agneau de saint Jean avec la croix » ; nous ne le croyons pas très-ancien. — Bien que cette abbaye n’appartienne pas à proprement parler au diocèse de St-Brieuc, nous nous décidons à la donner ici ; d’une part, parce que ce diocèse ne serait pas complet sans ses enclaves ; ensuite, parce que Beauport nous a forcément amené à nous occuper de St-Rion, autre enclave de Dol.

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« Il faut scavoir qu’ayant trouvé fort peu de choses pour l’histoire de St-Jagu de l’Isle, je n’ay faict qu’un chapitre de ladicte histoire ». Ainsi commence le manuscrit de D. Noël Mars [Note : Nous avons trouvé ce mémoire au t. XVIII du Monasticum Benedict., manuserit de la Bibliothèque impériale ; il est loin d’être irréprochable, surtout en ce qui est des origines du monastère ; mais il nous a fourni des documents précieux qu’on chercherait vainement ailleurs, et d’autres qui corrigent certaines chartes mal copiées par D. Morice. On peut compter sur l’exactitude de D. Noël pour ses copies et pour les faits venus à sa connaissance personnelle ; malheureusement il s’arrête en 1649. Il était neveu de D. Noël Mars, prieur de Léhon, à qui nous avons vu jouer un rôle important dans la réforme monacale au XVIIème siècle], Bénédictin de la congrégation de St-Maur, auteur du seul mémoire de quelque étendue qui existe sur « St-Jagu de l'Isle de la Mer » [Note : Cette expression, employée dans les plus anciens titres, semble indiquer que St-Jacut était d’abord une île qu’un sillon de sable, formé par les vents et les courants, a jointe à la terre ferme. Cependant, la même expression s’est appliquée à d’autres localités, comme St-Cast, qui ne paraissent pas avoir été entièrement séparées de la terre ferme]. La pénurie des documents sur cette abbaye semble avoir deux causes principales : l’invasion normande et la Ligue. Pendant cette dernière crise, la famille de Guémadeuc s’empara de la plupart des titres du monastère : transportés d’abord à Guébriac, ils en ont disparu, et nous n’avons pu en découvrir la trace [Note : Nous les avons vainement cherchés aux archives de l’Empire, à celles de Nantes, à Rennes (fonds de Dol), à Matignon, dans tout le Penthièvre, et particulièrement dans les titres du Guémadeuc].

Toutefois, les pièces qu’avait pu se procurer D. Mars, les titres originaux de l’abbaye de St-Aubin, des prieurés de St-Malo et de Léhon, les copies que nous a fournies la grande collection des Blancs-Manteaux de Paris et quelques autres que nous avons eu la chance de recueillir ça et là, enfin le cartulaire manuscrit de Landevennec, déposé à la bibliothèque de Quimper, nous permettront d’esquisser en traits généraux les trois périodes qui forment l’existence de cet antique monastère, savoir : depuis sa fondation jusqu’à l’invasion normande ; depuis le rétablissement du culte, par Alain Barbetorte, jusqu’à la fin des troubles du XVIème siècle ; depuis la Réforme bénédictine jusqu’à la Révolution.

D’après les actes de Gurdestin, nous avons montré Fracan venant s’établir dans le Goëllo vers 465 [Note : Avec D. Lobineau et M. de La Borderie, nous nous éloignons ici de la version de D. Mars et de la plupart de nos hagiographes qui, se copiant les uns les autres, placent l’arrivée do Fracan plus d’un siècle avant cette époque — Arch. du Finistère. — D. Morice, I, 176, 177]. Les fils du tyern breton, avons-nous dit, furent élevés dans la célèbre école que saint Budoc dirigeait dans l’Ile-Verte.

Saint Jacut ou Jagu et saint Gwetenoc, étant les plus âgés des trois [Note : Le calcul établi par M. de La Borderie, d’après Gurdestin (Bibl. bret., I, 891), fait naître saint Guénolé en 465 ; D. Lobineau, de son côté, fixe cette naissance à 462 (Vie des Saints de Bretagne, 3 mars)], s’embarquèrent avec leur colonie de moines pour se diriger vers l’Orient, probablement avant que saint Gwenolé eût fait voile vers l’Occident. Il serait donc possible que l’île Landouard, où les deux frères attérirent après que saint Patrice leur apparaissant en songe les eut détournés de gagner l’Irlande, offrît un établissement monacal plus ancien que Landevennec lui-même [Note : Nous ne pensons pas qu’on puisse appliquer à l’abbaye de St-Jacut le passage suivant du cartulaire de Landevennec : « Cum transiret Sanctus Wingualoeus per Domnonicas partes et venisset trans flumen Coulut tendens ad Occidentalem partem, deprecabantur eum ut imponeret manus cuidam languido illorum, quem statim sanavit aqua sanctificata ex fonte, quem illico dederat ei Dominus. Illi vero dederunt ei locum, ubi postea monasteriolum fecerunt fratres in honore Sancti Wingualoei. Divisio istius possessiuncule est a mare usque ad mare sieut nobiles heredes diviserunt ; ita tamen ut in hoc eodem agatur opus divinum sub cura et directione abbatis Sancti Wingualoei » (Ap., D. Mor., I, 179). Le lecteur remarquera toutefois le rapport entre l’eau miraculeuse de St-Guénolé et celle qu’on distribuait à St-Jacut ; nous en parlerons bientôt].

Là, ils vécurent de cette vie plus qu’austère. Après un certain temps, Gwethenoc quitta son frère, peut- être pour venir fonder sur le domaine paternel les églises de Langueux et de Trégueux ; ce qui est certain, c’est que saint Jacut resta seul à la tête des moines de l’île Landouard.

La petite colonie vécut pauvre et ignorée jusqu’au jour où Gradlonr-Mur (Gradlon-le-Grand), ce vrai fondateur du royaume de Cornouailles (Korniw), jeta les yeux sur elle. Comment le vaillant chef breton, celui à qui est due la création de l’évêché de Quimper, des abbayes de Ste-Croix de Quimperlé et de St-Gildas de Rhuis, a-t-il pu s’occuper d’une île de la côte domnonéenne, assez éloignée de ses États ? Ce fait se trouve tout naturellement expliqué par les relations de ce prince avec saint Gwenolé : quand le saint abbé de Landevennec eut pris sur le Cornouaillais, roi ou comte, l’ascendant qu’il conserva jusqu’à sa mort, il lui parla sans doute de son frère et de l’œuvre humble qu’il poursuivait. Avec le caractère de grandeur dont tous ses actes étaient empreints, Gradlon, dont le territoire confinait, après tout, à la Domnonée, donna à saint Jacut de quoi bâtir une abbaye et une belle église, disait la tradition [Note : Nous n’ignorons pas qu’en ceci notre opinion se sépare d’un homme dont l’autorité est grande, surtout dans les questions si ardues de nos origines bretonnes : M. de La Borderie révoque en doute toute participation de Gradlon dans la fondation de St-Jacut (Bibl. bret., I, 835). Cependant, la tradition conservée dans le monastère, l’autorité de Mabillon (« Grallonum itidem conditorem habuisse fertur », dit-il à la p. 150 du t. I des Annales bénéd.), et celle de Le Baud, nous semblent être aussi de quelque poids. — Une inscription, placée à l’entrée de l’église, disait : « En l’an trois cens quatrevingt un, Gradlon second roy chrestien de Bretaigne fonda l’abbaye de céans ». D. Mars attribue cette inscription, avec l’anachronisme qu’elle renferme, au XIVème siècle. D. Mabillon fixe la fondation de St-Jacut et de Landevennec vers 515 (Annal, bénéd., I, 34). Son sentiment n’est pas en contradiction avec ce que nous avons dit plus haut, lorsqu’il ajoute : « Paullo minus antiquum est Sancti Jacuti monasterium (il vient de parler de Landevennec), primitus appellatum Sanctœ Mariœ de Landovardo, situm in diocesi Dolensi in quodam Armoriœ pœninsula, quœ lapidum mole Oceani fluctibus objecta, modico terrœ spacio jungitur continenti » (Ibid., p. 150). Il ne semble pas douteux que l’abbaye de St-Jacut n’ait été bâtie après celle de St-Guénolé ; ce qui n’empêche pas que l’arrivée des moines à Landouard a pu précéder celle de leurs confrères de la rade de Brest].

A partir de ce moment, le monastère de l’île Landouard entra dans une ère de prospérité : la générosité du prince cornouaillais semble avoir éveillé celle des seigneurs domnonéens, et bientôt l’abbaye se trouva richement dotée. Grand nombre d’hommes de valeur y prirent l’habit monastique ; on en vit successivement sortir des pasteurs dont les hautes vertus et le savoir jetèrent un vif éclat. Nous citerons parmi eux saint Cadreuc, saint Jaguel, saint Cast [Note : Nos hagiographes ne nous apprennent rien de précis sur ces Saints. Une lettre adressée par Jean Salmon, recteur de St-Cast, à dom Gallois, et insérée à la p. 109 du t. XVIII de la coll. des Bl.-Mant., affirme qu’un ancien bréviaire, conservé dans la paroisse de St-Aaron, contenait des leçons propres à saint Cast. Ce disciple de saint Jacut était Irlandais ; il alla à Rome, où il fut fait évêque d’une ville d’Italie ; il y fut martyrisé], et autres grands serviteurs de Dieu, dit le Monasticum Benedictinum.

Saint Jacut mourut « chargé d’années et de mérites », non vers 440, comme le dit à tort le chroniqueur de l’abbaye, mais, selon toute vraisemblance, au commencement du VIème siècle, puisque Gradlon dut connaître saint Gwenolé vers 495 seulement, ainsi que le démontre M. de La Borderie. Le Saint fut inhumé en son église qu’il illustra par de nombreux miracles : les démoniaques et les fous furent longtemps amenés à son tombeau pour y trouver un soulagement à leurs souffrances ; et, au temps du frère Noël Mars, on y faisait encore une « eau forte » pour la guérison de ces malheureux [Note : Il en raconte ainsi le cérémonial : « Le grand mestre, après avoir célébré la sainte messe pour le patient, venait, accompagné de treize autres, à une arcade qu’on croyait avoir été le tombeau du Saint ». Puis il ajoute : « La façon pour faire cette eau est gardée en ce monastère et a plus de cent ans d’écriture. » — Nos plus anciens bréviaires attestent le culte dont saint Jacut fut l’objet en Bretagne].

Le corps du Saint fut transféré en France à l’approche des Normands, sans qu’on sache où il fut déposé, ainsi que les premiers actes du monastère ; de sorte que tout souvenir certain en est perdu jusqu’en 1008, où un abbé de St-Jacut, Hinguethenus, fut choisi par le jeune duc Alain et ses frères pour reconstituer l’abbaye de Sts-Méen et Judicaël [Note : « At vero cum jam dicti fratres cum suis essent ante castrum, seque ad helium prepararent, nous dit la chronique de Gaël (cette guerre était dirigée contre un de leurs oncles qui, après la mort de leur père Geoffroy, voulait s’emparer de la couronne ducale), consilio matris sue Haldeguisie et boni magistri sui Aymonis, reddiderunt, pro anima patris sut et matris sue suorumque et pro imminentis belli victoria et pro totius Britannie incolumitate, per manus sancti abbatis Hinguetheni qui illic aderat presens, ecclesiam S. Mariœ et SS. Mevenni et Judicaeli de Guadel, cum terra et foresta que in circuitu ipsius teelesie erat, tali tenore ut ipse ecclesiam commendaret monachos que ibidem Deo servientes congregaret et ipsis tamdiu preesset usque dum illi aliquem utilem monachum reperirent qui ibi abbas crearetur, nam ipse Hinguethenus abbas erat de monasterio Sancti Jacobi de tentione archiepiscopi Dolensis ». (D. Mor., I, 358.) — D. Lobineau n’est donc pas complétement exact en disant que ces jeunes princes donnèrent à l’abbé de St-Méen les secours nécessaires pour le rétablissement de son abbaye (Hist., I, 38)]. Tout ce qu’on en peut dire jusque là, c’est que l’abbaye de Landouard, qui avait pris le nom de son fondateur, reçut de Louis-le-Débonnaire la règle de saint Benoît, comme les autres monastères existant en Bretagne en 818 (Voir ci-après la bulle de 1163).

Nous ne savons rien autre chose du XIème siècle, sinon que, entre 1075 et 1090, un homme noble, Walter, fils de Trehan-Mab, donna à St-Jacut de nombreuses propriétés entre le Gouessant et le Frémeur, Carrivan en Morieux, et l’Abbaye en Pléhérel. Les chartes de St-Aubin, à qui cette dernière propriété fut cédée, nous ont souvent parlé de cette très-ancienne abbaye.

Les actes du prieuré de St-Malo nous feront bientôt connaître les démêlés qui existèrent pendant la première moitié du XIIème siècle entre St-Jacut et Marmoutiers, au sujet des églises de Sancti Machuti de Corseul, de St-Sauveur et de St-Malo de Dinan ; mais nous passerons vite sur ces querelles d’intérêt privé [Note : Sans prendre parti dans ces débats, assez tristes souvent, nous devons reconnaître qu’une fois au moins St-Jacut fut reconnu dans son tort et solennellement condamné par l’évêque d’Aleth pour s’être emparé d’une pêcherie donnée à St-Malo par Geoffroy de Dinan. (Voir la charte XIV de St-Malo)] pour arriver à la Bulle que le pape Alexandre donna à nos Bénédictins en 1163. Cette pièce est d’un haut intérêt, puisqu’elle établit l’ancienne géographie de ce fief ecclésiastique. On y voit que St-Jacut possédait dès-lors, en Dol, le prieuré de l’église de Kernitroun (Prioratus et cura Beatœ Marie de Landmur) et l’église de St-Jacut (Vicariatus Beatœ Mariœ de Landouardo) ; en St-Malo, les prieurés-cures de St-Sauveur de Dinan [Note : La famille Juhel y fonda une chapelle, avec l’assentiment de l’abbé de St-Jacut, dans la seconde moitié du XIVème siècle (Bl.-Mant., XLI, 648). Dès la seconde moitié du XIIIème, nous avons vu Juhel de Mayenne, sénéchal de Bretagne, y tenir sa cour], de la Trinité de Porhoët, les prieurés de St-Cadreuc (Sanctus Cadocus vel Cadrocus), de St-Maure du Bas-Plancoët, de la Ste-Trinité de Bodieuc ou Bohiduc, de St-Leau (Sancti Leviani vel Loviani) [Note : Il paraît que les évêchés de Dol et de St-Brieuc avaient des prétentions sur ce prieuré ; car les actes de l’abbaye le comptent toujours en Dol, et il était cependant appelé aux synodes de St-Brieuc], les églises de St-Pierre de Trégon, de Ploubalay, de Corseul et de Créhen, de St-Jacut-lès-Mené, de St-Scieux ou Lancieux (Sancti Seoci) ; en St-Brieuc, le prieuré-cure de St-Pierre de Hénansal, les cures de St-Pierre, de St-Pôtan, de Pluduno et de St-Cast ou Kaa (Sancti Casti) ; en Tréguier, le prieuré-cure de Kermaria-an-Dro de Lannion ; en Angleterre, les prieurés-cures de Linthorme et de St-Islan (Sancta Margarita de Hiselan) [Note : In episcopatu Heliensi et Roffensi. — Comment n’être pas frappé du rapport entre le prieuré anglais et le prieuré de St-Marguerite de St-Ilan, en Langueux, dont nous avons indiqué l’existence. Cette terre bénie, où se voient aujourd’hui le château et la colonie de ce nom, a-t-elle relevé de St-Jacut ? — Les sires de Dinan avaient aussi un château d’Islan auprès de Plancoët].

A ces propriétés il faut ajouter les suivantes, qu’on ne trouve plus dans la liste des dépendances de l’abbaye en 1659, et qu’elle possédait en tout ou en partie au XIIème siècle : Ecclesiœ Sancti Perroci [Note : St-Petroc de Trégon], Sancti Egidii de Tremeldero, de Tremeler, Sancti Michaelis de Guentonensi, Sancti Lerhandi, de Botloi, de Penoenna (Penvenan) [Note : La collection des Blancs-Manteaux mentionne que G... (Geoffroy), évêque de Tréguier, qui paraît avoir tenu le siége de 1179 à 1200 environ, aurait donné à St-Jacut l’église de Penguenan. Si on doit voir dans ce nom le Penvenan voisin de Tréguier, ce serait plutôt une confirmation qu’un don], Sancti Jacuti de Plegestin, Sancti Guingaloei, de Plegano, Sancti Guemelli ; claustrum Briaci ; duas partes décime de Lanmur ; villa Christi de Lequarrio ; villa Christi de Pleiber ; locus Meloci [Note : St-Meluc fut réuni dans la suite à St-Maur de Plancoët] ; locus Sancti Yvorelli, cum appendiciis suis et omnibus pertinenciis. Mais dans cette charte ne paraissent pas les prieurés de St-Armel de Loquenvel, de St-Jaguel et de Lézardrieux [Note : Peut-être cependant pourrait-on chercher ce dernier dans la « trevia que dicitur Meurie in Treff »], qui, peu de temps après, entrèrent dans son domaine, s’ils n’y étaient déjà, et qui n’en sont plus sortis. Quant au prieuré de Lanmeur, une bulle de Clément III le range dans les dépendances de Kermaria de Lannion, avec les églises de St-Géran, de Ste-Marie du Château [Note : Dans ses Mélanges d’Histoire et d’Archéologie bretonnes, M. de la Borderie établit que Sancta Maria de Castello n’est autre que St-Jean du Bali (Ballum, Vallum, première enceinte d’une place forte), aujourd’hui l’église paroissiale de Lannion. On voit encore quelques vestiges de ce grand prieuré de Kermaria, dans l’un des faubourgs de Lannion : son nom complet, dit M. de la Borderie, était Kermaria-an-Draou (Ville-Marie-de-la-Vallée). Nous reviendrons sur Ste-Marie de Lanmeur, Kerni-Troun, Ker-an-Troun, le village de la Dame] et d’autres noms qui étaient déjà effacés quand D. Mars prit connaissance de cette pièce.

L’origine de tous ces biens est tombée dans l’oubli : peu-être ne serait-il pas impossible de voir dans ceux qui appartenaient à la Cornouaille et au Léon les restes des libéralités de Gradlon. Plusieurs de ces aumônes sont dues manifestement aux seigneurs de Dinan, de Porhoët, de Matignon, du Penthièvre, etc. Un acte de 1429 dit que les propriétés au-delà de la Manche proviennent de la libéralité de deux rois d’Angleterre, ce qui montre assez combien s’étendait la réputation de notre abbaye. D. Mars cite deux actes du XIVème siècle qui mentionnent ces biens : de ce que les Bénédictins d’outre-mer leur donnent le titre de Celle Sancti Jacuti, il conclut que ces prieurés avaient de l’importance. Enfin, il croit qu’ils échappèrent à l’abbaye la vingt-septième année du règne de Henri VI, ce qui correspondrait à l’année 1449, au moment où les Anglais chassés du continent firent main-basse sur les propriétés que les Français possédaient dans leur île.

Les seules pièces positives qui puissent aujourd’hui jeter quelque jour sur l’origine des biens de ce monastère et sur leur nature sont un acte de Geoffroy de Dinan (1179), et un autre de la duchesse Constance (1199). Nous nous permettrons d’appeler l’attention du lecteur sur cette dernière charte, qui crée des franchises et un minihy ou lieu d’asile.

Le XIIIème siècle n’a laissé relativement à St-Jacut que des pièces qui annoncent une existence paisible et prospère [Note : L’abbaye achetait autour d’elle, entre autres, les dîmes de Créhen, pour lesquelles elle traita avec la famille de Rays en 1233, 1269 et 1273. De cette dîme on fit trois parts, qui chaque année se tiraient au sort : le premier tiers allait aux religieux, qui en cédaient le tiers au recteur de Créhen ; le deuxième lot allait au Sgr de la Touche à la Vache, et le troisième aux religieux, plus tard à l’abbé commendataire] ; mais il n’en fut pas ainsi du XIVème. Le désordre commençait à se glisser dans l’administration, et des dilapidations coupables justifiaient peut-être dans une certaine mesure les prétentions des justiciers du duc et des sires de Penthièvre à empiéter sur les privilèges de l’abbaye. Ces privilèges étaient encore toutefois scrupuleusement respectés et défendus par le roi et le duc de Bretagne. Mais les particuliers qui, à tort ou à raison, se croyaient lésés par les moines, se faisaient justice eux-mêmes, suivant l’usage trop fréquent de cette époque de troubles [Note : Voir notamment la charte de Philippe de Valois de 1345. Nous pensons que Du Paz a confondu ces faits avec ceux qu’il dit avoir vu relatés dans une charte de 1225 ; nous l’avons vainement cherchée aux archives de Nantes, où le savant Dominicain croit qu’elle était déposée].

Au commencement du XVème siècle, ces actes de brutalité devinrent encore plus fréquents, surtout lorsqu’une main ferme, soutenue par le St-Siége, voulut faire restituer à l’abbaye les biens qu’une coupable connivence avait laissé enlever. Cependant la Bretagne était peu à peu entrée dans l’ère de légalité que saint Louis avait ouverte à la France : les longues guerres entre les de Blois et les Monfort avaient pris fin ; leurs terribles suites, la peste et la famine, avaient cessé à leur tour. Alors l’abbaye respira, et son premier soin fut d’échapper à l’action prochaine et tracassière des Penthièvre en se réclamant du duc : elle se fondait sur l’acte de Jean III, qui, en donnant le Penthièvre, en 1317, à son frère Guy, s’était réservé tout droit de supériorité à l’égard des monastères ; et sur le jugement du duc de Bourgogne, qui avait prononcé comme arbitre, en 1394, que ces monastères releveraient à l’avenir du souverain (Arch. de Nantes. — D. Mor., II, 635 et suiv. ; D. Lob., I, 301).

Le haut patronage des ducs de Bretagne eut notamment pour résultat de faire rentrer les dîmes de St-Cast, arrêtées par les receveurs des Eaux (Charte de Jeanne de Bretagne, mère et tutrice du duc Jean V, citée par D. Mars) ; de créer la foire de St-Jacut (Acte de 1400) ; de permettre aux religieux, au milieu de l’interdiction générale, d’exporter leurs blés (Charte du duc Jean IV et du roi Philippe-le-Hardi, citée par D. Mars) ; d’exempter leurs vassaux du guet au château de Jugon [Note : Charte du duc Philippe de Bourgogne, 1402 (Idem). Nous verrons les religieux payer 33 boisseaux de froment pour obtenir la confirmation de ce droit. (Bl.-Mant., XLI, 651 et 652)] ; de leur donner aux plaids généraux de Rennes le droit de menée, qui leur évitait de perdre du temps à attendre l’expédition de leurs affaires [Note : Voir les chartes de 1409, 1412, 1421. La première indique que les religieux avaient trois garennes, celles de Boisglé, de l’Isle et de Enès-Bihan (petite île), aujourd’hui les Ebihens].

Ce moment peut être considéré comme le dernier terme de la prospérité de l’abbaye. St-Jacut était encore un puissant monastère, et ses abbés décorés de la mitre et de la crosse marchaient presque au rang des évêques.

Mais bientôt le schisme qui divisa si longtemps l’Eglise d’Occident répandit son influence délétère dans les rangs les plus élevés de la hiérarchie ecclésiastique. En voyant à la fin du XVème siècle et au commencement du suivant les cardinaux romains se disputer, comme une proie, l’abbaye des âpres côtes de l’Armorique, comment ne pas se rappeler l’éloquente protestation de l’Université de Paris contre la cupidité et la simonie qui souillaient trop souvent alors le haut clergé (Spicil., VI, 102. — Fleury, XX, 405) ? Comment s’étonner que le mal se soit infiltré de là dans les rangs inférieurs, qu’il ait peu à peu gangrené toutes les parties du corps social, et abouti aux luttes terribles de la Réforme et de la Révolution ?

Le chroniqueur dont, à défaut de renseignements certains, nous avons été obligés de nous servir souvent dans cette partie de notre récit, appartient à cette école qui croit à l’historien non-seulement le droit, mais le devoir de taire le mal : de la sorte on peut faire des récits édifiants, mais non de l’histoire. La vie réelle de l’humanité est rarement édifiante, à moins qu’on ne sache s’élever assez haut pour dominer l’éternelle lutte du bien et du mal, et suivre l’œuvre impérissable de Dieu à travers les œuvres misérables de l’homme.

D. Mars dit à peine quelques mots pour faire pressentir ce que fut son abbaye dans le XVIème siècle : « Nous voilà arrivés en un siècle le plus fatal et malheureux que nous ayons veu en la suitte de ceste histoire ; car outre que le spirituel s’en est allé, puisque la Religion a commencé à décheoir, c’est que le temporel a reçu de notables pertes ». Voilà, avec quelques lignes pour indiquer les tristes dilapidations des moines de cette époque, tout ce que se permet le religieux réformé sur le compte de ses prédécesseurs. Cherchons jusqu’à quel point les faits authentiques peuvent suppléer à cette réserve.

Ce qui montre clairement l’état moral de l’abbaye à cette époque, c’est qu’elle n’inspirait plus le respect, et qu’elle ne se respectait plus elle-même. Dans d’autres temps, nous avons vu les seigneurs voisins manifester parfois contre elle des colères, des jalousies ; mais elle savait se défendre : l’autorité supérieure, à un jour donné, protégeait le droit contre la force, et, tôt ou tard, les coupables venaient restituer et faire amende honorable.

Ici, plus rien de semblable : la Noblesse des environs ne voit dans ce monastère que d’inutiles moines s’engraissant de biens qui auraient dû lui rester. Les plus puissants de ses membres, les Madeuc, supposent qu’ils peuvent bien reprendre ce que leurs pères ont donné, et ce qui va maintenant enrichir des prélats étrangers. Ils représentent à la fille de la dernière duchesse de Bretagne, à la reine Claude, qui, en souvenir de sa mère, s’occupait parfois de la province [Note : D. Morice, III, 956. — On ne voit pas d’antre témoignage de bienveillance donné par la monarchie à St-Jacut depuis la réunion de la Bretagne à la France, sinon les lettres de Charles IX, de 1564 et 1570, confirmant les priviléges de l’abbaye ; mais, en l’année 1569, le roi taxa à 900 livres de rente la part du monastère dans les biens que l’Eglise dut aliéner. Il fallut vendre successivement le cloître Briac, en Tréguier, valant six tonneaux de seigle et 26 sols monnaye, le petit bailliage de la Villedé et de la Fresnaye, des rentes en St-Enogat, Loquenvel et ailleurs], que ce point avancé du littoral ne peut être confié à des mains italiennes ; ils y installent successivement deux des leurs ; puis ils forcent, nous dit D. Mars, leur chapelain à se faire moine pour le mettre à la tête de l’abbaye. Sous le premier prétexte venu, ils l’enlèvent avec tous les titres qu’ils font disparaître à jamais. Les moines se prêtent à tout : ils nomment aux divers offices ceux que les Madeuc désignent ; ils se contentent de la part que ceux-ci leur font, et, abrités sous cette aile puissante, ils traversent sans en trop souffrir la révolution qui termina le XVIème siècle [Note : Voyant leurs biens en des mains étrangères, les religieux en aliénaient ce qu’ils pouvaient sous les prétextes les plus frivoles ; ils dressèrent même un registre régulier pour ces aliénations. On y voit des terres, des dîmes ou des rentes vendues pour balayer l’église, mettre des cordes aux cloches, faire le feu nouveau, apporter le buis du dimanche des Rameaux, mettre un chapeau de roses à la Vierge le jour de sa fête, apporter un faisceau de jonchée les jours du Sacre, de la Pentecôte et de l’Ascension, etc.].

La roue de la fortune avait tourné : une famille nouvelle, celle des Bréhan, avait pris la haute main dans le pays. Elle donna l’abbaye à un enfant : le père de celui-ci s’y installa, réduisit encore la pitance des moines, maltraita ceux qui voulurent réclamer, et continua à gaspiller ce qui restait de biens à St-Jacut. Il faut remarquer que ceci se passait, non pas comme les hauts faits des La Magnanne et des Kerguézangor, pendant les troubles, mais bien sous le gouvernement régulier de Henri IV. Vainement le Présidial de Rennes tenta de mettre un terme à ces désordres ; le Conseil privé cassait les arrêts de la magistrature bretonne, et donnait raison au courtisan qui s’était emparé de ce bénéfice.

Enfin, après quatorze ans , ne trouvant sans doute plus là qu’un os qui ne valait pas la peine d’être rongé, les Bréhan s’en allèrent. Alors le monastère tomba à un chanoine de St-Brieuc, qui entreprit de le relever de ses ruines.

Pierre de Francheville comprit que pour faire un couvent il faut avant tout des religieux : il s’adressa successivement à la Société de Bretagne et à la Congrégation de St-Maur. Sur leur refus, il essaya une réforme par ses moines eux-mêmes. Ils parurent s’y prêter d’abord, reçurent des novices, commencèrent une vie plus régulière et reconnurent pour prieur un saint religieux, D. Thomas Hingant ; mais au bout de peu de temps ils l’obligèrent à quitter l’abbaye. Alors le commendataire traita avec les religieux anglais de St-Malo (Concordat du 9 avril 1642) ; mais le Parlement intervint : par arrêt du 15 septembre 1643, il défendit aux étrangers d’occuper St-Jacut, et enjoignit aux Bénédictins de St-Maur d’en prendre possession.

Ce fut seulement le 7 juillet 1646 que cette congrégation put passer un concordat avec P. de Francheville, et, le 29 mars suivant, elle prit possession du royal monastère [Note : Bl.-Mant., XLI, 653. — Les nouveaux religieux n’y furent installés que le jour de la St-Jean].

Elle y fit des réparations, mais elle ne put lui rendre sa splendeur perdue. Tout ce qui nous reste à dire de cette troisième période, c’est que là s’abritèrent les dernières années de D. Lobineau, et que ses cendres reposent encore au milieu de ces ruines. Condamné au silence par la politique ombrageuse du Régent, et par une orgueilleuse famille (les Rohan) dont il n’avait pas voulu servir les préjugés, le grand historien de la Bretagne ne trouva pas au monastère des Blancs-Manteaux un abri contre les implacables pour suites de faméliques écrivains qui, comme l’abbé de Vertot, le persécutaient sans relâche. Demanda-t-il une retraite plus profonde, ou fut-il envoyé par ses supérieurs dans les solitudes pénitentiaires de St-Jacut [Note : Nous avons appris par le R. P. dom Gardereau, d’après un manuserit de l’abbaye de Solesme, que St-Jacut, qui recevait exclusivement autrefois des profès de noble origine (D. Mor., I, XXVIII), était devenu au XVIIIème siècle, comme St-Mathieu, une sorte de pénitencier, où l’on envoyait les moines qui avaient quelque chose à expier. Ceci explique la détestable réputation attribuée par la voix publique à cette abbaye dans les derniers temps] ? C’est ce que nous ignorons ; mais il est sûr qu’il y vint, par quelques années de recueillement, se préparer à rendre compte d’une vie et d’un talent qui avaient eu leurs taches, comme toute créature sous le soleil. En promenant sur ces grèves désertes les loisirs forcés que lui avaient faits la peur et la haine, que de fois il a dû envier le sort de ses frères d’armes dans la science, les Gallois, les Briant, les Rougier [Note : En nommant ces soldats de l’érudition, pourrions-nous oublier leur chef, dom Audren de Kerdrel, dont le nom est encore en Bretagne aujourd’hui l’expression de la loyauté et du talent ?], tous tombés dans le travail, pour une œuvre à laquelle ils avaient foi, œuvre que, lui, il avait la douleur de voir arrêtée pour toujours [Note : L’église et le cloître de St-Jacut possédaient des tombeaux qui malheureusement n’ont pas été conservés. Seulement, aux Bl.-Mant. (XLI, 660 et 661), nous avons trouvé la note suivante : « Du côté de la chapelle de St-Etienne, on trouve une tombe de pierre abbatiale, au bas de laquelle est un aigle à deux têtes ; dans le cloître, du coté de l’église, un tombeau dans l’arcade du mur, sur lequel il y a une épée gravée et un écusson losangé, avec un franc cartier. Sur une ancienne tombe du cloître on lisait : « Hic jacet Petrus de Ploer et Hamo pater et Oliva uxor ejus et Oliverius filius Johannis. »« Il n’y a que l’église pour demeurer, disait déjà D. Noël Mars : elle a 100 pieds de long et 23 de large, et haulte sous clef de voulus de 35 pieds ; elle est toute voûtée et en forme de croix ; pour le chœur, elle a deux voultes, pour la nef autant, pour le dessous du clocher une, et pour la croisée deux, une de chaque côté. L’abbaye est tellement située qu’elle voit à l’entour de soy la plus grande partie de son bien. Du costé du soleil levant l’on voit Laudcieu, où il y a bailliage, metairies et dixmes ; de l’autre costé, St-Cast, Ste-Brigitte, St-Jaguel, St-Postan, où il y a pareillement dixmes, bailliages et rentes ; devant elle, elle a Créhen, où il y a pareillement dixmes, bailliages et rentes. Proche l’isle de St-Jagu est la paroisse de Trégon, dans laquelle il y a semblables rentes, et toute la paroisse de St-Jagu, que l’on voit de dessus l’isle. L’air de l’abbaye est tempéré et sain. » — Dans son aveu au roi, du 12 novembre 1678, l’abbé Louis Hercule de Francheville s’exprimait ainsi, un peu moins d’un demi-siècle après D. Noël Mars : « L’abbaye située en la paroisse N.-D. de Landouar, évesché de Dol, l’enclos de laquelle abbaye consiste en l’église avec le cloistre au bont vers l’occident, et maison à l’entour dudit cloistre servant pour l’habitation des religieux, maison abbatiale avec deux cours, jardins, verger enclos de murailles ; un autre corps de logis au bas desdites cours où estoit entiennement l’arrivée de ladite abbaye et à present opposée par les sables que les vents et tempestes y ont apportés, comme en la plupart desdits clostures et jardins, tant dudit Sgr abbé que desdits religieux, qu’il est impossible d’empescher, si ce n’est par de haultes murailles. Ledit abbé obligé de faire une autre arrivée avec portail du costé du levant. » — Haute , basse et moyenne justice avec appellations au Présidial de Rennes. — Fondée par Gradlon, second roi chrétien de Bretagne, en 381. — Huit religieux entretenus par l’abbé. — A ce moment le revenu de l’abbé était partagé en deux parts : celle des moines s’élevait un peu au-dessus de 3,000 fr. ; celle de l’abbé était au moins égale. Dans les propriétés territoriales figurait l’île des Ebihens « entièrement entourée de mer et contenant huit à dix journaux de pâturage à moutons et de garenne à lapereaux ». Parmi les droits de l’abbaye figurent les droits de chasse, de garenne, de four, de moulin, de mesure à blé et étalonage sur les cabaretiers, de foires, de plaids, de quintaine dans les paroisses de Landouard et de Lancieux. — « Le lieu de la justice patibulaire, qui est à quatre poteaux, ajoute encore D. Mars, est près de l’endroit (où il y avoit autres fois un moulin à vent appellé le moulin de la Manchette), sur un tertre nommé Carignau, et tout proche il y a une pièce de terre dont celui qui en jouit est obligé d’aller quérir l’eschelle qui doit servir au gibet, là où le fera, ou bien le bois pour le faire ........ La plupart de St-Caast, tous ceux de Ste-Brigitte, St-Jaguel, plusieurs de St-Postan, ceux de St-Germain de Pentheure, de Monbran, Pleboule, Trégon, Crehen, Corseul, Pleurtuit, Langrolay, Landscieu et plusieurs autres sont subjects à la justice de St-Jagu : et comme l’abbaye est proche la mer, et que les religieux ne mangeoient le temps passé que du poisson, aussy ils obligent les pescheurs de leur apporter les dixmes au douzième des poissons qu’ils prendroient en mer, sans parler des poissons royaux qu’ils doivent à l’abbé et aux religieux, avec les débris de navires qu’ils rencontrent en mer, et les apporter au port de St-Jagu, sans les pouvoir vendre que premièrement l’abbé et les religieux n’aient pris leur provision. Ceux qui ont des pescheries en la rivière d’Arguenon et de Landcieu les tiennent de l’abbé de St-Jagu comme estant entre ses fiefs, comme aussy tous ceux qui mettent des tressures sur la grève pour prendre poisson ou d’autres filets après avoir pris du poisson le doivent apporter à certaine pierre vers le chef de l’isle, et là crier trois fois : « Si l’on a affaire de poisson au monastère ». De plus, tous les pescheurs de St-Jagu sont tenus et obligés d’aller le 4 juillet, en mer, avec tous leurs filets, afin de pescher toutte la nuict, puis apporter tout le poisson qu’ils auront pris à l’abbaye le 5 juillet, jour de la Translation de saint Jagu, et deffaullte de ce estre mis à l’amende. — C’estoit la coustume du temps passé que tous les prieurs des prieurés de ce monastère devoient se trouver le 4 juillet à St-Jagu pour y célébrer la feste de la Translation de saints Jagu et Guethenoc son frère, et pour assister au chapitre général qui se célébroit le 5 juillet, jour de leur feste. Si quelque prieur estoit absent, si dans vingt jours il ne venoit, ou envoyait faire son excuse légitime, il estoit suspens : s’il ne venoit on personne au chapitre, il devoit payer au monastère de St-Jagu autant d’argent qu’il lui eust couté allant au chapitre, lequel argent estoit employé aux affaires de l’abbaye. — Outre que les prieurs devoient assister au chapitre général, ils devoient encore par an quelque petite reconnoissance à l’abbaye de St-Jagu : le prieur de la Trinité de Porhouet devoit 40 s. de reconnoissance, et l’abbé de St-Jagu pouvoit lui envoyer un compagnon, lequel il devoit entretenir d’habits et de vivres ; le prieur de St-Sauveur de Dinan devoit le Jeudi absolu 5 s. en liards pour donner aux pauvres après qu’on leur avoit lavé les pieds ; le prieur de Leshardrieuc devoit par an 40 s., et on pouvoit luy envoyer un compagnon ; celui de Lannion devoit avoir un compagnon et donner 60 s. au monastère ; celui de Landmur devoit 60 s. ; celui de Henansal, 60 s. et avoir un compagnon ; celui do St-Leau, 6 s. le 2e jour d’octobre, jour de St-Leau, et en outre un compagnon ; celui de Bodieuc 60 s. et un compagnon ; le prieur de St-Cadreuc et de St-Maur de Plancouet devoient assister à toutes les grandes festes à l’office divin qui se célébroit à ce monastère, à raison qu’ils n’en sont éloignés ; les deux prieurés d’Angleterre, Lintonne et Islan devoient par an, au monastère de St-Jagu, 10 marcs d’argent, outre qu’ils devoient recevoir des religieux de ce monastère ; les recteurs de Landscieu et celui de Crehen devoient 30 s. de reconnoissance à l’abbé. — Pour ce qui est des offices, c’est chose constante que de tout temps il y a eu l’office de prieur claustral. Pour l’office de sacriste, je ne le trouve si ancien : celui qui estoit pourveu de cet office estoit curé primitif de la paroisse de St-Jagu, avoit toujours un prestre sous luy, que l’abbé nourrissoit et entretenoit pour administrer les sacrements au peuple. Ce sacriste curé primitif de la paroisse St-Jagu, outre tous les droits honoraires, jouissoit encore : 1° du dedans de l’église ; 2° de la dixme des agneaux et laine et du droit de neusme ».

(J. Geslin de Bourgogne et A. de Barthélemy).

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