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PRIEURES DEPENDANT DE L'ABBAYE DE BLANCHE-COURONNE.

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Outre ses possessions disséminées sur divers points et qui relevaient plus directement d'elle, l'abbaye en avait d'autres qu'elle avait groupées autour d'établissements secondaires qualifiés du titre de « Grange » ou de celui de « Prieuré ».

Fondée à une époque où les diocèses se réorganisaient, et où ils avaient moins besoin de recourir à des moines pour l'administration des paroisses, Blanche-Couronne n'eut jamais de « prieurés-cures », comme les abbayes de Marmoutier, de Saint-Jouin-de-Marne, de Redon, de Saint-Gildas-des-Bois, de Pornic et autres abbayes nombreuses qui possédèrent une si grande partie des paroisses du diocèse. De plus, non seulement ses prieurés n'étaient pas importants, mais ils n'étaient pas nombreux. Les différents pouillés ne lui attribuent que les bénéfices suivants :

1° Le prieuré de l'Angle-Chaillou, autrefois en Saint-Donatien ;

2° Le prieuré du Tertre, en Lavau ;

3° Le prieuré de la Madeleine d'Iff, dans la forêt du Gavre ;

4° Le prieuré du Porteau en Sainte-Marie de Pornic ;

5° L'aumônerie de Saint-Julien en chapellenie de Saint-Jacques de Burelles en Bouin.

Une visite à chacun de ces établissements apportera de la variété dans nos excursions à travers ce pays.

 

Le Prieuré de l'Angle-Chaillou en Saint-Félix.

Le prieuré de « L'Angle-Chaillou » ou « Lanchaillou », était situé dans la paroisse de Saint-Donatien, au-delà de l'Erdre. Dans son registre de visite, en 1686, l'archidiacre Binet dit qu'il est « à une lieue du bourg de Saint-Donatien, et à pareille distance de Nantes et de la Chapelle-sur-Erdre ». Il a donné naissance au village de Lanchaillou, actuellement en Saint-Félix, un peu avant le viaduc de la Verrière.

Autrefois tout ce quartier était désigné sous le nom de « l'Angle ». Des documents du XIIème et du XIIIème siècle l'appellent « l'Angle près du Cens » et « l'Angle au-delà de l'Erdre » : terram de Angulo juxta Auxenciam Angulum praeter Herdam.

C'est ainsi que, dans la première moitié du XIIème siècle, Robert, abbé de Toussaints d'Angers, accorde à Brice, évêque de Nantes, sa vie durant, « la terre de l'Angle, sur l'Auxence », terre sur laquelle se trouve actuellement le village de la Madeleine près le pont du Cens sur la droite, en se rendant de la chapelle de Notre-Dame de Lourdes à l'Angle Chaillou.

Il semble que, par ce nom, on a voulu désigner l'angle de terre formé par le Cens et l'Erdre. C'est ainsi que, sur un autre point du département, on a donné le nom de « Coin » à une pointe de terre formée par deux autres rivières, la Sèvre et la Maine. Saint-Fiacre s'appelait autrefois « Saint-Hilaire du Coin » ; et le nom de « Coin » est toujours porté par la terre située au confluent de ces deux cours d'eau.

C'est peut-être d'une situation analogue que tirait son nom « l'Angle » qui souriait à Horace plus que toute autre terre.

Ille terrarum mihi praeter omnes - Angulus videt.

De nos jours, par une dérivation du sens des anciens mots, on a des « coins de terre » qui sont ronds, carrés, etc., et tout autre chose que des coins, et dont on ne songera jamais à dire qu'ils s'enfoncent dans les terres voisines comme un coin.

C'est ce nom de l'Angle qui a donné naissance au nom de « Lanchaillou ». A l'origine, le prieuré empruntant son nom au quartier, s'appelait simplement « le prieuré de l'Angle ». En 1197, le plus ancien de ses prieurs connus signait « Daniel, prieur de l'Angle ». En 1300, un de ses successeurs, Bernard Oger, se dit « prieur de l'Angle Chaillou » prior de Angulo Chailloti. Cette forme se conserve dans sa pureté, dans le courant du XVème siècle ; mais, à la fin du XVème, frère Jehan Pouher, se dit prieur de « Lanchaillo » ou « Lanchallo », et, en 1517, un acte mentionne Jehan Chevreul, prieur du prieuré ou groupe de Sainte Katherine « de Lanchaillou ».

D'où venait ce nom de « chaillou » qui a fini par entrer dans le nom du prieuré, au point de le déformer complètement ?

Il n'est pas inutile de faire remarquer que, autrefois, dans notre pays, le mot de « caillou » s'écrivait et se prononçait « chaillou ». En 1516, lors de la réforme du rôle de Port-Lambert, par Jehan du Lix, sénéchal de la dite cour, le sénéchal fut très mal reçu à la Regnaudière, par Martin Main, qui après toute une litanie de jurons : « par la chair Dieu, par la mort Dieu », et après avoir très irrespectueusement traité l'abbé de Blanche-Couronne de « méchant et de larron », empêcha ledit sénéchal et son greffier d'entrer chez lui, en lui lançant par les fenêtres « de grosses pierres de challotz ».

En écrivant « chaillot », prononcez « caillou » et vous aurez la traduction du mot challoti accolé au nom de l'Angle dans le document de 1300 cité plus haut.

Les mots Angulus Chailloti peuvent donc se traduire littéralement par « l'Angle du Caillou ». Or, ce mot de Caillou a parfois désigné un monument mégalithique, et l'on a eu aussi le « Gros Caillou », hospice du Gros Caillou ; par suite, on peut se demander si le nom de « Lanchaillou » n'est pas le dernier souvenir d'un monument de ce genre que les siècles et les hommes ont fini par anéantir.

La perte des plus anciens titres de Blanche-Couronne ne permet pas de savoir comment la terre de l'Angle est venue en la possession de l'abbaye. Ce n'est qu'incidemment par la mention, dans une de ses chartes, de Daniel, prieur de l'Angle, Daniele priore de Angulo, que nous voyons qu'elle possédait ce prieuré en 1197.

Antérieurement à cette date, Maurice qui était évêque de Nantes depuis 1185, atteste un arrangement passé avec l'abbé de Blanche-Couronne, au sujet du tiers du moulin de la Verrière, qui avait été donné, par Raoul Rabin, à Dieu et aux chapelains de Saint-Donatien et Saint-Rogatien.

Vu la proximité du moulin de la Verrière et de Langle Chaillou, il est tout naturel de supposer que cet acte regarde notre prieuré.

L'abbé Travers a vu la fondation du prieuré de Lanchaillou dans une donation faite en 1076 par l'évêque Quiriac à l'abbaye de Quimperlé. L'acte relatif à cette donation mentionne une terre, « située sur le ruisseau de l'Auxence (aujourd'hui " le Cens ") de l'autre côté de " Losquidic " ». « Cette donation, ajoute Travers, a formé le prieuré de Langchaillou, dépendant de Blanche-Couronne ».

Il y a là une erreur qui, reproduite par Ogée dans son Dictionnaire de Bretagne, puis, d'après lui, par plusieurs autres auteurs, s'est répercutée jusqu'à nos jours. Cet acte regarde le Petit-Port et non l'Angle-Chaillou ; mais c'est là une tout autre histoire qui, si nous l'entamions, nous détournerait trop de notre sujet. Bornons-nous à faire remarquer, une fois de plus, combien Ogée a joué de mauvais tours à ceux qui le copient trop servilement. Il y aurait tout un volume de rectifications à faire, si l'on voulait relever toutes les erreurs qu'il a introduites dans notre histoire et que des auteurs contemporains ont remises et remettent encore tous les jours en circulation. Il est regrettable que, lors de la réédition du Dictionnaire d'Ogée, si précieux à beaucoup de titres, cet ouvrage n'ait pas été échenillé de toutes ses erreurs.

En 1225, le prieuré de l'Angle-Chaillou possédait des vignes situées dans le fief de Pierre de Loas et de Bernard Boterel, au Port-Lambert. D'après un arrangement à l'amiable, l'abbé de Blanche-Couronne jouira désormais de ces vignes, à condition de payer à Pierre de Loas et à Bernard Boterel, ou sur leur ordre, une rente de deux sous à Noël.

Ces vignes n'étaient pas les seules que l'on voyait alors dans cette banlieue actuelle de Nantes. Dès le XIème siècle la vigne était cultivée aux environs de Loquidic ; et le Fontaine des Quarts, les Quarts de Barbin, le Moulin des Quarts et plus bas la Carterie, rappellent que, dès cette époque, les vignes à quart étaient en usage au pays Nantais.

En 1258, le prieuré de Langchaillou fut augmenté d'une donation importante. Simon de Er, fils et héritier d'autre Simon de Er, chevalier, abandonna à Blanche-Couronne son fief de la Poterie, situé entre le Pont du Cens et le Port-Lambert. Il exceptait de cette donation le fief de Daniel Le Vyr, et la métairie de la Poterie sur laquelle il assignait cependant aux religieux une rente de 10 sous payable à l'Ascension.

En 1308, les moines obtinrent du duc Jean IV, pour le prieuré de Langle-Chaillou « garanne deffansible de conniz, lièvres, faisans et perdrix » à avoir en leur tenement appelé la Gaudinaiz, en leurs fiefs de la Poterie tenus en la paroisse de Saint-Donatien, entre le fleuve « d'Erdre » d'une part et le chemin par où l'on va de la ville de Nantes à « Hihiric » (Héric), d'autre, et au bois des Moines.

Par suite de ces différentes donations, l'abbaye rendait aveu au duc de Bretagne, puis plus tard au roi de France pour le prieuré et pour ses fiefs d'Er et de la Poterie.

D'après un pouillé du XVIIIème siècle, le prieuré de l'Angle-Chaillou aurait eu autrefois saint Pierre pour patron. Nous n'avons jamais rien rencontré en faveur de cette opinion. Nous savons au contraire que, depuis très longtemps, il était dédié à sainte Catherine. Des titres de 1508, de 1517 et de 1644 la qualifient de « grange ou prieuré de Sainte-Catherine de Lan­chaillou ». Ses armes étaient « d'argent à une roue de Sainte-Catherine d'azur ». On voit qu'elles n'ont rien de commun avec celles de Briçonnet, dont nous avons parlé plus haut.

La chapelle, construite au XVème siècle, existe encore, transformée en cellier. En 1686 son état était loin d'être satisfaisant. L'archidiacre Binet, après avoir constaté qu'elle est grande, ajoute : « Nous l'avons trouvée sale et malpropre et sans carreaux, à l'exception de cinq pieds de large à l'endroit de l'autel ; la couverture et charpente en passable estat, sy elle estoit lambrissée ; et avons veu qu'il y a plusieurs lozanges cassées dans le peu qu'il y a de vitrage ; que l'autel est garni d'un fort vieil tableau, d'une image en bosse de sainte Catherine fort mal faite, d'un vieil crucifix de carte, aussi en bosse ». On y disait alors une messe par semaine : le prieuré était affermé 500 livres.

Le prieuré fut desservi par des moines de Blanche-Couronne jusqu'au commencement du XVIème siècle. A la suite du concordat de François Ier, de 1527 à 1650 environ, il fut possédé par les prieurs commendataires. Il fut uni à l'abbaye de la Chaume, à Machecoul, de 1650 à 1660, et possédé par des bénédictins de cette abbaye jusqu'à la Révolution.

Au temps où il était desservi par des moines de Blanche-Couronne, le prieur était tenu, comme le rappelle un aveu de 1469, « d'estre ès festes solennelles de chascun an audit lieu de Blanche-Couronne pour aider à faire le service scavoir, à Noël, à Pasques, à la Pentecoste, à l'Assomption de Nostre-Dame et ès fois et quantes qu'il sera mandé ».

De plus, il devait les dîners de la vigile de Pâques et du jour de Pâques audit lieu de Blanche-Couronne.

Les prieurs commendataires cherchèrent à s'affranchir de toutes ces charges, sans y réussir complètement. Dans une ferme du prieuré, faite en 1757, pour la somme de 700 fr., il est rappelé qu'il était dû à l'abbaye 10 livres pour le dîner du lundi de Pâques, et deux boisseaux de châtaignes. Cette dernière contribution témoigne de l'antiquité de la culture du châtaignier dans tout ce pays.

Le temporel du prieuré comprenait autrefois la maison principale, le fief d'Er et le manoir, ainsi que le fief de Port-Lambert. La description détaillée de ces différents biens, donnée par des aveux qui vont du XVème au XVIIIème siècle, prouve que, dès le quinzième siècle, tout ce quartier avait déjà sa physionomie actuelle. On y rencontrait les mêmes villages, les mêmes noms de famille, les mêmes productions.

Dans ces différents aveux rendus au duc de Bretagne puis au roi, les abbés de Blanche-Couronne et les prieurs de l'Angle-Chaillou mentionnent d'abord :

« Les prieuré, maison et domaine de Langle Chaillou, avec les jardins, terres arables et non arables, prés, marais, vignes, bois, landes, frosts, communes, sis entre le ruisseau de Mesnardet, les landes de la Verrière, les deffais Aubaut, le village de la Mesnardaye, le domaine de la Gérauldière et le maris de Rablaye, d'une et autre parties : le tout contenant douze vingt (240) journaux de terre, ou environ.

Une pièce de terre en lande froste, nommée la lande du Mortier au Moine, sise en lad paroisse de Saint-Donatien, entre le chemin par lequel on va du pont de Auczence à Grand Champ, et le chemin par lequel on va dudit pont à N.-D. des Dons, ainsi que lad. pièce se poursuit, et est entourée de fossés, contenant 15 journaux de terre ou environ.

Des rentes sur les Davy, Garnier, Roucher, Aubaux, Mauvoisin, Bezeac, Gaedon, Pouhaton, Nozay, Guymar, Vallé, Briaud dit Ragot, Gadaes, Linger, Quenouast, Mahé, Dain, sur la Noe, la Censive, la Grande Tousche de Basle, la Close, les Fresches Blancs, la Barbouere, les Landes, les Garnier du village de la Chevalerie, et le village des Haies ».

Avec le prieuré et son domaine, nos aveux mentionnent en second lieu le fief d'Er.

Ce fief tirait son nom de Simon de Er, qui l'avait donné à l'abbaye en 1258. Ce Simon, fils d'un autre Simon de Er, semble avoir été seigneur de l'île de Her, en Donges. La terre qu'il donna à Blanche-Couronne s'appelait « la Poterie » et s'étendait entre le pont d'Auxence et le Port Lambert. Elle continua pendant quelque temps à être désignée sous le nom de « la Poterie ». On trouve encore ce nom dans la lettre du duc Jean IV en 1398 et dans un titre de la fin du XVème siècle. Mais le nom de « Fyé d'Er » finit par l'emporter, et c'est ce nom que les abbés emploient dans leurs aveux rendus au roi en 1458 et plus tard.

D'après ces différents aveux, le fief d'Er comprend la Nilière, la Rivière, la Censive, la Renaudière, le Baud, et les terres situées entre le chemin par où l'on va du pont du Cens à la Houssaye, le prieuré de l'Angle-Chaillou, la métairie de la Bérangeraie et la rivière de Gevre, qui descend du moulin de la Verrière dans l'Erdre. Le nom de « le Baud », porté actuellement par un de ces villages est une altération de « Auvaut », nom d'une famille établie sur le fief de la Poterie. On disait au XVème siècle « les defais Aubaut », un titre qui en rappelle un plus ancien mentionné à propos d'une rente, « les Aubaux sur le fié de la Poterie, à présent Poncet du Dreseuc et Marguerite Brecel, sa compagne ».

Enfin, en troisième lieu, nos aveux mentionnent encore au XVème siècle :

« Un manoir avec ses jardin et appartenances, nommé le Port Lambert, contenant tant en maison, court et jardin, ainsi qu'ils sont clos et cernés de murs, 2 journaux de terre environ.

Un clos de vigne nommé les vignes du Port Lambert, contenant 160 hommées de vigne, ou environ, sises " entre la ripvière d'Herdre, le chemin de Basle, le fyé de la Verrière et le chemin par lequel l'on va dudit manoir au Port Lambert ".

Item garenne defensable " es metes d'environ led. herbregement... entre la boyre d'Auczence et le boais de Auczence, la Berrangeraie, le tenement de la Jonnelière et la ripviere d'Herdre " ; ainsi que des rentes sur missire Jehan Chauvin, par cause de sa métairie de la Chauvinière ; Jehan Derval, pour partie de sa métairie de la Barangeraye ; Jeh. Brient, dit Bagot, G. Garnier, Liger, Aubaut et leurs consorts sur leurs tenues ».

Voici quelles étaient, en 1563, les rentes en juridiction dues à Blanche-Couronne par les hommes et sujets dudit lieu de Port-Lambert en fief amorti :

« Me Ollivier, Anne et Ysabeau de la Bouexière, enfants et héritiers de feu Me Allain de la Bouexière, sur et par cause dud. lieu, terre et métairie de la Chavinière, aultreffois appelée la Phelippière, qui fut à Me Jehan Chauvin , 60 s.

Lesd. de la Bouexière, par cause et lieu de la ripvière, 22 s. 8 d.

Lesd. de la Bouexière, sur " le clos aux Aigneaux " qui est des appartenances dudit lieu de la Berrangeraie, à présent la Bouexière, 5 s.

Les mêmes sur le pré de la Bouere, près de la Ripvière, 2 s. 4 d.

Martin Main et Antoinete Conan, sa femme, sur le lieu de la Regnaudière, 3 s.

Item lesd. Main et sa femme, sur la Nylière, 26 s.

Poncet du Dreseue, écuyer, sieur d'Escoublac et de Lesnerac, garde naturel de ses enfants de son mariage avec défunts Marguerite Brecel, sa compagne, sur le lieu et métairie du Tertre, 66 s.

Gillette de Peillac, veuve Robert Main, tutrice de Catherine et Jeanne les Mains, ses filles, à présent Michel Charron, sur le lieu et terrement du Baud, 4 l. 10 s.

Guill. Brient, dit Brioche, 13 s. 4 d.

Yvon Le Gay, sur la tenue de la Noue, autrefois appelée la tenue Bauledet, 3 s.

J. Linger, J. Bouschart, J. Millonnière et consorts, sur la Censive, 7 s. 1 d., sur l'Oislinière, 12 s. ».

Le Port-Lambert appartint à Blanche-Couronne jusque dans la seconde moitié du XVIème siècle. En 1563, le Parlement de Paris décréta l'aliénation de 1.000.000 écus de rente du domaine ecclésiastique. Les lettres patentes relatives à cette aliénation, publiées le 17 août, furent enregistrées le 4 juin à la Chambre des Comptes de Bretagne. Pour leur exécution, l'audience de la sénéchaussée se tint le 19 juillet à Carquefou « pour raison de contagion et maladie de la peste qui lors étaient en la ville de Nantes ».

Chaque établissement ecclésiastique ayant été taxé pour la réalisation de cette somme importante, Blanche-Couronne fut mis dans la nécessité d'aliéner le Port Lambert. L'abbé de Blanche-Couronne réclama inutilement, en disant que la valeur de cette terre excédait « le quart du temporel de l'abbaye, joint les aliénations déjà faites ». Malgré ses observations, le sénéchal Guillaume Lemaire, sur l'offre de maître Charles Pesteul, qui voulait acquérir Port Lambert, mit ce bien en vente. Afin d'évaluer à sa plus juste valeur, on procéda à son prisage et gaulage, pour lesquels on eut recours à nobles gens François de Caderan, écuier, sieur du Plessis-Tison, et Maître Jehan Pineau, écuier, sieur de Belle-Rivière, notaire royal, et Jehan Fellardin, sieur du Port-Garnier, aussi notaire royal.

Le revenu total de la terre fut estimé à 61 livres 15 sols. « revenant à rachat à raison du denier 25, à 1.694 l. 7 s. 6 d. ». Charles Pesteul porta une enchère de 6 l. Son enchère fut bannie à la porte principale de l'église Saint-Donatien, église paroissiale de Port Lambert, et aux Changes de Nantes. On afficha l'acte à la porte de Saint-Donatien, à celle du manoir épiscopal de Nantes, à celle du Bouffay, lieu tribunal de la Cour de Nantes et au poteau planté aux Changes.

L'abbé de Blanche-Couronne essaya encore de sauver son bien en disant que les vignes qu'on allait vendre produisaient le vin de ses religieux.

La vente n'en eut pas moins lieu le 28 décembre 1563. Il y eut à renchérir les uns sur les autres, maître Jehan Rouxeau, André Ruys et maître Jehan Jalyer. Enfin, la terre fut adjugée à Matthieu André, avocat en la Court du Parlement, sieur de Champeaux. La première évaluation avait été de 1.694 l. 7 s. 6 d., les enchères successives furent de 86 l. et le sieur de Champeaux eut Port-Lambert, ses vignes et sa juridiction pour 1.780 l. 7 s. 6 d.

Dans le prisage qui fut fait de Port-Lambert, il est question « d'un grand clos de vigne qui est en vigne blanche contenant 59 quartiers un tiers. Chaque quartier prisé 9 sous tournois », et « du clos de l'Escharserie qui est en vigne rouge contenant 19 quartiers de vigne rouge, prisé chaque quartier 12 sous tournois ».

L'abbé de Blanche-Couronne tenait à ces clos, qui lui fournissaient « le vin de ses moines ». C'est sans doute en conséquence de cette vente que, plus tard, un visiteur de l'abbaye déclarait qu'elle était obligée d'acheter son vin. Mais on voit que primitivement, par une sage prévoyance, elle avait pris toutes ses dispositions pour tirer de ses terres tout ce qui était nécessaire à sa consommation.

Les différents titres que nous venons de citer permettent de constater dès le XVème siècle, l'existence de presque tous les villages groupés autour de l'Angle-Chaillou. La plupart de ces villages prirent toujours leur nom ancien. Deux, cependant, l'ont changé pour un autre. Ainsi, la Boissière s'appelait autrefois la Bérangeraie. Elle doit son nom actuel à Alain de la Bouexière, qui la possédait au XVIème siècle.

De même, la Chauvinière, précédemment « la Phélippière », tient son nom de messire Jehan Chauvin, parent de Guillaume Chauvin, la victime de Pierre Landais, et qui fut recteur de Saint-Père-en-Rais, de Sainte-Croix, l'un des principaux fondateurs de l'ancienne confrérie du Saint-Sacrement, et chanoine de la cathédrale de 1453 à 1477, date de sa mort.

Puisque nous parlons de la Chauvinière, signalons-y l'existence d'un très intéressant sarcophage quadrangulaire, en granit, qui se trouvait autrefois dans la cour de l'Evêché démoli en 1911. Il est singulier que l'entrepreneur de cette démolition ait pu vendre un objet d'un intérêt public et dont la place était dans un musée départemental.

 

Prieuré de Saint-Hilaire-du-Tertre en Lavau.

Le prieuré du Tertre était situé dans la paroisse de Lavau sur une élévation qui regardait la Loire. Il était dédié à saint Hilaire de Poitiers. En 1516, Me Robert du Chesne était prieur de « Saint-Hilaire-du-Tertre ». Dans la suite certains documents désignent ce bénéfice sous le titre de « prieuré ou grange de Saint-Hilaire-du-Tertre », « prioratus seu grangia divi Hilarii de Clivo, alias du Tertre ».

Ce mot de « grange » appliqué à ce prieuré, comme à celui de l'Angle­Chaillou, est une indication persistante de leur origine agricole. Nul doute que c'est à ces prieurés que convient l'expression de « granges » que nous avons signalée dans la bulle de Grégoire IX, en 1239.

Les titres de fondation de ce prieuré ont disparu. Son plus ancien prieur connu, Jean André, « prior de Tertro », vivait en 1390. Mais le prieuré a dû être fondé au XIIème siècle, par les générosités des seigneurs de Lavau. Le cartulaire de Blanche-Couronne renferme des donations faites à l'abbaye en 1201, par Alain, seigneur de Lavau, et en 1218 et en 1222 par Pierre de Lavau, fils d'Alain.

Le nom d'un de ces seigneurs a survécu dans celui d'un pré qui dépendait, autrefois du prieuré. Les aveux qui le concernent mentionnent souvent le « Dalen » ou « Dalan », sans autre indication. D'autres actes, plus anciens, désignent cette terre sous le nom de « pré Dalain ou censive Dalain ». Il suffit d'une apostrophe pour avoir l'explication de ce nom dont l'étymologie est obscurcie dans sa forme actuelle. Le « Dalain » autrefois « le pré Dalain », ou mieux « le pré d'Alain », est un pré qui a été donné au XIIIème siècle à Blanche-Couronne, par Alan, seigneur de Lavau.

Il est à croire que, à l'origine, le prieuré relevait des seigneurs de Lavau. Une très ancienne énumération des possessions de Blanche-Couronne, avec indication des seigneurs de qui elles étaient tenues, attribue à « Rohan » la mouvance « de la tenue du prieuré et grange du Tertre, tenue en fyé d'église, et à devoir de prières et oraisons ».

Cependant, en 1469, l'abbé de Blanche-Couronne déclare tenir ce prieuré du duc de Bretagne, et, dans la suite, ses successeurs, ainsi que les prieurs du Tertre, en font hommage au roi.

Il dut y avoir ici, comme dans certains autres cas, empiètement du pouvoir royal sur des seigneurs particuliers ; aussi en 1582, le vicomte de Rohan, baron de Blain, revendiquait-il la mouvance du prieuré du Tertre, à cause de sa seigneurie de la Haie-de-Lavau.

Les différents aveux rendus pour le prieuré depuis le XVème siècle, en déterminent minutieusement les dépendances et les revenus situés dans les paroisses de Lavau, Bouée et Savenay. Entre autres biens, ces aveux énuméraient :

« La chapelle, maison priorale, grange, taitries, jardin, cours et pourpris dudit prieuré du Tertre, situé en la paroisse de Lavau, confronté des deux côtés la prée et domaine dud. prieuré et d'autre côté la rivière de Loire.

Item, la prée et enclos dud. prieuré, le tout en un tenant cernoyé de ses douves et fossés, dans lequel sont situés lesd. chapelle, maisons et pourpris ci-devant déclarés, borné, d'un bout, lad. rivière de Loire, d'autre bout, en partie, les prés de la Couette et pré clos dépendant desd. prieuré et domaine, partie, d'un côté, le grand étier de Lisy, dépendant dud. prieuré au droit d'icelui, d'autre côté, la prée de Rohard appelée les Guerinais et vallée du Bois.

Item une pièce appelée " le Dallain ", bornée d'un côté au patureau enclos, appartenant au sgr de Sesmaisons, et du Chastellier, et d'autre côté, pré des Petites Bondres, et des deux bouts, les petits communs, dont jouissent à présent les paroissiens dudit Lavau.

Item la pièce de pré appelée " Teste de Porc ", située dans la prée de Rohard bornée vers orient les douves et fossés dud. enclos du prieuré du Tertre, d'autre bout une pièce de pré dépendant de la chapellenie du Crapiaud ».

Avec ces biens, signalons encore, en 1627, plusieurs « andains » dans la prée de Billac, le clos de vigne au Moine planté en vigne rouge près la vigne de la Roche au seigneur du Chastelier, sur le chemin qui conduit de la croix du Margat au village de Couesbas ; les clos de vigne du Désert, de Chippes, de la Carrée, de la Pierre, près le village de la Basilais et de la gaignerie des Chateaux, d'autres clos appelés les Nouelles et les Chaudronelles près du clos de Margat ; la vigne de la Cleimère en Douée sur le grand chemin qui conduit de Cordenais à Savenay ; la grande vigne de la Douais, au village de la Douais ; la vigne du Fresche roux, la vigne des Blandins ; la dîme sur la vigne blanche de maître Jean Magouet, s. de la Bazillaie ; les grandes vignes de Gloulay, en vigne rouge ; des dîmes sur les villages de la Mainguaye, du Vivier, de l'Angelleraie et de Dongeais en la frairie de Gloulay, de la Boucheraie, de la Cheminaie, de la Porte, de la Bimboire, etc.

Ainsi que le prieur de l'Angle-Chaillou, le prieur du Tertre devait le dîner des religieux de Blanche-Couronne à certains jours de fête ; jours qui pour lui étaient la vigile et le jour de l'Assomption. Toutefois, dans cette circonstance, le prieur n'était pas tenu de fournir le pain ni le vin.

Si l'on n'avait pour connaître cette redevance, que l'aveu rendu en 1563, par l'abbé François de Gaignon on serait bien en peine pour en connaître la nature. Dans cet aveu, en effet, il est dit que « ledit prieur du Tertre doit audit abbé à disner les villages de la Sonction de Nostre Dame ». Au lieu de « vigile de l'Assomption », le scribe a lu et écrit « les villages de la Sonction ». C'est ainsi que, parfois, il arrive que des copistes maladroits « Aux Saumaizes futurs préparent des tortures ».

Aussi, quand un acte copié renferme des choses qui n'ont pas de sens, au lieu d'en faire un reproche à celui qui a rédigé l'acte, doit-on se borner à accuser celui qui l'a copié.

Le prieur du Tertre devait également, comme celui de l'Angle-Chaillou, se rendre à l'abbaye pour y aider à faire le service religieux aux grandes fêtes, savoir « à Pâques, à l'Ascension, à la Pentecôte, à l'Assomption de Notre-Dame, à la fête de Toussaint, à Noël, et quand il lui sera fait savoir de par l'abbé ou son vicaire ».

D'après l'aveu de 1460 et ceux du XVIème siècle, c'était là pour le prieur du Tertre « un devoir ». Dans l'aveu de 1627, ce devoir est devenu « un droit ». « Le prieur, en effet, lisons-nous dans ce dernier, a droit de dire et célébrer la grand'messe, vêpres et matines au grand autel de l'abbaye de Blanche-Couronne, chantant et répondant les religieux d'icelle, chacune des quatre fêtes solennelles de l'an, et doit y être nourri toute la journée chacune des dites fêtes, avec son homme qui l'accompagne ».

On peut voir ici comment les coutumes à la longue se déforment. Il est invraisemblable que, à l'origine, lorsque l'abbé de Blanche-Couronne résidait dans son abbaye, il ait laissé à l'un de ses moines l'honneur d'officier aux plus grandes fêtes de l'année, fêtes dont la solennité appelait avant tout un office pontifical. Il est à croire que, à cette époque lointaine, le prieur du Tertre, résidant en temps ordinaire à son prieuré ou grange du Tertre, se rendait à l'abbaye pour ces cérémonies qui réclamaient son concours. Quand l'abbaye, tombée en commende, eut cessé de voir ses abbés officier aux grandes fêtes, le prieur du Tertre voisin de l'abbaye, et que sa qualité tirait du commun des religieux aura été invité à remplacer l'abbé absent.

C'est ainsi que ce qui était autrefois un devoir, une obligation imposée par un supérieur à un inférieur, sera devenu, pour le prieur du Tertre, un droit qu'il est fier de revendiquer dans son aveu de 1627.

En plus de ces obligations, le prieur du Tertre devait chaque année, à l'abbaye de Blanche-Couronne, la somme de 20 l. monnaie de Bretagne, 24 trullées de fèves et 114 livres de beurre. Le beurre était pour les besoins du couvent, les fèves étaient destinées à une aumône. Chaque année, au « Jeudi absolu » ou jeudi saint, elles étaient distribuées « à toutes les personnes qui se rencontraient dans ladite abbaye, laquelle aumône et donnée, dit un titre de 1644, s'appele vulgairement les fèves du prieuré du Tertre ».

En 1644 par un accord conclu le 6 mars entre René Piré, sieur de l'Estang, prieur commendataire du Tertre et Claude de Cornulier, abbé de Blanche-Couronne, ces diverses rentes en nature furent remplacées par une autre en argent de 120 l. par an

 Ces redevances qui rappelaient le temps où le prieuré du Tertre était comme une colonie de l'abbaye, furent servies fidèlement tant que le prieur fut pris parmi les moines de Blanche-Couronne ; mais, quand le prieuré fut tombé en commende, le prieur, qu'aucun lien ne rattachait à l'abbaye, voulut jouir intégralement de ses revenus.

C'est ainsi que dans la seconde moitié du XVIIème siècle, le prieur, Jean-Baptiste de Cornulier, voulut se dégager de cette obligation. Mais les Bénédictins de la Congrégation de Saint-Maur avaient été introduits dans l'abbaye par l'abbé Claude de Cornulier, qui, par le Concordat du 28 juin 1652, leur avait transféré, pour leur entretien, les droits de Blanche-Couronne sur le prieuré du Tertre. Ils engagèrent un procès pour la conservation de leurs droits.

Pour le soutien de cette cause, ils consultèrent le célèbre juriste breton Hévin. Les archives de Blanche-Couronne ont conservé sa consultation autographe et signée. En voici un extrait :

« Le soussigné est d'advis que lesd. religieux sont bien fondés à demander la continuation de lad. rente, car tant s'en faut que telle charge sur un prieuré, membre de la mesme Abbaye, soit extraordinaire, elle est naturelle et fondée en raison et justice. En effet, tous les prieurés dépendant des Abbayes ne sont, dans leur origine, que des administrations de biens qui, par leur éloignement, ne pouvoient estre commodément régis avec ceux du chef ; pour raison de quoy, on leur envoyait des religieux obédientiers faire la récolte au profit de la mense commune de l'Abbaye, et, à cause de cela, tels prieurés sont appellés, dans les titres et autheurs des onzième et douzième siècles, " cellae " et " grangiae ". Quand, par succession de temps, on y a mis des religieux résidents, et converty telles administrations en titres, ç'a esté ordinairement à la charge de contribuer aux besoins de l'Abbaye, et avec rétention des revenus applicables aux besoins du chef, et à la mense abbatiale. Ainsy tels revenus et prestations retenus sur les prieurés sont légitimes, ordinaires et favorables.

La preuve de cette rétention est suffisamment prouvée par les adveux de 1469, 1450 et 1675, et la contestation de la part du prieur contre les titres, la possession et la reconnaissance de ses prédécesseurs prieurs est injuste et odieuse ».

Suivent quelques autres explications, après lesquelles la consultation se termine ainsi : « Délibéré à Rennes, le 28 décembre 1684, [Signé] Hévin ».

Jean-Baptiste de Cornulier ayant résigné son prieuré en faveur de son cousin Claude de Cornulier, fils de Jean-Baptiste de Cornulier, président de la Chambre des Comptes, le nouveau prieur continua le procès engagé contre les religieux. Mais sa cause était mauvaise. Il fut condamné à payer la rente de 120 livres à Blanche-Couronne, par sentence du Présidial de Nantes du 10 juillet 1683. Il voulut en rappeler, et utiliser en sa faveur le crédit de son père. Mais ce dernier, désespérant du succès de la cause, résolut de terminer le différend par une transaction. De son château de Vair (en Anetz), il en écrivit à D. Julien Raguideau, visiteur de la Congrégation de Saint-Maur, en Bretagne, ainsi qu'au prieur de Blanche-Couronne. Enfin, le 21 janvier 1688, intervint, entre les parties, un accord par lequel messire Jean-Baptiste de Cornulier, chevalier, seigneur de Bois-Maquiau, conseiller du Roi et président de sa Chambre des Comptes, agissant pour messire Claude de Cornulier, son fils, titulaire du prieuré du Tertre, et Jean-Baptiste de Cornulier, seigneur du Pesle, prédécesseur de ce dernier, s'engageaient à payer les 120 livres de rente dues sur ledit prieuré.

Le dossier de cette affaire renferme deux lettres autographes signées du président de Cornulier et cachetées de ses armes, datées de Vair 1687, ainsi qu'une lettre de D. Julien Raguideau, datée de Redon, 25 août 1687, et cachetée d'un sceau ovale plaqué, représentant une couronne d'épines entourant le mot PAX, accompagné en chef d'une fleur de lys, en pointe, de trois clous, avec légende en capitales romaines : SIG. VISIT. PROVINCIAE BRITANNIAE CONG. S. MAVRI.

« Sceau du visiteur de la province de Bretagne de la Congrégation de Saint-Maur ».

Le prieur du Tertre, à raison de son prieuré situé sur la Loire, avait droit « de pêcher dans la rivière de Loire, vis-à-vis et à l'endroit du principal manoir et pièce enclose dudit prieuré, en l'étier d'Icy : ensemble, droit de fuie et autres refuges à pigeons, garennes défensables, droit de chasse à tous gibiers, droits de tirerie et tous autres droits et privilèges à lui permis ». Il percevait aussi une rente de froment sur le prieuré de Rohard, prieuré voisin qui dépendait de l'Abbaye de Pornic et était dédié à sainte Anne.

Ces deux prieurés ont été parfois mis en un seul. En reprenant Ogée qui place le prieuré de Rohard en Lavau, son annotateur écrit : « Le prieuré de Rohars dont parle notre auteur, n'est point en Lavau mais en Roué (sic). On voit les ruines de ce couvent dans une prairie nommée le Tertre, et située à 500 mètres à l'ouest du village qui a gardé le nom de la Ville-de-Rohars ».

Nous ferons remarquer à l'auteur de ces lignes que le prieuré du Tertre était en Lavau et celui de Rohard, en Bouée. La prairie du Tertre doit son nom au premier et la prairie de Rohard doit le sien au second.

De 1605 à 1612, le prieuré du Tertre fut affermé 600 livres par an. En 1669, le 28 avril, il était affermé à Me Gilles de Launay, sieur de la Pinelière, en Vigneux, comme en jouissait Me Jean Jaunnay, sieur de la Bouquinaye, dernier fermier, à la charge de faire dire eux messes par semaine dans les paroisses voisines, et de payer 500 livres de décimes et 120 livres à l'abbaye de Blanche-Couronne. Le prix de la ferme était de 850 livres. En 1707, il était de 860 livres. En 1669 le service religieux ne se faisait plus au prieuré, mais dans les églises voisines, « d'autant que la chapelle est polluée, il y a plus de cent ans ».

D'après un aveu de 1678, la chapelle n'était pas seule à être dans un état lamentable. Tous les bâtiments ne présentaient qu'un amas de ruines. Dans cet acte, en effet, le prieur Jean-Baptiste de Cornulier mentionne : « la chapelle, maison priorale dudit prieuré, commandataire du Tertre, situé en la paroisse de Lavau il y a longtemps tombé en ruyne par l'inondation des eaux ; estant lesdites maisons près le bord de la Loire de sorte qu'il ne reste plus que partie des vieilles murailles ».

La prise de possession du prieuré faite le 5 juin 1694 par Claude de Cornulier, clerc du diocèse de Nantes, constate une situation qui ne fait qu'empirer.

Le procureur du prieur se transporte audit lieu au Tertre accompagné de nobles gens, Julien Francois, sieur du Brossay, ancien conseil et sousmaire de Nantes et Vincent Magouet, sieur du Mont des Ornes, avocat en la Cour. Une fois arrivé ne voyant rien de ce qu'il cherche il s'enquiert « où estaient les maisons priorales dudit prieuré ». On lui dit « qu'elles estaient entièrement ruinées et qu'il n'en restoit que de vieilles masures situées sur le bord de la rivière de Loire, que le service s'en faisait et s'estoit toujours fait en l'église sucursalle de Bouée ».

Il était impossible de prendre possession du prieuré en la forme ordinaire qui demandait qu'on entrât dans la maison, qu'on y fit acte de propriétaire ou au moins, d'usufruitier. Il dut se contenter de faire « le tour desdites masures » puis se rendit en l'église de Bouée pour remplir le reste des formalités.

A quelle époque peut remonter cette destruction du prieuré du Tertre ? On l'a parfois attribuée aux Normands, mais le prieuré n'ayant pas été fondé avant le XIIème siècle n'a pu être détruit au IXème.

Les religieux de Blanche-Couronne y habitaient encore dans la première moitié du XVIème siècle. En 1521 « frère Jehan de Saint-Aubin, religieux de Blanche-Couronne et prieur du Tertre » obtint une « maintenue sur sa possession d'aller et venir dudit prieuré au bourg de Bouée ». Le titre de 1669 cité plus haut, en constatant que la chapelle ne peut plus servir depuis plus de cent ans permet de placer la ruine du prieuré dans la seconde moitié du XVIème siècle. Par ailleurs l'acte que nous avons cité nous apprend que la destruction du prieuré est due « aux inondations de la Loire », ne l'imputait pas aux Normands.

Le prieuré du Tertre eut pour titulaires des moines de Blanche-Couronne jusqu'au XVIIème siècle. Ces religieux ne manquèrent pourtant pas de compétiteurs qui réclamaient le prieuré en commende. Ainsi, en 1506 frère Pierre de Marbré qui était prieur au moins depuis 1498, fut troublé dans la jouissance de son bénéfice par Julien de la Bourdonnaye qui le fit citer en Cour de Rome. Mais le 2 août 1506, il obtint de la chancellerie de Bretagne un mandement de maintenue.

Frère Jean de Saint-Aubin, successeur de Pierre de Marbré, eut égale­ment à se défendre contre plusieurs compétiteurs. L'un d'eux, maître Robert du Chesne avait même été nommé par Jean le Goulz, « prieur claustral » et vicaire général de l'abbé Jean Briçonnet.

Le 15 décembre 1508, le pape Jules II, délégua Olivier Richard, chanoine de Nantes pour instruire la cause. Les fruits du prieuré furent saisis en 1515. Mais un arrangement intervint entre frère Jehan de Saint-Aubin et Robert du Chesne, et le 26 mai 1516, la chancellerie de Bretagne délivra à ce dernier, un « congé de mettre à exécution certaine bulle touchant certaine pension de lui obtenue sur le prieuré de Saint-Hilaire-du-Tertre ». Mais après cet arrangement, il ne semble pas que Jehan de Saint-Aubin ait joui paisiblement de son prieuré. A la date du 25 novembre 1524, les registres de la chancellerie de Bretagne mentionnent encore une « maintenue, pour frère Jehan de Saint-Aubin prieur du Tertre et de Frossay ».

Frère Jean de Saint-Aubin étant mort, Robert du Chesne fut de nouveau pourvu du prieuré. Mais en 1532 il est encore attribué à un religieux. Le 22 janvier, la chancellerie de Bretagne délivra même deux « maintenues » pour deux d'entre eux : une pour frère Pierre de la Bouexière, l'autre pour frère Jehan Le Maistre, le jeune. Puis, jusqu'au commencement du XVIIème siècle, le prieuré est possédé par des moines de l'abbaye.

A cette dernière époque il est occupé uniquement par des commendataires.

C'est d'abord Jean Biré et après lui René Biré, sieur de l'Estang, professeur royal de droit, en l'Université de Nantes. Puis le prieuré passe, pour le reste du siècle, dans la famille de Cornulier où il est possédé d'oncle en neveu, de frère en frère, de cousin en cousin.

Cette ancienne famille nantaise a fourni deux abbés à Blanche-Couronne et cinq prieurs successifs au Tertre.

Le premier a été Claude Cornulier qui, devenu abbé de Blanche-Couronne, résigna son prieuré à son neveu Jean-Baptiste. Destiné d'abord à l'état ecclésiastique, ce dernier rentra dans le siècle, se maria en 1679, rétablit le château de Lucinière dont il fit tracer les avenues par Le Nôtre, et mourut en 1720.

Il avait résigné son prieuré en 1676, en faveur de son frère, autre Jean-Baptiste, sieur du Pesle, qui lui aussi rentra dans le monde, se maria en 1685, après avoir résigné son prieuré à son cousin Claude, de la Branche du Bois-Majueau.

Claude imita ses prédécesseurs, rentra dans le monde, se maria, et résigna son prieuré à son frère, autre Claude, qui, tonsuré le 18 janvier 1693, prit possession de son bénéfice le 5 juin 1694. Ce dernier Claude devint chevalier de Saint-Lazare en 1723, il dut ne garder son prieuré que peu de temps car en 1707, le prieur du Tertre était dom Louis de Grimbert qui avait pour procureur dom Jacques Oger, moine de Blanche-Couronne.

Ces mariages de plusieurs des prieurs du Tertre étonneront peut-être quelques lecteurs ; il est bon de leur rappeler que, pour posséder un bénéfice, il suffit d'être entré dans l'état ecclésiastique, c'est-à-dire, d'avoir reçu la tonsure. Il n'est nullement nécessaire d'être prêtre, ni même d'être engagé dans les ordres majeurs, c'est-à-dire d'avoir reçu le sous-diaconat. Ce n'est qu'à partir de ce moment que le mariage est interdit aux ecclésiastiques. Jusque-là ils conservent sous ce rapport, la liberté la plus complète ; la seule conséquence pour le bénéficier, c'est que, en entrant dans le mariage, il perd sa qualité de bénéficier. C'est ainsi, que nos différents prieurs du Tertre, forcés en rentrant dans le monde de renoncer à leur bénéfice, le résignaient en faveur d'un de leurs parents.

Il est inutile de faire remarquer que ces divers prieurs étaient dans l'incapacité absolue de remplir ce qu'ils considéraient comme un devoir ou un droit important de leur prieuré. Le prieur du Tertre réclamait pour lui le privilège de chanter la grand'messe aux fêtes solennelles, à l'église de Blanche-Couronne. Dans l'impossibilité où il était de remplir cette fonction par lui-même, un prieur simple clerc, pouvait la remplir par délégation.

 

Prieuré de la Magdeleine d'If en la forêt du Gâvre.

Rien de plus varié et en même temps de plus fantaisiste que la manière dont on a écrit le nom de ce prieuré.

Comment, du XVème au XVIIème siècle, le nom de « Aiz » a-t-il pu se changer en celui de « Iff » ? Nous ne nous chargeons pas de l'expliquer. Nous nous bornons à enregistrer de nombreuses variantes sur un même thème. A ne considérer que le nom, si les documents où nous le relevons ne renfermaient pas des preuves indiscutables qu'ils concernent le même bénéfice, on pourrait se demander si chacun de ces noms ne désigne pas un bénéfice différent. Voici la série de ces formes « ondoyantes et diverses » avec les dates auxquelles nous les rencontrons : Aiz, 1433, 1471 ; – Ayz, 1483 ; – Ays, 1563 ; – Aays, 1469, 1474 ; – Aitz, 1543 ; – Aiaiz, 1503 ; – Ailz, 1545 ; – Ys, 1546, 1577 ; – Yx, 1579 ; – Aif, 1612 ; – Aiif, 1608, 1612 ; - If 1629 ; – Iff, 1600, 1612, 1615 ; – Ife, XVIIIème siècle.

Il est singulier que, dans la suite de ces déformations, on ne soit pas parvenu à des formes encore plus simples. Il est évident que Aif = F, et que Yx = X ; d'où le problème étymologique suivant : Aiz = Ailz = If = F = X.

Problème que les philologues les plus audacieux trouveront, sans doute, beaucoup plus difficile à résoudre qu'à poser.

Notons, à propos du prieuré d'Aif, que le Feuillé-Verger mentionne un prieuré « Ef, de F. », qu'il place en Guenrouet. Il s'agit sous cette dénomination, non pas de notre prieuré, mais du prieuré de « Evedet » situé, en effet, dans cette paroisse et qui dépendait de l'abbaye de Saint-Sulpice de Rennes.

Le prieuré d'If, pour nous arrêter à la dernière forme de son nom, était dédié à la Madeleine, et fut fondé dans une forêt, la forêt du Gâvre. Il y avait également dans une forêt, la forêt de Puis-Aris, en Carquefou, un prieuré dédié à la Madeleine, et nommé « la Madeleine-en-Bois ».

Les actes les plus anciens du prieuré d'If ont disparu, comme tous les actes primordiaux de Blanche-Couronne. Quelques-uns d'entre eux avaient été conservés jusqu'au milieu du XVIème siècle. Ils périrent en Loire, avec le prieur Jean Chevreul, dans une démarche qu'il faisait pour le maintien de ses droits, quelque temps avant 1545.

Parti du port de Lavau, avec ses parchemins et une certaine somme d'argent destinée à acheter du vin pour l'abbaye « Jehan Cheuvreuil, prieur du prieuré d'Ys, par fortune d'eau, périt près Aindre, en l'isle de la Roche-Battu, venant à la ville de Nantes, et deux hommes laiz (ou laïcs) avec lui ».

A la nouvelle de cet accident, frère Guillaume Viau, prieur claustral de Blanche-Couronne, envoya « un de ses religieux, nommé frère Jehan Le Goulz à Coueron, et de Coueron jusques en ceste ville de Nantes, suivant la rypve de la rivière de Loyre, pour s'enquérir partout si l'on n'avait point trouvé ledit Cheuvreul », mais toutes les démarches faites pour retrouver le corps du pauvre prieur restèrent sans succès.

La perte de tous ces titres fait qu'on ne sait rien des origines du prieuré d'If. On en ignore également la date et les auteurs de sa fondation.

Le plus ancien document qui le concerne est une lettre dans laquelle le connétable Arthur de Richemont confirme, en 1433, les droits dont le prieur jouissait dans la forêt du Gâvre. Toutefois comme, dans cet acte, il rappelle expressément que « le prieuré d'Ays a été fondé par ses prédécesseurs, seigneurs du Gâvre », on peut en conclure que le prieuré était de fondation ducale, sans pouvoir même conjecturer sous quel duc eut lieu cette fondation.

On sait, par ailleurs, que la forêt du Gâvre appartenait depuis les temps les plus anciens aux ducs de Bretagne. « En 1146, lors de la fondation de l'abbaye de Buzay, le duc Conan le Gros donne à l'abbaye nouvelle tout le bois qui lui est nécessaire dans la forêt du Gâvre ». C'est également d'un duc de Bretagne que le général anglais Chandos avait reçu le château du Gâvre, quand Olivier de Clisson après s'être écrié peu chrétiennement : « Le diable m'emporte si jamais Anglais sera mon voisin », alla démolir en partie le château que le connétable trouvait trop près de son château de Blain pour appartenir à un Anglais.

Le château du Gâvre avait été donné en apanage par le duc Jean V à son frère Arthur de Richemont, qui essayait de réparer le mal qu'y avait fait Olivier de Clisson. Arthur s'y trouvant en mars 1433, le prieur d'If, frère Raoul du Bois de la Salle, voulut profiter de sa présence et de ses bonnes dispositions, dans l'intérêt de son prieuré. C'est ainsi qu'il obtint de ce prince, le 27 mars 1433 la confirmation de divers droits dont cet établissement jouissait dans la forêt du Gâvre, et dont il continua de jouir jusqu'à la Révolution.

Le prieuré se trouvait près de la ville du Gâvre, dit un titre, à trois quarts de lieue de lad. ville, dit un autre, mais primitivement, dans la paroisse de Plessé.

Il comprenait, d'après un aveu de 1543, la chapelle où se disait une messe par semaine, le logis du prieur et autres maisons pour les gens qui faisaient valoir les terres du prieuré, et le domaine qui contenait en tout cent ou cent vingt journaux s'étendant « en la forêt du Gâvre entre le chemin qui conduit de la ville du Gâvre par le village de la Mallardaye à Plessé et à Redon, et le chemin qui conduit du village de Ville neuve au haut du Glay, les Gléons, La Noe des Pontereaux, le pont et ruisseau d'Aitz, les Forges, la Boce du Chêtellon et la Noé de Pétault, d'une et autres parties, ainsi que les domaines Choppes de vingt journaux, de Piroudel et de Merieill (ou Miraill), étant en bois, avec le domaine de Barangier, de trente journaux, limité par le ruisseau de la fontaine de Barangier entre lesdites pièces et domaines, descendant au pont d'Aitz ».

Les biens du prieuré ainsi que les droits dont il jouissait, principalement dans la forêt du Gâvre, sont énumérées dans plusieurs aveux de 1469, de 1474, de 1543, de 1563, de 1568 et de 1638.

Les droits les plus précieux du prieuré étaient ceux dont il jouissait dans la forêt du Gâvre. Dans certains titres, il est qualifié de prieuré ou de « grange ». Cette dernière dénomination et la nature de ces droits indiquent que le prieuré fut autrefois le centre d'une importante exploitation agricole, puisqu'il pouvait nourrir, en tout temps, dans la forêt, soixante bêtes d'aumaille (ou gros bétail), et cinquante porcs. En dehors de ce privilège, le prieur pouvait encore tirer de la forêt « la tonture de dix marreaux d'herbe, et le bois sec abattu, pour le chauffage de lui et de ses gens, et le bois nécessaire pour faire les charrettes et les charrues nécessaires à l'exploitation de la ferme ».

La conservation de ces droits créa de nombreux ennuis aux différents prieurs. Ils avaient été confirmés en 1433 par le connétable de Richemont, qui avait rappelé sur ce point les donations de ses prédécesseurs. Mais au milieu du XVIème siècle, les réformateurs des Eaux et Forêts leur contestèrent, de nouveau, ces droits en faveur desquels ils pouvaient alléguer une possession immémoriale, et même un titre incontestable, la confirmation d'Arthur de Richemont.

En 1546, on procéda à une nouvelle enquête qui fut favorable au prieur, et fut suivie de lettres patentes datées de Fontainebleau le 15 mars 1549, par lesquelles Henri III confirmait le prieuré dans la jouissance de ces droits dans la forêt.

Toutefois, en entérinant ces lettres à la date du 2 octobre 1550, Pierre Becdelièvre, lieutenant général des Eaux et Forêts de Bretagne, limita le droit de chauffage du prieur et de ses gens à vingt-cinq charretées de bois par an, vu l'état de la forêt, quitte à augmenter plus tard ce nombre si la forêt revenait en meilleur état.

Les droits du prieuré furent également confirmés le 1er septembre 1577, par François du Cambout, sieur dudit lieu, de Coueslin, etc., et le 21 décembre 1579, par Guillaume de Rosmadec, tous les deux réformateurs des Eaux et Forêts.

Le prieuré dut être desservi à l'origine par les religieux eux-mêmes. Mais quand leur recrutement, devenu moins facile, les empêcha d'alimenter de personnel leurs établissements éloignés, le prieur, résidant à Blanche-Couronne, afferma tout son domaine à des gens du pays.

On a ainsi deux baux passés par le prieur en 1608 et en 1613.

En 1608, le prieuré était affermé 42 livres par an. Le bailleur laissait le bétail pour l'exploitation des terres, et le preneur devait payer à la fin de sa ferme vingt boisseaux de blé, savoir trois de froment et dix-sept de seigle, mesure de Nozay, pour être quitte de ce que le prieur lui avait baillé lors de son entrée en ferme.

Dans le bail de 1613, le prieur, Frère Pierre du Temple, afferme, à Tébaud Benoist, laboureur et couvreur d'ardoises, demeurant à Villeneufve, franchise du Gâvre, les « maisons, jardins, etc. droit de pâturage, passage, posson et glandées en la forest dud. Gâvre, savoir de 80 boeufs et 40 porcs, sans en rayer aucune chose, parce que le s. prieur a réservé à lui le pâturage, chacun an de 10 boeufs et de 10 porcs... Le preneur jouira de dix marreaux de noues en lad. forest, qu'il pourra couper chascun an l'herbage y croissant, à la charge d'entretenir la chapelle et toutes les maisons et taitries en bonne réparation de couverture... et de faire célébrer le divin service chascun an en lad. chapelle qui est d'une messe par semaine, pour 51 livres.

Outre les charges ci-dessus déclarées, le prieur baillera au preneur du bétail pour 100 livres, que ce dernier rendra sans intérêt en bétail à la fin de sa ferme ; le preneur jouira du chauffage en lad. forêt comme aussi il aura du bois pour faire des charettes et charues chascun an qui sera baillé par montre ou marqué par ledit prieur. Ledit prieur laisse aussi au fermier sa moitié de bestiaux " savoir est deux boeufs de trait en poil rouge fauve, avec deux mères vaches, un torin et deux génisses, prisés 119 l. " ». L'acte est passé en la ville du Gâvre au tablier d'Olivier Pasgrimaud, notaire royal.

L'ancien prieuré d'If est devenu, depuis, la « métairie de la Madeleine, la seule maison qui soit renfermée dans l'enceinte de la forêt ». Voici ce que Richer en écrivait en 1821 :

« La métairie a été arrentée en 1780. Depuis cette époque, la petite colonie s'est accrue, et elle forme actuellement une sorte de communauté, jouissant des anciens droits des prieurs. Ces droits ont survécu à la Révolution, et ils ont été confirmés par un arrêté du Conseil de Préfecture de Nantes, en date du 3 septembre 1802. Les habitants de la Magdelaine ont, de plus que ceux du Gâvre, le droit de prendre le bois mort dans la forêt pour leur chauffage. On dit que la chapelle qui existe aujourd'hui ne date que d'environ 150 ans, cependant les vitraux de l'autel sont évidemment plus anciens. Cette chapelle, désignée pour être incendiée en 1793, a été sauvée par un pieux stratagème d'un habitant du Gâvre. Celui-ci la demanda pour y loger ses moutons, et elle ne lui fut accordée qu'après qu'il eut signé la promesse de la conserver à l'avenir à cet usage.

Le domaine de la maison de la Magdelaine est d'environ 60 hectares. L'enclavement de ce terrain dans la forêt donne lieu à des abus semblables à ceux que je vous ai signalés en parlant du bourg du Gâvre, abus contraires à l'ordonnance de 1659, et qui devraient décider le gouvernement à faire l'acquisition ce cette propriété ».

Le prieuré d'If eut pour prieurs des moines de Blanche-Couronne jusque dans la première moitié du XVIIème siècle. Toutefois en 1525, on lui trouve un prieur commendataire du nom de Guillaume Gaudin, de Grandchamp et à la mort du pauvre Frère Jehan Chevreul, qui périt d'une façon si lamentable en Loire. Me Vincent le Clenche, qui fut aussi chanoine de Nantes, prit possession « du prieuré de la B. Marie Magdeleine de Ailz », le 22 juin 1545. Dans la seconde moitié du XVIIème siècle, le prieuré eut les mêmes titulaires que le prieuré du Tertre, c'est-à-dire Pierre de Cornulier, dit l'abbé de Cornulier, maître de l'Oratoire du duc d'Orléans ; Claude de Cornulier de Bois Mequeau, qui devint président en la Chambre des Comptes, et autre Claude de Cornulier « prieur commendataire du prieuré de Sainte-Marie-Magdelaine du Gâvre, desservi en la chapelle dudit prieuré de la Magdelaine dite paroisse », qui prit possession de son prieuré en 1694.

 

Prieuré du Porteau au bourg Sainte-Marie.

On ne sait rien sur les origines de ce prieuré. Son nom ne commence à paraître qu'en 1315, sous la double forme de « Portereau » et de « Porteau », sans qualification de prieuré, et, en 1420 avec cette qualification.

Il est pourtant certain que Blanche-Couronne avait des possessions au Bourg-Sainte-Marie avant cette époque. En 1296 Clément et Aenor, sa femme, paroissiens du Bourg-Sainte-Marie, donnèrent à l'abbaye une rente de 13 sous et 4 deniers sur une vigne appelée Guytonnet, « laquelle vigile est sise au fief des dits religieux ».

Ainsi donc, nous apprenons, incidemment, que ces religieux avaient un fief à Sainte-Marie dès le XIIIème siècle. Cent ans plus tôt nous constatons qu'ils sont déjà établis dans ce quartier, loin de leur abbaye, au sud de la Loire. Dès 1190, un titre de Buzay nous révèle qu'ils ont des vignes à Prigny, et que, parmi eux, il y en avait un qui signait « Jean du Clion, moine de Blanche-Couronne, Johannes de Clione, monachus de Alba Corona ».

C'est donc dès le XIIème siècle que les religieux de Blanche-Couronne entrèrent en relations avec les environs de Pornic, et qu'ils durent fonder leur établissement du Porteau, qui semble avoir été, sur ce point du diocèse, le centre de leurs possessions.

Au commencement du XIVème siècle, le prieuré du Porteau reçut plusieurs donations. En 1308 Geffroy Rozet lui légua par testament, le tiers de ses biens, après la mort de Catherine, sa femme. En 1315, cette dernière augmenta la donation de son mari, et, pour le salut de son âme et de celles de ses parents, donna à Blanche-Couronne tous ses biens « exceptées ses conquestes », c'est-à-dire ses acquisitions, sis en la paroisse de Bourg-Sainte-Marie, « c'est à savoir au Portereau et à la Pifardière » et tout ce qu'elle attendait d'héritages dans la dite paroisse dudit Bourg-Sainte-Marie.

C'est sans doute de ce Geoffroy Rozet que l'abbaye tenait ses vignes « du fief Rouzette ». En 1380, frère Jehan le Roy, prieur du cloître de Blanche-Couronne, rendait aveu à Hemery Grimaud, seigneur du Plessis-Grimaud, pour rentes qu'il touchait au « terrouer de Rays sur le fé et tenement nommé le fé à la Rosete, sis entre le port du Porteau et la Gerardière, et sur le qaurteron de la Phiphardière ». On voit, par là, que les biens donnés par la femme de Geffroy Rozet relevaient de la seigneurie du Plessis-Grimaud.

La pièce de la Pifardière, désignée en 1526 sous le nom de « Blanche-Couronne » et aussi, en 1630, sous celui de la Rochardière, enfermait trente hommées de vignes. Elle était sur la route de Sainte-Marie à la Noveillard ou, suivant un titre de 1526, « entre le fié de la Chaulme, la vallée de la Noé Esvillart, le fié de la Borderie, le chemin qui conduit dudit lieu de la Noé Esvillart au Borge Sainte Marie ».

La « Noé Esvillart » est devenue, depuis, « la Noveillard », nom de la plage la plus fréquentée de Pornic. L'aveu rendu en 1380 à Hemery Grimaud, pour la Pilardière, mentionné dans le débornement de cette pièce, « la meson Michel Eveillart ». Il est à croire que c'est de cette famille « Eveillart » ou « Esvillart » que la Noé Esvillart tirait le nom qu'elle a passé à la « Noveillard ».

Y a-t-il encore à Pornic ou à Sainte-Marie une famille « Eveillard » ou « Esvillart »? Qu'est devenue cette maison de Michel ? Depuis plus de six cents ans une plage bien connue de tous ceux qui fréquentent Pornic est seule à conserver leur souvenir. Même les gens du pays, ayant corrompu le nom de cette plage, en ignoraient très probablement jusqu'ici l'origine. Qui leur eût dit que c'était à l'abbaye de Blanche-Couronne qu'il fallait aller chercher l'explication de ce nom ?

Cette même année 1315, Guillaume Barbette, paroissien du Clion, et Hemery du Porteau, paroissien du Bourg-Sainte-Marie, se donnèrent à l'abbaye, avec tous leurs biens – par donation entre vifs, et d'une manière définitive. Nous avons déjà vu un habitant du Clion moine à Blanche-Couronne en 1199. Guillaume Barbette s'inspirait de son exemple en se donnant à l'abbaye, lui et ses biens.

Les biens possédés par Blanche-Couronne au Clion se trouvaient au village de la Corbinière et relevaient de la cour du Bois-Joly. D'après un aveu de 1627, c'était, entre autres, une pièce de terre cernée de fossés, de 26 boisselées, entre « le village de la Corbinière et la vallée de la Communauté, au fief de Bois-Joly, joignant d'un côté le chemin dudit village de la Communauté d'autre, terres dépendant de la Corbinière, et d'un bout le chemin au moulin du fief Bourdin ».

Avec ces différentes terres, le prieur du Porteau avait un fief important à la Plaine. C'était le fief de la Ralière, plus souvent désigné, dans la suite, sous le nom de fief des « Rallières » ou des « Raslières ».

En 1364, Hervé du Pont, seigneur de Fresnay (en Plessé), ayant légué à Blanche-Couronne 30 livres de rente, Simon du Pont, son oncle et son héritier, ratifia le testament d'Hervé et assit cette rente sur la pièce de la Ralière par acte de 1365, le mardi après la Saint-Thomas. Cette ratification fut de nouveau confirmée le 21 juillet 1368, par Hervé de Volvire, seigneur de Nieul, héritier présomptif de Simon du Pont.

D'après l'acte de 1364 « la pièce de terre appelée la Raslière est en la parroaisse de la Plaine ou terrouer de Rays, entre le fé Bill d'une part, et le herbergement de Taron, d'autre, et entre le fleuve de la mer, d'une part, et les prés apelez les prés Leroy et le pré Bill d'autre ».

Ce tènement « des Raslières » est ainsi délimité d'une façon plus détaillée dans un titre de 1546 :

Il se trouvait « entre le chemin qui conduit du Pont de la Briandière au village de la Bournerie faisant séparation du fyé Bily appartenant à mesdits seigneur de Rays, et dudit fyé des Raslières ; la séparation des dits fyéz étant au travers des vallées de Grans Maray, au joignant des terres labourables du tenement du Loc, rendant au chemin qui conduit du village des Raslières au village du Cormier, et à une borne, assise près ledit chemin départant lesdits fyez, tirant, au suzain bout, devers le midy, la garenne du Cormier, passant au travers du jardin dudit lieu du Cormier, rendant au coign de la maison neuffne de Guil, Apuril, descendant par la rue au chemyn qui conduit à la mer, par le derrière dudit herbergement du Cormier, la rive de la mer, le domaine de Tharon, les ruisseaux entre deux, le pré de la Suze et le fyé de la Guierche en Saint-Michel, d'une et autres parties ».

Les religieux percevaient dans ce tènement les deux tiers de la dîme des « vins, lins, aygneaux, laine, naveaulx, pourceaulx, fors la onzième partie des deux pars » qui appartenait au prieur de Rouans d'après un titre de 1406, ou de Saint-André d'après un autre de 1546.

Notons en passant que ces deux derniers noms désignaient un même bénéfice : le prieuré de Saint-André de Pornic était uni au prieuré de Rouans.

Blanche-Couronne jouissait dans son fief des Raslières d'une « court, juridiction, seigneurie et obéissance, haute, moyenne et basse ».

La réformation du rôle rentier de cette juridiction se fit en 1546. Le mandement publié à ce sujet par Jehan Apvril, sergent de ladit court, donne les noms d'une soixantaine de vassaux.

L'abbaye tenait des seigneurs de Rais les terres et les droits qu'elle avait « au terrouer de Rais, en la paroisse de Nostre-Dame de la Plenne, en la chastellenie de Pornic ». C'est ainsi que l'abbé Guillaume de la Pasqueraye eut, en 1406, à rendre aveu à Gilles de Rais.

Il semble, d'après un passage de cet acte, que la Plaine avait des courses de chevaux tous les trois ans. Il y est, en effet, question « d'une manière de devoir, quand le cheval court, selon l'usement du pays, et court de trois ans en trois ans ». L'année de cette course, il était dû à l'abbaye la somme de 27 sous à la Saint-Michel.

On voit qu'il n'y a rien de nouveau sous le soleil. Quand on pense que la Plaine, qui a été si longtemps, en dehors du mouvement du monde, avait tous les trois ans ses courses de chevaux dès le commencement du XVème siècle ! Nantes même ne peut pas invoquer pour ses courses une si haute antiquité.

Blanche-Couronne jouissait encore à la Plaine d'un autre devoir ainsi désigné dans le même aveu : « Item en la paroisse de la Plenne, en votre dite baronnie de Rais un devoir nommé " cornaige et le rescriit dudit cornaige " selon l'usement et le gouvernement de lad. paroisse sur ceux qui ont bêtes, dont les noms des personnes qui doivent ledit devoir s'ensuivent : premier, Jehan Le Roy sur son herbergement qui fut Pierre Le Ray, Jouhan Gergaut, Jouhan Jacob, les noirs Crestineau, Denis Bonhommet, savoir par chacun boeuf qu'ils auront douze deniers, chacune vache portante, douze deniers, " jouanele " six deniers, génisse six deniers ».

Les rentes de blé dues sur les villages et fiefs des Hautes et Basses-Ralières dépendaient du « petit couvent ».

Dans toutes les abbayes, il y avait certains revenus séparés de la mense commune, et consistant dans ce qu'on appelait les offices et le petit couvent. « Le petit couvent, dit un titre de 1711, était composé de ce qui avait été donné aux religieux pour le service des obits et fondations particulières, et de ce qu'ils avaient acquis de leurs ménagements ».

Les rentes de blé des Raslières avaient été adjugées au Petit couvent lors du partage en trois lots des biens de la mense commune de l'abbaye, par jugement et aveux des 3 novembre 1678, 9 février et 2 mars 1680.

Rien ne prouve que les moines de Blanche-Couronne aient jamais résidé au Porteau, et qu'ils y aient eu une chapelle et des habitations. Le titre de « prieur du Porteau » ne paraît qu'en 1420, année ou Frère Jehan Torel, sacristain de l'abbaye ajoute à ce titre celui de « priour du priouré du Porteau ». Depuis 1380 au moins le prieur résidait à Blanche-Couronne. Le plus ancien prieur connu, Frère Jehan Le Roy se dit seulement « priour du cloystre de l'abbaye de Blanche-Couronne », et, sans prendre la qualité de prieur du Porteau, avoue tenir les biens qu'il mentionne « par raison d'un bénéfice » qu'on appelle « la segretenerie » fondé en l'église de Blanche-Couronne.

Dès le XIVème siècle le prieuré du Porteau était donc attaché à la fonction de sacristain de l'abbaye, comme il le fut jusqu'au XVIIème siècle. Au XVIème et au XVIIème siècle le même personnage se dit « sacristain de Blanche-Couronne et prieur du Porteau ».

 

L'aumônerie Saint-julien de Bouin.

Avec son prieuré du Porteau, Blanche-Couronne possédait encore un autre bénéfice au sud de la Loire. Ce bénéfice se trouvait à Bouin, localité désignée autrefois sous le nom de l'« Ile » ou de « Ville de Bouin ».

Cette paroisse, actuellement du diocèse de Luçon, appartenait autrefois au diocèse de Nantes. Située dans les marches, elle relevait, au temporel, du Poitou et de la Bretagne sous les seigneurs de la Garnache pour le Poitou, et de Rais pour le comté Nantais.

Elle eut pour seigneurs, au XIIIème siècle, d'un côté, pour le Poitou, en 1199, Pierre de la Garnache, fils de Pierre Méchin et d'Agnès ; en 1225, Hugues de Thouars et Marguerite, son épouse ; en 1236, Pierre Mauclerc, duc de Bretagne, appelé plus tard Pierre de Braine, époux de Marguerite qui fut dame de la Garnache, de Montaigu et de Machecoul, et mourut avant 1246 ; en 1266, Maurice de Belleville, seigneur de Montaigu et de la Garnache ; en 1280 Hugues de Thouars, qui fut seigneur de Boin, de Pouzauges et de Tiffauges, puis en 1325, Gauthier ou Gaucher, et en 1345, Milles de Thouars, chevalier, seigneur de Pouzauges et de Boin ; et d'un autre côté, pour le Comté Nantais, au commencement du XIIIème siècle, Arscouet, seigneur de Rais et de Machecoul.

Le bénéfice possédé à Bouin par Blanche-Couronne, était qualifié « d'aumônerie ». Il tenait sa qualification de l'aumônerie de Saint-Julien, attachée à la chapelle de Saint-Julien « construite en l'isle de Bouin » près d'un cimetière et de l'église paroissiale.

Ce bénéfice était desservi à l'autel de Saint-Jacques, d'où il s'appelait encore « chapellenie » ou « chapelle de Saint-Jacques des Burelles ». En 1495, Georges Freart, prêtre licencié en décret, était chapelain de la chapellenie « fondée en l'oneur de monseigneur Saint Jacques le Maieur, en la chapelle de monseigneur Saint Julien, construite en l'Isle de Boign ». En 1511, le 8 décembre, Frère Jean Ernaud, moine de Blanche-Couronne, aumônier ou chapelain de l'aumônerie ou chapelle de Saint-Julien de Boin, capella sancti juliani de Bugnio, succédait à Bertrand Bovron, en sa qualité d'aumônier. A partir de cette époque, tous les titulaires de ce bénéfice se disent « chapelains et aumôniers de Saint-Julien » ou parfois « aumôniers de Blanche-Couronne ».

L'aumônerie de Saint-Julien était-elle ou non en ruine au milieu du XVIème siècle ? Ce qui nous fait nous poser cette question, c'est que, en 1554, un document dit d'elle : « elemonaria sancti Juliani patitur maximas ruinas », expressions qui, prises à la lettre, signifient une ruine complète.

Cependant, en 1561, il est question du service religieux qui se fait « dans la chapelle de Saint-Julien près du cimetière », in capella sancti Juliani prope cimiterium, service qui comprend plusieurs chapellenies fondées aux autels de Saint-Julien, de Saint-Jacques, de Saint-Jean, et au grand autel. Avait-elle été remise en état à cette dernière date, ou voulait-on simplement signifier que ce service était dû dans cette chapelle, sans vouloir assurer qu'il s'y faisait réellement ?

Quoi qu'il en soit, en 1679, Bernard Biogeau, prêtre bachelier en théologie, chapelain de la chapellenie de Saint-Julien, rendit son aveu au roi pour les biens suivants : « Un logis à présent en ruine, avec un petit jardin à présent en labour, situés proche et joignant la chapelle dudit Saint-Julien, en la ville de l'Isle de Bouing, rue du Pas-Marteaux, tout démoli et tombé par terre, sans bois de charpente, tenant à lad. rue, d'autre part, un autre logis et jardin de la chapellenie de Saint-Antoine, et par le septentrion, le saint cimetière dud. Bouing, et par l'Orient la chapelle Saint-Julien ».

Dans le même aveu, il est question de cinq hommées de pré bornés par les charrauds qui vont à la Croix des Moreaux ; d'une terre labourable appelée la Boirie, près des Prés Blanchard du chapitre de N.-D. de Nantes et du pré Cardon, de la chapellenie de Saint-Jean la Mignot ; de la prée située proche la Procession de Saint-Marc, audit Bouin, tenant d'un côté ladite procession, d'un bout et autre côté, les charrauds qui vont en la ville de Bouing et grand port de sel, partout, fossés entre deux, et de l'autre côté le marais de la prée appartenant aux héritiers du sieur Boistenet Caillaud ; du pré Chapelain au quartier de Cunnaudre audit Bouing, borné au couchant par la charraud qui va à la Cunaudrie ; le pré de l'Aumônerie, au quartier de la Freste, borné du côté du vent du sud par la chaussée et retraite du Breaussin ; la terre labourable des Sorgonnes, au quartier de Lunaigue ou Limagne audit Bouing tenant d'un côté à la charraud des Picaisières, d'autre à l'estier du Perrecq, et d'un bout le marais dit Saint-Gilles Tardiveau, sénéchal de la Garnache.

De ladite aumônerie dépendaient encore les marais suivants : 22 aires de marais salants, appelés la Béerie ; 68 autres appelés la Prée ; 44 autres appelés les Grandes Loses, près du pré des Clouses. 28 autres appelés les Rousselières au quartier de Primaudière, au dedans d'une terre labourable appelée la Rousselière, dépendant de l'abbé de N.-D. la Blanche de Noirmoutier ; 20 autres appelés le Grand-Marais ; 88 autres en une pièce double appelée le Cloudisson proche la penne du Port Mechin ; 32 appelés le Pasty, 42 appelés l'Angle, au quartier de Cunaudrie ; 20 autres dans la pièce des Sorgonnes ; 20 autres dans la pièce des Brochères joignant les marais de la chapellenie de Saint-René, 42 autres appelés l'Aumosnerie tenant d'un côté à l'étier des Champs Sallés et de l'autre la tenue de l'Aumosnerie, appartenant au sieur de la Lunaigue, et 11 autres appelés la Camuserie, ou quartier de Poiroux.

Tous ces héritages étaient sujets « à l'entretien des chaussées et digues de mer dont lad. Ile de Bouin est cernoyée et environnée et à la mise des coefs et autres réparations publiques de lad. Isle ».

En outre, chaque journal de terre et de pré, et chaque dizaine de marais salants, qui sont en lad. Ile de Bouin devait chaque année aux termes de Saint-Gervais et de Saint-Michel archange, un sol monnaie Bretagne qui se partageait par moitié entre les deux seigneuries dudit Bouin.

De plus, dit notre aveu, « les aires de marais salants étaient sujets au devoir de dixièmes, lorsque le sel se déplace hors de l'Isle. Messeigneurs d'icelle prennent la dixième partie du sel vendu, rabattu toutefois les frais de charroi et de colloy et autres frais légitimes déduits, laquelle dixième partie se partage aussi par moitié entre lesdites deux seigneuries.

Plus, elles sont aussi sujettes au devoir de cent de sel, qui est que lorsque cent aires de marais salants font en lad. Isle, communément dix charges de sel, au 1er jour de septembre chacun an, à raison de 20 sacs de sel par charge, il est dû auxdits seigneurs, par moitié, 10 sacs de sel par chacune centaine d'aires rendues aux monceaux desdites seigneuries sur le grand port dudit Bouin, fors et réservé les marais francs et chaussins faits de lad. Isle qui n'auraient suffisamment taulié, qui ne sont sujets audit devoir ».

L'aumônerie de Saint-Julien possédait encore dans la paroisse de Saint-Etienne de Bois de Cené, sous les seigneuries de Bais et de Bois Coutumier, une terre labourable, partie en bosselet appelée les Cents, une autre près du pré Clavier, dépendant de la confrérie de « Meaoust », érigée en l'église dudit lieu, et 70 aires de marais salants appelés la tenue des Cents.

A raison de ces biens, l'aumônier était sujet au payement « du devoir de cens et rheilliers » dus aux termes de Saint-Barnabé et Noël chaque année auxd. seigneurs de Rais et du Coustumier ; au payement des dixièmes des sels qui y croissent, dus aux mêmes seigneuries et à l'entretien des chaussées, digues et terriers de mer, et des coefs servant à escourir et rendre les eaux pour la servitude des marais au prorata de ce qu'ils sont obligés de fournir.

Les titres de cette fondation ont péri, mais une note que nous relevons dans un inventaire des titres de Blanche-Couronne rappelle ainsi ses origines. « Origine de la chapellenie ou aumosnerie de Saint-Julien le martyr, de l'Isle de Boin.

Gilles de la Virée, fondateur en patronage lay, de lad. chapellenie, nomma son chapelain, en 1425, Me Pierre Piedru, vicaire de mons. Jan, evesque de Nantes. Après la mort dud. Piedru, Jan et Pierre de la Virée, fils de Gilles, présentèrent Me Guillaume de Sourlemont, le 10 août 1440.

Ledit Sourlemont résigna à Jan Guyot, le 7 octobre 1440 ; lequel Guyot résigna à Guillaume de la Fontaine, lequel se fit présenter par Artur, procureur de la fabrique de Bouin ; ce qui estant à la connoissance de Jan de la Virée, vray patron, il la présenta à Me Guillaume Guyheneuc, le 14 avril 1461 ; et comme avant que lad. présentation eust esté collationnée, led. Jan de la Virée décéda, Guillaume de la Virée, son fils, la présenta derechef aud. Guyheneuc, dont il y eut grand procès entre les fabriciens et led. Guillaume de la Virée, qui fut reconnu vray présentateur. Après quoi ledit de la Virée, voyant que la plus part de ses parents estoient enterrez dans l'abbaye de Blanche-Couronne, donna, céda et transporta à R. P. en Dieu Thibaud de Louveday, abbé de lad. abbaye, et à ses successeurs abbés, tout le droit de patronage de lad. aumosnerie, suivant l'acte passé en la cour de la Roche, à Savenay, le 3 mai 1462, dedans lequel il y a une ratification d'icelle du 2 juin 1464 passée devant Jan Moutauban ; laquelle aumosnerie, de séculière devint régulière et desservie par un religieux de lad. abbaye nommé par l'abbé d'icelle, laquelle a tousjours esté présentée depuis ce temps-là par les abbés de Blanche-Couronne à des religieux ».

Le plus ancien acte original qui ait été conservé de ce bénéfice est la provision qui en a été faite en 1482 par Pierre du Chaffaut, évêque de Nantes. Il y est rappelé que Guillaume de la Virée, écuyer, patron de cette chapellenie, a cédé ses droits à l'abbaye de Blanche-Couronne, que Pierre de l'Isle, jadis chapelain, a échangé son bénéfice avec Pierre de la Raye, chanoine de Saint-Aubin de Guérande et que le bénéfice étant vacant par la mort de ce dernier, l'évêque le confère à Pierre de Montauban, clerc de son diocèse.

On voit, par les titres que nous venons de citer, que les salines de Bouin, mentionnées dès les XIIème et XIIIème siècles, étaient encore florissantes au XVIIème. Bouin avait deux ports, le grand port et le port Méchin, qui devait probablement son nom à Pierre Méchin, père de Pierre de la Garnache en 1199. En 1256, Girard Chabot, seigneur de Rais, avait un droit d'ancrage sur les vaisseaux qui fréquentaient ce port.

Utilisait-on déjà dans cette localité les forces de la marée ? Toujours est-il que, en 1267, on voyait près du port de Bouin « des moulins à eau ».

Bouin avait aussi un château mentionné en 1237 et en 1433. Son église principale était, au XIIIème siècle, dédiée à Notre-Dame. Au XVIIème, le seigneur de Bouin prétendait sur elle à tous les droits de fondateur.

Quant à la chapelle Saint-Julien, aliénée à la Révolution, elle a été, depuis, rachetée par la Fabrique, qui l'a dédiée à N.-D. des Sept-Douleurs. (G. Durville).

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