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DECADENCE DE L'ABBAYE DE BLANCHE-COURONNE.

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Les institutions religieuses les plus parfaites renferment trop d'éléments humains pour ne pas payer, tôt ou tard, leur tribut à l'humanité.

Après avoir atteint leur maximum de prospérité dans le courant du XIIIème siècle, nos abbayes médiévales abordèrent avec le XIVème leur époque de décadence. Elles subissent, malgré tout, l'influence du milieu. Elles souffrent des crises que traverse la Société. Les guerres qui désolèrent le XIVème et le XVème siècle, notamment la guerre de Cent ans, les frappent, plus ou moins, dans leurs intérêts matériels. Les excommunications qui, aux époques d'une foi ardente, garantissaient, mieux que les armes, les biens religieux, ne suffisent plus pour arrêter l'audace sacrilège des envahisseurs. Comme, suivant la parole de saint Thomas Becket à ceux qui venaient pour le tuer : « On ne défend pas une église, comme on défend un camp ou un château », les monastères, mal gardés par des moines qui, eux aussi, « ne savent que prier et gémir pour nos crimes » subissent le sort réservé à tout ce qui, étant attaqué, ne peut pas ou ne veut pas se défendre contre la brutalité.

Par ailleurs, la corruption du siècle, augmentait avec la diminution de la foi, la clôture des monastères n'en préserve plus aussi bien ceux qui franchissent cette clôture. Les sujets que le monde envoie au couvent, n'y entrent plus par des sentiments aussi nobles, aussi surnaturels. Plusieurs se font moines par des considérations où l'intérêt humain domine plus que de raison. L'abbé n'ayant plus à choisir dans une élite nombreuse, devient moins sévère pour les admettre, plus indulgent pour les garder. Il ne veut pas éteindre la mèche qui fume encore, il ne veut pas achever le roseau à demi-brisé, indulgence bien compréhensible qui, pour être, dans certains cas, bienfaisante pour l'individu, dégénère parfois en faiblesse préjudiciable à la communauté.

Par suite de cette faiblesse qui n'ose pas réagir par crainte de faire le vide dans la maison, le règlement se relâche, on en prend à l'aise avec lui ; on en retient ce qui plait, on lui laisse le reste ; on se fait une petite vie facile, agréable, honnête, qui finit par attirer aux moines, de la part d'un public plus ou moins bienveillant, une réputation bien éloignée de celle que les auteurs de la vie monastique pouvaient rêver quand ils appelaient ces sujets d'élite à la perfection.

Une autre cause de la décadence des monastères fut l'institution des abbés commendataires. A la belle époque de la vie religieuse, les moines élisaient eux-mêmes leur abbé. Ils choisissaient celui d'entre eux que ses qualités d'intelligence, son caractère, ses vertus désignaient pour cette haute dignité. Ils agissaient en toute connaissance de cause ; ils l'avaient vu à l'oeuvre, vivant de leur vie, les édifiant de ses bons exemples, partageant leurs travaux. Ils obéissaient plus volontiers à un supérieur tiré de leur rang et qu'ils avaient eux-mêmes librement choisi, dans la conviction intime qu'il était l'homme voulu de Dieu pour le plus grand bien de la communauté.

Par ailleurs, l'abbé continuait de vivre au milieu d'eux, accessible à tous, leur conservant tout son temps, toujours prêt à leur rendre, soit à chacun en particulier, soit à la communauté, tous les services que l'on pouvait espérer de son intelligence et de son dévouement.

Tout autre était l'abbé commendataire. C'était un étranger, le plus souvent inconnu, imposé aux moines pour des raisons dans lesquelles les intérêts de l'abbaye n'entraient pour rien. Parfois, ces abbés commendataires s'intéressaient vivement à leur abbaye et s'acquittaient scrupuleusement envers elle et envers leurs moines de tous leurs devoirs d'état.

Mais, d'autres fois, ces abbés que le poète Santeuil traitait irrévérencieusement de « sangsues » ne voyaient dans leur abbaye qu'une exploitation dont ils cherchaient à tirer le plus grand rendement possible. Quelques-uns, trop grands seigneurs, ne daignaient même pas visiter l'abbaye à laquelle ils devaient un nom et d'importantes ressources. Ils nommaient un vicaire au temporel et au spirituel, le plus souvent moine de l'abbaye, mais qui n'avait pas auprès des autres moines le prestige et l'influence que la dignité abbatiale peut seule donner dans un monastère. Par ailleurs, ils étaient censés assigner toutes les ressources nécessaires à l'entretien des moines, du culte et des bâtiments, à l'acquit des fondations et des aumônes, enfin à, toutes les dépenses qui incombent à un usufruitier consciencieux.

Chaque abbé s'acquittait de ses devoirs selon sa conscience. Quelques-uns se la faisaient très large et les pauvres moines réduits à une portion congrue à peine suffisante, assistaient, impuissants, à la ruine de leu abbaye, pendant que leur abbé dépensait ailleurs les ressources nécessaires à sa réparation.

Ce grand mal des abbayes a surtout sévi à partir du XVIème siècle. Les autres causes de leur décadence dataient du XIVème. Il n'y eut eu qu'un remède au mal, c'était de rétablir l'abbaye dans la ferveur de son origine : mais les temps avaient marché et le XVIème siècle, avec ses luttes et ses désordres, n'était pas fait pour obtenir ce résultat.

Nous avons cité plus haut un arrangement qui reconnaissait à l'Évêque de Nantes le droit de visiter ce monastère, afin d'empêcher les abus et les désordres de s'y glisser. Cette visite se faisait soit par l'Évêque en personne, soit par des délégués qu'il choisissait parmi les notabilités de son clergé. Nous avons encore les procès-verbaux de ces visites faites dans la seconde moitié du XVIème siècle. Ils nous donnent de Blanche-Couronne une idée déplorable : l'abbaye tombe en ruines ; la chapelle elle-même n'est presque plus qu'une succursale du pigeonnier. A voir les trous nombreux qui percent les vitraux de l'église, les pigeons de l'abbaye la prennent pour leur fuie. Ils en sont plus les maîtres que les quatre ou cinq moines incapables, vu leur petit nombre, d'acquitter tout le service religieux qui devait s'y faire.

Pénétrons avec le délégué de l'Évêque dans ce qui n'était plus qu'une ombre d'une abbaye autrefois florissante, et, en nous reportant au malheur des temps, nous aurons l'âme plus forte, pour ne pas être scandalisés de ce qu'il va nous faire constater.

L'abbé était, depuis 1560, François de Gaignon, qui était en même temps abbé de Geneston.

C'est un abbé commendataire. Il ne réside pas dans son monastère, dit le visiteur ; cependant l'année précédente il y a passé six mois. Le personnel de cette abbaye est composé d'un prieur claustral qui est, de fait, le supérieur des moines ; d'un sous-prieur et de trois autres frères qui résident. Il y en a un autre qui étudie à Paris.

« Ledit abbé, continue le visiteur est tenu, chaque jour, à tout l'office. Les dimanches, mardis et jeudis, il doit donner l'aumône aux pauvres, ainsi que, tous les jours, aux gens qui sont de passage ou en pèlerinage. C'est une obligation qui dérive de l'ancienne coutume et de la fondation. Il doit y avoir seize moines, en dehors de l'abbé ; les seize doivent comprendre douze prêtres et quatre novices, auxquels l'abbé doit fournir le vivre et le vêtement, selon leur état et l'ordre de Saint-Benoît.

En plus, ledit abbé est tenu d'entretenir et de réparer les maisons de l'abbaye et l'église, de fournir les livres pour la célébration de l'office divin, à ses religieux, suivant leur usage et leur ordre, de leur procurer également tous les ornements sacerdotaux, d'entretenir les lampes ardentes, jour et nuit, devant le Corps sacré du Christ ainsi que les cierges allumés pendant l'office divin ».

Une nouvelle visite, faite dix ans plus tard, ne nous montre qu'une accentuation dans la décadence. Il n'y a en tout que quatre religieux, et, pourtant, il devrait y avoir chaque jour, dix à douze messes pour acquitter les fondations ; mais, dit le visiteur, « il n'est pas possible de les dire à raison de la paucité des religieulx ».

Quant à l'église, son état ne fait guère honneur à l'abbé qui devrait l'entretenir : « Les pigeons de ladite abbaye, écrit le visiteur, entrent par les cassures des vitres en ladite église et gastent et remplissent les autelz de ladite église de leurs fians... ».

L'année suivante, le visiteur revient. Il constate que « l'abbé laisse tomber l'abbaye en ruine, et ordonne qu'il sera fait une procès-verbal des ruines de l'abbaye ».

Il est certain que l'entretien de pareils établissements devait être coûteux. Généralement, l'étranger à qui le pouvoir royal accordait une abbaye, cherchait plutôt à en tirer des ressources, qu'à y placer ses propres deniers pour en assurer le revenu à ses successeurs. Mais, si chaque abbé commendataire avait rempli consciencieusement les devoirs de sa charge, il n'aurait pas laissé s'accumuler, pour ces derniers, des ruines dont la réparation devenait trop lourde pour la fortune de celui qui se trouvait à assister à la chute de tous ces bâtiments trop mal entretenus.

D'ailleurs, devait se dire l'abbé commendataire, pourquoi ces réparations coûteuses ? Quelle utilité d'entretenir des habitations qui ne devaient pas servir ? Quel besoin avaient les quatre ou cinq moines de Blanche-Couronne, d'un local construit pour un temps où il y avait, au moins, seize religieux dont la vie était assurée par des fondations, sans compter les autres personnes qui vivaient dans le monastère, à titres divers, novices, retraités, serviteurs ?

Tant qu'une vie religieuse intense circulait dans ces grands établissements monastiques, une telle décadence matérielle n'était pas à craindre. Un corps n'entre en décomposition que lorsque l'âme qui l'animait la quitte pour toujours.

Blanche-Couronne eut, cependant, quelques abbés commendataires qui eurent à coeur l'accomplissement de tous leurs devoirs, et qui ont laissé leur souvenir dans des constructions entreprises pour l'amélioration de l'abbaye.

Le premier abbé commendataire donna même sur ce point à son successeur un exemple qu'ils n'ont pas tous suivi. C'était Jean Briçonnet, membre d'une famille puissante qui a fourni alors à l'Église et à l'État d'illustres personnages. Il avait obtenu, le 20 janvier 1503, un mandement en qualité d'abbé commendataire de Blanche-Couronne. A ce titre, il en ajouta plusieurs autres ; on le trouve avec les qualités de protonotaire du Saint-Siège apostolique, conseiller du roi au Parlement de Paris, archidiacre du Désert, au diocèse de Rennes, chanoine de Paris, de Tours et Nantes, prieur de Sainte-Croix, curé de Haute-Goulaine et d'Issé. Le 10 juillet 1515, il obtint un mandement du roi « afin de jouir des fruits émoluments de sa chanoinie et prébende de Saint-Pierre de Nantes, malgré sa continuelle occupation au service du roi ». (G. Durville).

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