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L'abbaye du Relec de la Révolution à nos jours (1932)

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Le dernier prieur du Relec fut dom Verguet.

Claude François Verguet naquit le 28 mars 1744 à Saint-Christophe de Champlitte, au diocèse de Dijon, de l'union du docteur en médecine Samson-Gabriel Verguet et de Marguerite-Rose de Loyauté. Entré chez les Cisterciens, puis profès de Cîteaux, il devint en 1770 prieur de la Frenade, en Saintonge et en 1784 prieur du Relec. Un régiment de cavalerie ayant séjourné dans le voisinage de son monastère, il en nourrit, dit-on, gratuitement les soldats ; ce qui lui valut d'être recommandé par Louis XVI aux autorités de son ordre, dont il devint à bref délai, vicaire général.

Le 22 septembre 1787, il procéda à l'installation de Mme de Kergus, abbesse de Kerlot à Quimper. Elu en septembre 1789, avec le fameux Expilly, député du clergé de Léon à l'assemblée nationale, il y prononça, le 17 décembre, un beau discours en faveur des ordres religieux. Voici en résumé les considérations qu'il soumettait à ses collègues :

Les communautés religieuses reçurent longtemps le tribut d'éloges que tous les citoyens rendaient à leur institut, et la critique la plus sévère ne disputera pas aux cloîtres d'avoir produit et de renfermer encore des hommes dont le mérite perce à travers l'obscurité dont ils s'enveloppent, et que leurs ouvrages portent à la célébrité. Faut-il supprimer les ordres religieux, parce que la discipline s'y est relâchée, et qu’ils seraient donc désormais devenus inutiles ? Mais cette déchéance relative est le fait de toutes les classes de la société. Pourquoi, au lieu de déraciner l'arbre, ne pas l'émonder, le cultiver ? Le supprimer serait attenter à l'inviolable propriété de la personne humaine. Les vœux par lesquels les moines se sont liés ne sont-ils pas un acte de leur volonté libre, contracté sous la protection de la loi et autorisé par elle ?

C'est tout-à-fait à la légère que le comité chargé d'examiner les ordres religieux les taxe de relâchement accéléré et conclut à leur suppression. Il faut observer, au surplus, que le traitement assigné par ce comité à tous les religieux est insuffisant et offre des inconvénients du plus grand poids. Ces religieux, sortis du cloître, seront à la charge de leurs parents. Et puis, arrachés à leur état, séparés de leur frères, exclus de toute influence dans les affaires publiques, ils n'apparaîtront dans l'opinion publique que comme des citoyens dégradés et avilis.

Et voici la conclusion de l'orateur :

Il faut : 1°) Que les ordres religieux soient conservés et destinés à l'éducation, au soulagement des malades et au progrès des connaissances humaines ;

2°) Que ceux qui ne voudraient pas continuer la règle qu'ils ont choisie sans connaître la force et la durée de leur engagement, soient autorisés à réclamer ;

3°) Que l'émission des vœux soit portée à l'âge où la maturité aura laissé à la réflexion le temps de préparer cette importante résolution, et que les élèves qui se destineraient à ce genre de vie ne soient tenus qu'à la subordination qui n'enchaînerait pas leur liberté ;

4°) Que le code d'éducation dont l'assemblée doit s'occuper, soit le seul qu'il soit permis de suivre dans les maisons que seraient spécialement employées à l'éducation publique ;

5°) Que si l'assemblée prononce la suppression des ordres religieux, la pension accordée aux Célestins et aux Antonins serve de règle et de traitement à tous les religieux sans distinction, autant que la masse des biens pourra le permettre, sauf à augmenter jusqu'à ce taux, ceux qui n'en jouiraient pas, à mesure que l'extinction successive des religieux en laissera la possibilité ;

6°) Enfin, que les religieux supprimés soient établis dans tous les droits des citoyens et, comme tels, admis aux fonctions administratives, lorsque l'estime et la confiance les auraient honorés de ce choix [Note : Archives Parlementaires de 1787 à 1860. Première série, 1787-1799, tome X, page 640 et suiv.].

Le même jour, 17 décembre 1789, le prieur du Relec prononça un autre discours sur les traitements des ordres religieux en cas de suppression [Note : Archives Parlementaires de 1787 à 1860. Première série, 1787-1799, tome X, p. 646-647. Pour d'autres interventions d'ordre secondaire, voir tome XI, p. 326, 644 ; tome XXIII, p. 676 et suiv.].

Dom Verguet eut la faiblesse de prêter serment à la Constitution civile du clergé et d'accepter le titre de vicaire général de l'évêque assermenté de Langres. D'abord curé d'une paroisse, il jeta le froc, devint président de l'administration cantonale à Montarlot, puis en 1800, sous-préfet de Lure. C'est à Montarlot qu'il acheva sa carrière, le 9 mars 1814 (Cf. Kerviler, Cent ans de représentation bretonne, Paris, Perrin. Première série, p. 161).

Vers la mi-février 1790, l'Assemblée nationale décréta que la loi ne reconnaîtrait plus de vœux monastiques solennels et supprima les ordres religieux où ces vœux étaient émis. En leur accordant une pension, on laissait le choix aux religieux de sortir de leur couvents ou de se réunir dans des maisons communes désignées à cet effet.

Trois mois plus tard, le 19 mai, les municipaux de Plounéour-Menez se présentaient à l'abbaye du Relec pour en dresser l'inventaire. Ils visitèrent successivement la salle à manger, le salon de compagnie, une chambre voisine du salon, les quatre chambres de l'hôtellerie, un appartement au-dessus du salon, la chambre du prieur, une chambre située sous la bibliothèque et les huit chambres du dortoir. A l'écurie, ils trouvèrent 5 chevaux et, dans l'étable, 21 bêtes à corne. Les religieux étaient au nombre de quatre au monastère : Claude Verguet, prieur, profès de Cîteaux, 46 ans ; Jean-Baptiste-Bernard Desforges, profès du Relec, 70 ans ; Thomas-Marie Barbier, profès du Relec, 44 ans ; Casimir Huaut, profès de Cîteaux, 43 ans, faisant fonction de procureur. Interrogés sur le point de savoir s'ils doivent quitter leur maison ou y rester, les moines répondent aux municipaux qu'ils ne peuvent prendre de décision, vu que l'assemblée nationale n'a pas encore fixé l'époque ni le mode de paiement des pensions, ni le nombre de religieux dont chaque maison commune sera composée. Avant de se retirer, les enquêteurs déclarent dans leur procès-verbal que les bâtiments de l'abbaye « tombent en ruines de vétusté » et seraient insuffisants à abriter un bon nombre de religieux.

Le 22 septembre 1790, Verguet, à Paris, prêtait serment à la Constitution civile du clergé ; deux de ses moines, Barbier et Desforges, suivirent son exemple au début de 1791.

Le 21 janvier de la même année, un inventaire estimatif du mobilier de l'abbaye fut établi par Laurent Lelamer, administrateur du district de Morlaix, et François-Marie Le Dissès, procureur syndic. Un clavecin qui se trouvait dans l'antichambre du prieur demeura hors de l'inventaire, réclamé qu'il fut par dom Germain, religieux à Saint-Aubin-des-Bois ; ce moine l'avait acquis de ses deniers, pendant un séjour antérieur à l'abbaye du Relec.

Cinq jours plus tard se présenta au monastère le citoyen Souvestre, chargé de faire l'inventaire des immeubles. Le procès-verbal qu'il dressa à cette occasion nous fournit maint détail intéressant. On en trouvera plus loin un aperçu.

MM. Briant et Floc'h, recteur et vicaire de Plounéour-Ménez avaient refusé le serment à la Constitution civile du clergé. Le premier, arrêté le 7 juillet 1791 fut incarcéré aux Carmes de Brest, et remplacé par un intrus du nom de Pacé. Celui-ci, d'accord avec le Conseil municipal de Plounéour, le 24 juillet au district de Morlaix, pour le remercier écrivit d'avoir conservé le culte en l'abbaye du Relec :

1° La municipalité et le dit curé remercient les messieurs du Directoire du dit Morlaix d'avoir suspendu l'adjudication de l'église de la ci-devant abbaye du Relleq.

2° Vu l'utilité, pour ne pas dire la nécessité, d'une chapelle dans un canton si éloigné, ils demandent à la justice de ces messieurs que cette église leur soit laissée pour la commodité de la partie du peuple de Plounéour-Ménez à laquelle il seroit presqu'impossible de se rendre aux offices du bourg paroissial.

3° Que pour le service dn culte, il seroit laissé dans la dite église au moins deux calices, quatre ornemens, quatre aubes, et les autres livres et ustensiles nécessaires pour le service du culte.

4° Qu'ils ne veulent rien demander de ce qui pourroit d'ailleurs être vendu au profit de la nation ; le Conseil général et le dit curé espèrent que les dits messieurs du district auront la bonté de leur laisser cette église ornée de façon à attirer les paroissiens et à ne point les éloigner de l'office divin.

5° Que leur confiance en la justice de ces messieurs est si grande, qu'ils espèrent être favorablement écoutés et que les messieurs du département après une pétition si juste et si nécessaire, ne seront point d'avis contraire.

Fait et arrêté en la chambre des délibérations, les dits jour et an...

Suivent les signatures du maire, du curé et des conseillers municipaux de Plounéour-Ménez.

Lors de la vente du mobilier de l'abbaye, le 20 février, le district de Morlaix avait installé, comme « fabriques », gardiens de l'établissement, deux habitants du Relec, Jean Du Beau et Vincent Le Damniet. Il s'agit, disait-il, « d'éviter toute émeute dont le genre se fit sensiblement sentir ces jours derniers, lorsqu'on sut au pays que l'église de Notre-Dame du Relec allait être dépouillée de son mobilier et de sa décoration ».

On remit aux deux gardiens la clef du tronc aux offrandes et « ainsi, note le district, l'office divin pourra être continué, c'est-à-dire la messe pour la dévotion et la commodité publique de tous les fidèles du canton ».

Le 14 août, veille du « pardon », Pacé, accompagné de dom Barbier, demande aux personnes chargées des offrandes de mettre à part celles des 13, 14 et 15 août. Mais voici qu'interviennent Du Beau et Damniet ; ils s'y opposent de façon scandaleuse et insultent les deux prêtres. Ceux-ci s'adressent alors à la municipalité, la priant de réparer le scandale et de faire percevoir les offrandes par Yves Pouliquen, procureur de la commune.

Le 15 août, les municipaux se rendent à la sacristie, accompagnés de Pouliquen, et somment Le Damniet de lui remettre tout l'argent perçu. Peine perdue : Le Damniet s'y refuse.

Huit jours plus tard, le 23 août, Du Beau et Le Damniet adressent une plainte au district contre Barbier et la municipalité de Plounéour : « On gardera le silence, observent-ils, sur les milliers d'ardoises qui ont disparu du Relecq et qui appartenoient à l'église, et on se donnera bien de garde de parler du tort qu'on fit à la Vierge le jour du pardon de saint Bernard, le 21 août, en fermant les deux bouts du dortoir où se trouve la sacristie haute, qui renferme la sainte image de la Vierge que l'on ne peut exposer en l'endroit ordinaire dans l'église, pour exciter le peuple aux offrandes ».

Dans la nuit du 24 au 25 août, nos deux gardiens pénètrerent dans l'église par le cloître. Sommés le 25 au matin par la municipalité de montrer leurs pouvoirs, ils s'y refusent, Celle-ci décide alors d'apposer les scellés sur la porte de la sacristie, où se trouvent les objets les plus précieux du monastère.

Le 29, Jacques Quéinnec, délégué du district, arrive au Relec, accompagné de Pacé et de cieux municipaux de Plounéour. Ils y convoquent Du Beau et Damniet. Convoqué lui aussi, dom Barbier est obligé de se retirer sous les menaces de la population.

« Nous sommes entrés clans l'église, observe Quéinnec, accompagnés d'un cortège de guet-apens, que nous n'avons pu écarter ni par prières ni par sommations ». Quand ils pénétrent dans la sacristie haute, Damniet y ouvre l'armoire où se trouvait l'argenterie inventoriée par le district. Entrés dans un autre appartement, Quéinnec et ses auxiliaires doivent s'y enfermer sous clef, pour garantir contre la population la sécurité de leurs personnes. Ayant reçu les comptes de Damniet et Du Beau, ils leur en donnent décharge et nomment Yves Pouliquen comme dépositaire provisoire.

Le 7 janvier 1792, les citoyens Vazel et Quéinnec, délégués du district de Morlaix, firent descendre quatre des cloches de l'abbaye ; mais, devant l'hostilité de la foule, ils durent laisser en place la cinquième qui était la plus grande.

Pour la faire descendre, ils revinrent quelques jours plus tard, accompagnés de trois gendarmes. Les deux operations coûtèrent 87 livres (Archives du Finistère, Lv. District de Morlaix, clergé et communautés religieuses).

Après la suppression de l'abbaye, en 1793, le Relec n'était « plus qu'un désert » comptant « à peine 25 à 30 individus ». Le 26 décembre de cette année, la municipalité de Plounéour demanda le transfert au bourg des foires et marchés de la paroisse qui, au cours du XVIIIème siècle, se tenaient au Relec. Ce transfert sera réalisé en 1810 (Archives du Finistère, série L, foires et marchés - note de M. H. Waquet).

Plus tard, en 1819, la municipalité de Plougonven donnera un avis favorable au rétablissement des anciennes foires du Relec « par la raison qu'au Relec se touchent les extrémités des trois anciens évêchés de Tréguier, Léon et Cornouaille, que ce lieu central avait l'avantage de réunir un concours plus qu'ordinaire de vendeurs et acheteurs, et que l'ancienne antipathie entre les Trégorrois et les Cornouaillais d'une part, les fiers Léonards de l'autre, diminuerait sensiblement par la réunion des trois évêchés aux foires du Relec » (L. Le Guennec, Notice sur la commune de Plougonven, p. 178).

Le 13 ventôse an II (3 mars 1794), les bâtiments de l'abbaye furent acquis par un honorable commerçant de Morlaix, M. André Le Hénaff [Note : M. Le Hénaff acheta aussi une partie de la forêt du Relec, le 13 thermidor an II (31 juillet 1794) et le 23 octobre 1809]. Il restaura l'église et, à l'issue de la révolution, la restitua au culte.

En 1827, Mme veuve Le Hénaff, née Lamendour, eut l'idée de rendre le monastère à sa destination première et d'y appeler des Trappistes de La Meilleraie, mais son projet n'aboutit pas (Archives de l'Evêché de Quimper).

Vers 1850, l'abbé de Léséleuc, missionnaire apostolique du diocèse de Quimper, plus tard évêque d'Autun [Note : Cf. Vie de Mgr de Léséleuc, par M. le chanoine Le Roy, Bulletin diocésain d'histoire et d'archéologie, 1928-1932], fait des démarches pour l'acquisition du Relec, en vue de ressusciter l'œuvre de Malestroit, fondée par Jean-Marie de Lamennais. C'était là, pour des prêtres d'élite, une école de haute science ecclésiastique. Dieu ne permit pas la réussite du projet et, en 1855, Mme Le Frère, petite-fille de M. Le Henaff, installa dans l'ancienne abbaye une communauté des Filles de la Croix. Après le départ de ces religieuses, en 1876, la pieuse dame fit refaire complètement la toiture de l'église.

A sa mort, en 1885, M. de Kervenoaël, qui avait épousé une demoiselle Lamendour, hérita de ses biens. De concert avec lui, l'abbé Jouve, recteur de Plounéour, entreprit intelligemment, en 1894, la restauration de la vénérable église abbatiale. Il refit les lambris du chevet et du transept, fit gratter le badigeon et dégager le bel appareil de pierres. Par ses soins, deux ans auparavant, la tour avait été enrichie d'une nouvelle cloche dont le parrain fut J .-M. Linguinou et la marraine Anne-Françoise Joncour.

La cour du monastère était encadrée de bâtiments parmi lesquels on remarquait, à l'ouest, le manoir abbatial, décoré de six lucarnes de pierre à frontons arrondis, et, dans la partie nord, regardant les jardins et l'étang, un vaste édifice qui était l'ancienne hôtellerie. Cette dernière construction fut partiellement détruite par un incendie en 1902 et rasée neuf ans plus tard, en même temps qu'une autre maison attenant au pignon ouest de l'église et que Mme Le Frère avait fait bâtir pour les Filles de la Croix. Cette maison fut remplacée par un édifice, au nord de l'église, qui était naguère l'habitation d'Anne-Marie Talidec, la pieuse et dévouée gardienne du vieux monastère [Note : Cette bonne personne qui fut au service de Mme Le Frère depuis 1873, était récemment encore la fidèle servante de M. le chanoine de Kervenoaël. Elle a reçu la médaille de vermeil décernée aux vieux serviteurs de l'Eglise]. Dans la façade sud, on voit encastrées deux inscriptions : d'une part, M 1693 P ; d'autre part, BATI 1698. La première de ces inscriptions provient de l'ancienne hôtellerie.

M. l'abbé Manchec, devenu recteur de Plounéour en 1909, fit aplanir et planter l'emplacement de l'ancien cloître et nettoyer les abords de l'église.

M. le chanoine Mikaël de Kervenoaël, curé-doyen de Pleyben et propriétaire vers 1932 de l'ancienne abbaye, maintient la tradition paternelle et veille avec grand soin sur le vénérable monument confié à sa garde. Il a dégagé du côté sud l'église de Notre-Dame, que l'on peut désormais contourner aisément.

(H. Pérennès).

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