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DESCRIPTION DE L'ABBAYE DU RELEC |
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L'abbaye du Relec fut supprimée, en février 1790, par l'assemblée nationale, et le 26 janvier de l'année suivante, le citoyen Souvestre y dressait un inventaire des immeubles qui nous renseigne sur sa situation. En voici un aperçu :
La maison des hôtes, qui a façade sur le jardin, longue de 177 pieds, profonde de 27, et comprenant un rez-de-chaussée, un étage et un grenier, est en assez mauvais état. Il en est de même du dortoir qui se trouve derrière l'hôtellerie, long de 156 pieds, large de 30, avec rez-de-chaussée, étage et grenier. Joignant le dortoir est le bâtiment neuf, qui mesure 60 pieds de long et 30 de large, et comporte rez-de-chaussée, étage et grenier. Cette construction, elle aussi, est en assez mauvais état ; les murs en sont sérieusement lézardés et surplombent.
L'église qui forme un côté du cloître et joint la maison des religieux, a 120 pieds de long, 54 de large ; elle est pavée en pierres de Locquirec et possède un petit jeu d'orgue.
Le cloître qui mesure 120 pieds de long et 96 de large est couvert en ardoise et soutenu par de petites colonnes en pierres de taille. Le tout est en ruines et dans le plus mauvais état possible.
Dans la cour d'entrée se trouve un édifice en construction, bâti jusqu'au premier étage et mesurant 114 pieds de long sur 36 de large. A côté de ce bâtiment sont les remises avec corniches et mansardes en pierres de taille.
Vis-à-vis de l'hôtellerie est une terrasse de 49 cordes carrées [Note : La corde carrée valait les 4/5 d'un are] de surface au dessous de laquelle se trouve une autre terrasse, de 30 cordes carrées. Il y a également un jardin potager, entouré de fossés plein d'eau, deux vergers, et, près de l'église, un petit jardin muré, de 16 cordes carrées.
La cour d'entrée est plantée de petits chênes et décorée d'une « belle pompe ».
L'écurie, l'étable et la maison de forge voisins de l'étang sont en bon état. Derrière l'aire à battre est un grand jardin muré qui mesure 2 journaux et 70 cordes carrées. Les allées, le long de l'étang, sont plantées de chênes, d'ormes, de hêtres et de tilleuls.
L'inventaire du 20 février 1791 s'applique aux objets d'argent et de cuivre et à la pharmacie. Comme argenterie, il y. a 6 calices dont un en vermeil, 2 paires de burettes avec plats, 2 petites croix d'argent, une croix processionnelle, 2 lampes, un bénitier avec goupillon, un encensoir et sa navette, un soleil, un ciboire, une boîte aux saintes huiles, une Vierge, deux reliquaires en bois garni d'argent. Comme « cuivrerie », on compte 16 chandeliers pour autels, un vieux bénitier, 2 mauvaises lampes, 5 cloches au clocher, et divers ornements. Un état est dressé des drogues que contient la fromassie (sic), et pour les transporter à Morlaix, le sieur Guyon doit payer neuf livres onze sols. Le 6 septembre, tous les objets d'argent et de cuivre seront emballés pour être, eux aussi, expédiés à Morlaix, sauf le soleil, le ciboire et la boîte aux saintes huiles laissés au sieur Barbier pour les besoins du culte.
Le 11 avril, Pierre Guyon, imprimeur du roi et de la Nation à Morlaix, procéda à l'inventaire de la bibliothèque du couvent. Elle comptait 3398 volumes ainsi répartis : livres de religion, 1255 ; jurisprudence, 264 ; histoire, 309 ; poésie, 333 ; médecine et chirurgie, 284 ; mémoires, lettres et romans, 291 ; dictionnaires et anciens auteurs, 318 ; suites de la jurisprudence, 344. On l'estima au prix de 2.177 livres 11 sols 1 denier. Guyon toucha 204 livres.
L'ensemble des bâtiments et des salles de l'abbaye du Relec est aujourd'hui en ruines. Seule l'église a traversé les siècles sans dommage appréciable.
Les hauts piliers de la porte d'entrée du monastère sont toujours debout et donnent accés à la grande cour d'honneur.
Dans cette cour, derrière une grange moderne qui n'est pas à sa place, se dresse une jolie fontaine formée d'un obélisque central, d'où l'eau jaillit sur les quatre faces, et d'un bassin que les ménagères de l'endroit utilisent comme lavoir [Note : La fontaine de dévotion de N.-D. du Relec est blottie à l'angle du chevet de l'église, en bordure de la route. On y vénère une statue en granit de la Vierge Mère. L'enfant Jésus est privé de sa tête]. Prenons sur la droite, nous voici devant le fronton de l'église.
Le bas-côté et le transept sud de l'église ont été percés de trois fenêtres flamboyantes. Le pignon de ce transept, comme celui de l'abside, semble avoir été reconstruit au cours du XVIème siècle. Quant au mur nord de la nef, il parte à une assez grande hauteur trois fenêtres à deux baies ogivales surmontées d'un lobe, qui peuvent dater du XIIIème siècle.
Si l'on pénètre à l'intérieur de l'église, on y observe dès l'abord une disposition architecturale propre à l'ordre cistercien. Le plan général de l'édifice comprend, en effet, une nef accompagnée de deux bas côtés, un vaste transept et un chevet terminé par un mur droit. Sur chacune des branches du transept s'ouvrent vers l'est deux absidioles carrées.
L'église qui mesure 37 mètres de long et 16 mètres de largeur à la nef, est pavée de grandes ardoises.
Les deux piles du bas de la nef, de forme cylindrique, avec un bénitier à leur base, ont des chapiteaux très simples. Les deux piles qui suivent, de forme oblongue, reçoivent l'archivolte de l'arcade qui les relie aux premiers, sur une colonnette terminée en bec de sifflet, avec chapiteau grossièrement sculpté. Deux autres colonnettes, également sculptées, soutiennent les arcades des bas côtés et du transept.
Les arcades sont partout de forme ogivale. Plus basses dans la nef, dont les murs atteignent une hauteur d'environ 14 mètres, elles sont très élevées dans le transept. La voûte du chevet est moins haute que celle de la nef et du transept.
« Au-dessus des arcades de la nef, écrivait en 1903 M. le chanoine Abgrall, on recoupait sous l'enduit la trace d'anciennes fenêtres romanes, maintenant maçonnées. Cela indique un remaniement des murs et des toitures des bas-côtés. Ces murs étaient autrefois plus bas et percés de baies romanes, et au lieu d'un toit unique couvrant à la fois les bas-côtés et la nef, il y avait primitivement une toiture spéciale couvrant les collatéraux, montant beaucoup moins haut et laissant dégagées les fenêtres hautes de la nef » (Livre d'or des églises de Bretagne).
Le bras du transept sud est éclairé par une grande fenêtre à meneaux, qui surmonte l'enfeu et tombe des seigneurs du Bois de La Roche en Commana, du nom de Cornouaille ou Kernéau. Leurs armoiries, pleines dans l'écusson qui domine l'enfeu, sont alliées, d'autre part, à celles de Poulmic et à celles de Kergorlay. Au mur ouest du transept figure une petite fenêtre romane en meurtrière.
Les quatre absidioles du fond de l'église reçoivent de la lumière par des fenêtres ogivales du XIIIème siècle, qui comportent deux baies et une petite rose à six lobes. Dans le mur de droite de chacune de ces chapelles est pratiquée une crédence en plein cintre. Tout comme le transept nord, elles ont une voûte en pierre, tandis que la nef et le transept sud sont voûtés en lambris de bois.
Au fond du transept nord, un escalier de pierre, bordé d'une massive balustrade, style Louis XIV, donne accès, par une porte ménagée dans le pignon, à l'étage d'un édifice du XIIIème siècle, aujourd'hui ruiné, qui s'appuyait à l'église. Une seconde porte donnant sur le corridor de cet étage permet d'entrer dans un appartement situé au-dessus du transept, qui est pavé en briques rouges et muni d'une cheminée. De là, par une clairevoie pratiquée au-dessus du chœur, les convalescents pouvaient assister à la messe et aux offices.
Dans une petite tribune au-dessus de l'escalier, on aperçoit un grand cadran d'horloge, tout couvert de peintures et d'arabesques avec cette inscription : Ex momento : pendet: æternitas (Un seul moment décide de l'éternité). Plus bas, sur une pierre sombre, encastrée dans le mur, on lit :
MONASTERII : AERE
REPARATA SUNT
AVCTA : ET : ORNATA
TECTA
AETATE : CASVRA
IOANNIS : BAPTAE : CVRA
ARCHIMANDRITAE
1691
[Note : « Aux frais du monastère, les bâtiments qui allaient tomber de vétusté ont été restaurés, agrandis et embellis par les soins de Jean-Baptiste, archimandrite, 1691 ». Cet archimandrite n'est autre que le prieur J.-B. Moreau Le titre d'archimandrite est donné au prieur dans les monastères de rite grec]
Au fond de l'église on devine l'existence d'une ancienne tribune qui logeait les orgues [Note : Achetées au prix de 3 000 francs en 1821 par la fabrique de Plougonven, ces orgues furent placées dans l'église de cette paroisse par les soins du sieur Méar, facteur d'orgues à Morlaix (L. Le Guennec, Notice sur la paroisse de Plougonven, p. 178)].
Dans l'absidiole de droite du croisillon sud se trouvent l'autel et la statue vénérée de Notre Dame du Relec.
L'autel est garni d'un riche retable du XVIIème siècle, orné de rinceaux, de feuilles d'acanthe et de fleurs, dans l'enroulement desquelles se profilent des angelots. A bien regarder, on découvre un gracieux génie se jouant sur une branche de feuillage, un angelot chevauchant un aigle, deux figurines féminines, au sein nu, tenant un médaillon à l'effigie du Christ (Note de M. Le Guennec).
Au-dessus du tabernacle, un socle est supporté par deux cariatides aux fines draperies flottantes et deux vertus cardinales, la Prudence et la Force, ayant pour attributs un serpent et une colonne. Ces figures encadrent un médaillon en bas-relief qui présente la Madeleine au pied de la croix, et, à côté d'elle une tête de mort. A l'arrière-plan, apparaissent les palais de Jérusalem.
Sur le socle, soutenu par les vertus et les cariatides, repose la belle statue en pierre de la Vierge, grandeur nature. Le front ceint d'un diadème, vêtue d'un riche manteau d'azur, elle se révèle par sa pose « hanchée » caractéristique comme une œuvre du XVème siècle. La Vierge Marie porte sur son bras l'Enfant Jésus, le front couronné, et vêtu d'une toge verte. Il tient une banderole dorée, dont les longues branches se déroulent sur l'habit de sa mère.
De chaque côté du tabernacle, des niches à colonnes torses, décorées de pampres de vigne et de colombes, abritent les statuettes de saint Benoît, vêtu de noir, et de saint Bernard, vêtu de blanc. Des cartouches ornés de volutes surmontent ces niches ; ils portent, entrelacées, d'une pan les lettres L.FVS, d'autre part JM.V.AJ.
Au haut de l'autel on lit en lettres dorées : Notre-Dame du Relec.
En face de cet autel est planté dans le sol un vieux tronc en chêne, destiné à recevoir les offrandes. A côté une table de forme archaïque supporte une statue ancienne de la Vierge du Relec. Au fond du transept, à droite, on remarque deux vieux sièges en bois dont le support s'appuie sur cinq colonnettes. A côté une boîte, également ancienne, destinée sans doute aux offrandes.
La chapelle voisine de celle que nous venons de décrire contient un maître-autel moderne, encadré de deux hautes statues anciennes représentant saint Benoît et saint Bernard. Au fond du choeur existent encore les vieilles stalles en chêne, où devaient prendre place les moines. Sous cet autel repose le corps d'un ancien religieux dont les ossements sont visibles quand on ouvre une sorte de trappe située au ras du parquet.
L'absidiole qui suit, au croisillon nord, renferme un autel moderne de saint Joseph. Il convient cependant de noter au-dessus du tabernacle quelques fragments de colonnettes anciennes. De chaque côté de l'autel, on voit les vieilles statues de la Trinité (où manque le Saint-Esprit) et de sainte Barbe avec sa tour.
Quant à la dernière absidiole, à gauche, elle est convertie en lieu de débarras et sa fenêtre est en partie bouchée. Devant le maître-autel est suspendue une lampe ancienne en cuivre massif.
Font encore partie du mobilier de l'église deux plats en cuivre de 0m. 20 de diamètre, qui servent pour la quête. L'un d'eux présente une Vierge au repoussé avec bosses décoratives. On lit au revers : F F : PAR G LE MAITRE L'AN 1760. L'autre plat, orné en son pourtour de bosses au repoussé, porte à l'intérieur un récipient de forme cylindrique avec l'inscription : N D DE PLOURIN. On lit, au revers : FAIS. FAIE … PAR Mr TANGVI PTRE 1763.
Lorsqu'on s'apprête à quitter l'église par la porte du bas-côté nord, on voit sur la gauche un bénitier en granit, près duquel repose une Vierge-Mère en pierre, d'aspect fruste et qui paraît très ancienne. Elle a été trouvée au bord de l'un des étangs.
Une fois sorti, on trouve sur la droite une galerie voûtée, à nervures, d'une douzaine de mètres de long sur environ trois de large. Ce devait être la sacristie, qui s'ouvrait sur le transept par une porte aujourd'hui aveuglée. Si ce local est obscur c'est que l'on a bouché la fenêtre du fond. A gauche de l'ouverture, deux vieilles pierres de la maçonnerie portent, l'une la date de 1184 en chiffres arabes, l'autre celle de 1605, accompagnée de deux lettres : HA. Si l'on a ainsi voulu conserver la date de 1184, ne serait-ce pas que l'église fut fondée cette année-là ? Nous savons qu'elle est de la toute première époque gothique (fin du XIIème, début du XIIIème siècle).
Vient ensuite la salle capitulaire qui servait aux moines de lieu de réunion. Elle mesurait douze mètres sur douze. Trois nefs y donnaient naissance à une voûte à neuf croisées, dont les arcades retombaient sur quatre colonnes centrales et douze jolis culs-de-lampe feuillagés. Voûte et colonnes ne sont plus et les nervures des parois disparaissent à moitié sous des massifs de lierre. Cette salle a le style de celles des abbayes cisterciennes de Langonnet et de Saint-Maurice de Carnoët.
Plus loin, toujours du même côté, deux sortes de galeries ou réduits obscurs, percés dans un épais massif de maçonnerie, devaient être les celliers ou la dépense. Comme la salle capitulaire, ils sont du XIIIème siècle. Quelques débris de colonnettes de l'ancien cloître s'y trouvent incrustés. Le cloître n'existe plus. Un document de l'époque révolutionnaire le signale comme étant déjà en mauvais état. Il mesurait 120 pieds de long et 54 de large. « L'espacement des éperons des trois baies de la salle capitulaire, note M. Bigot, donne à penser que chacune des travées du cloître se composait d'une grande arcade dans laquelle se trouvaient inscrites deux arcatures géminées supportées par une colonnette centrale » (Bull. de la Société archéol. du Finistère, XI, 1884, p. 237-255).
Le collatéral nord de l'église, percé de deux enfeux, formait un côté du cloître, dont les montants du toit reposaient sur des corbeaux que l'on voit encore. Tout comme la salle capitulaire, sur laquelle il s'ouvrait du côté est, le cloître remontait au XIIIème siècle.
Au nord de la cour d'entrée de l'abbaye, perpendiculaire à l'église s'élevait l'hôtellerie, dont il ne reste d'autres vestiges que de lourdes pierres de taille, gisant sur le sol. On y voyait, il y a quelque vingt-cinq ans, l'ancienne cuisine des moines, avec sa grande cheminée à manteau, son four à pain et un curieux fourneau en pierre de taille. Au-dessus de l'une des fenêtres de l'hôtellerie on lisait M 1693 P (Note de M. Le Guennec. — M. P. c'est-à-dire Moreau, prieur).
Au sud de cet édifice était la maison du prieur.
En bordure de la cour d'honneur s'élevaient les bâtiments de service, puis une construction ancienne, à lucarnes de pierre en hémicycle et hautes cheminées, qui passe pour avoir été le manoir abbatial. Dans le jardin voisin, on voyait un petit colombier.
Au nord de l'abbaye s'étendent de grands jardins ; l'un d'eux est entouré de douves profondes, pavées de larges dalles [Note : Ces dalles sont actuellement couvertes de verdure], qu'une écluse permettait de remplir des eaux du Queffleut. Un pont de pierre à une arche y donne accès. Sur la droite un long mur de clôture, troué et écroulé par endroits, semble pleurer la ruine de l'antique abbaye léonaise [Note : A droite de l'extrémité nord de ce mur, de l'autre côté de la rivière, à 200 m environ des bâtiments conventuels, se trouve la fontaine de saint Bernard].
Au nord-ouest des grands jardins se trouve le grand étang dont les eaux faisaient marcher le moulin du monastère. Un peu plus vers l'ouest, au-delà de la chaussée, se voit l'étang supérieur. Tous deux, comme on l'a dit, « jettent dans le paysage du Relec une note dont la douceur contraste avec la sévérité de la fresque grise qu'étale vers le sud-ouest la chaîne de l'Arrée ».
D'après la légende, « les étangs du Relec rompront un jour leurs chaussées et précipiteront leurs eaux, en torrent dans la vallée du Queffleut, balayant et détruisant tout ». Et l'on raconte que jadis la ville de Morlaix entretenait au Relec courrier qui, constamment posté sur la digue, le pied dans l'étrier de son cheval, n'attendait que l'instant de la catastrophe pour bondir en selle et descendre ventre à terre à Morlaix afin d'y donner l'alarme. La même tradition se retrouve à Brézal, près de Landerneau : Ma vank chauser ar stank Brezal - Landerneiz, pakit ho stal (Note de M. Le Guennec).
Pour embrasser d'un coup d'œil tout le paysage, observe M. Le Guennec, il faut traverser la chaussée du moulin, et aller s'asseoir près d'une vieille fontaine à édicule, au versant de la colline de Kergus. De cet endroit, on découvre la nappe brillante de l'étang, l'ensemble du vieux monastère, les bâtiments entremêlés de verdure, les grands toits sombres de l'église et sa petite flèche d'ardoises, puis les vastes solitudes où se livra la fameuse bataille de Brank-Alek, et la sauvage barrière de l'Arrée, hérissée de pitons rocheux.
(H. Pérennès).
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