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Histoire succincte de l'abbaye de Beaulieu, en Mégrit |
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Histoire succincte de l'abbaye de Beaulieu, en Mégrit [Note : Extraite du Mss. 608, folio 85 de la Bibliothèque Sainte-Geneviève].
Aperçu sur la fondation de l'abbaye, sa situation, son revenu, sa pénurie de titres suite des ravages qu'elle a subis, la condition de ses religieux jusqu'au XVIIème siècle.
Lettre du Prieur Louis de Trémigon, adressée le 31 décembre 1649, au Révérend Père Prieur de l'abbaye Sainte-Geneviève de Paris.
Mon Révérend Père,
J'ay reçu la vôtre du 8
d'aoust dernier de Paris sur le subjet d'icelle. J'ai cherché tous les mémoires
qui peuvent servir pour faire insérer notre Abbare dans l'histoire
Ecclésiastique, dans une relation véritable. J'ai tardé à vous faire reponce
sur la perte qui a été faite des actes de notre maison, durant les guerres
civilles, des temps de Henry III et Henry IV, en cette province. L'Abbaye ayant
esté, pillée et volée mesme par les Huguenots [Note : L'abbaye de Beaulieu avait
eu déjà beaucoup à souffrir durant la guerre de cent ans. On trouve, en effet,
la concernant, la note suivante, à la page 92, note 2, de l'ouvrage de MM. de
Lesquen et Mollat : « Mesures fiscales exercées en Bretagne
par les papes d'Avignon ». « De monasterio
Belliloci quod vacavit a die 9a mensis novembris usque ad 15 kal. februarii
proximi (1363) pro fructibus ejusdein de tempore vacacionis predicte, audito
compoto de receptis et expensis, composuit mecum (Guillelmus) abbas ipsius
monasterii, quasi per guerras totaliter destructi, ad 25 fr. auri »], sans qu'il en soit resté
aucuns tiltres de fondation, ny autres. Tout ce que je
puis vous dire est fondé sur quelque mention que
l'histoire de Bretagne nous en fait et sur quelques mémoires que nous en avons
découverts et le reste sur la tradition.
Premièrement, en l'an 1146 [Note : Il y a erreur de date. Albert succéda beaucoup plus tard à saint Jean de la Grille], ALBERT, Chanoine régulier et Archidiacre de Saint-Malo, soubz le Pape Alexandre III et l'Empereur Frédéric Barberousse, premier du nom, et le duc de Bretagne Conan, surnommé le Petit, fut élu Evêque de Saint-Malo et mourut l'an 1184. En son temps, ROLAND DE DINAN [Note : Rolland de Dinan, fils d'Alain, seigneur de Bécherel, et petit-fils de Geoffroy 1er de Dinan. Il ne fut pas vicomte de Dinan], Vicomte dudit Dinan, commença la fondation d'une Abbaye de Chanoines réguliers de l'Ordre de Saint-Augustin, qui fut appellée l'Abbaye de Notre-Dame du Pont-Pilard.
Le monument de cette fondation fut que, au proche de la maison dudit Roland de Dinan, qui s'appelloit Beaulieu, il y avait un certain pont qui s'appelloit le Pont-Pilard, sur lequel il y avoit un grand chemin et une image de la Vierge, où de son temps, il se fist quantité de miracles ; ce qui fut cause que ledit Roland de Dinan fonda une abbaye de Chanoines réguliers de l'Ordre de Saint-Augustin en sa d. maison de Beaulieu et commença à la doter de grands revenus qu'il avoit, tant en la Grande qu'en la petite Bretagne. Ledit Roland de Dinan mort, luy succéda Alain de Vitré, son cousin et son héritier, qui depuis prisa le surnom de Dinan et continua la fondation et dotation de l'Abbaye encommencée par son feu Cousin, et luy changea le nom de Notre-Dame du Pont-Pilard, en celuy de Notre-Dame de Beaulieu, à cause que la maison où s'étoit encommencée ladite Abbaye, s'appelloit Beaulieu.
La dite Abbaye est située en l'Evesché de Saint-Malo, en la paroisse de Mégrit, en un lieu fort désert, entre des vallons. Au lieu où estoit ledit Pont Pilard, il y a à présent un grand estang fait par M. Guy Le Leonnays, premier Abbé Commendataire, il y a environ sept vingt ans.
Il nous reste encore la première image de ladite fondation, qui est une petite image de la Vierge d'environ un pied de hauteur, portant sur ses genoux son fils descendu de la croix [Note : D'après cette description, c'était une image de Notre-Dame de Pitié, dont le culte fut très répandu au Moyen-Age]. Elle est de bois, et nous la conservons encore à présent aussy récente que d'un an. Laquelle quelquefois a esté desrobée et emportée et toujours nous est retournée.
Je ne puis vous donner mémoire du nom des Abbés et prieurs inscrits dans le martyrologe et nécrologe de notre maison : iceulx ayant esté bruslés par les huguenots, il y a environ 60 ans, où estoint tous les noms des Abbés, prieurs et religieux depuis la fondation et le jour de leur déceix, et aussi l'on voyoit ceux qui avaient excellé tant en doctrine, en la prédication que en la bonne vie et mœurs, et morts en odeur de sainteté ; desquels par tradition, nous révérons encore les cendres.
Les sépulchres, tant des Abbés que des Religieux, sont tant dans l'Eglise et dans le cloistre, que dans le Chapitre, sans épitaphe, mais seulement avec une croce sur leur tombeau, si c'estoit un Abbé, et les religieux sans aucune marque.
Les deux tombeaux de nos fondateurs y sont même sans aucune inscription, mais seulement avec représentation en bosse d'un homme armé, tenant chacun son escu et ses armes sur iceluy, qui sont sur l'un « un lyon rampant » et sur l'autre « un écu tout couvert de losanges ».
[Note : Voici le détail des monuments funéraires existant autrefois dans l'abbaye de Beaulieu, d'après le Mss. L. 17092, f° 149 : 1°) Dans la nef, au costé de l’Evangile, est un tombeau avec la figure d'un homme, vêtu comme d'une espèce de chape faisant comme deux cornes sur la teste et au-dessous comme un surplis, avec ses armes : « trois lions, deux et un », et cette inscription : « Cy gist vénérable et discret maistre GUY LE LEONNAYS, en son temps commendateur de céans et chanoine de Rennes, que cèda le XVIIIème jour de juing, l'an 1528 ». 2°) Au collatéral qui est du costé de l'Evangile, le tombeau d'un abbé, au-dessus un escu avec trois oyseaux comme perdrix (a), une crosse sur le tout. 3°) Au mesme, au Nord de la porte de la Tour, un cavalier armé, portant losangé sur son escu, les losanges en pal, quatre chacun (b). 4°) La même, à l'autre côté de la même porte, un cavalier avec de longs cheveux, portant sur son écu un lion (c). 5°) Dans le chœur, au costé de l'Evangile dans la muraille, est le tombeau élevé d'un abbé, avec ces armes au-dessus : « Gironé de gueules et d'hermines de 12 pièces » (d). a) Le Mss. fr. 22.322, f° 439, écrit « comme corbeaux ». Cette pierre tombale est aujourd'hui au musée de Dinan. On la donne comme ayant appartenu à Guil. de Lesquen, abbé de Beaulieu en 1363. b). C'est le tombeau d'un des fondateurs. On peut le voir maintenant au musée de Dinan. (Cf. Odorici : Recherches sur Dinan, 1857, p. 476). c) C'est le tombeau de l'autre fondateur. Le Mss. 22322 ajoute « un lion orlé ». d) C'est le tombeau de l'abbé Guillaume Le Bouteiller de la Bouteillerie, écrit le Mss. 22.322. Il ajoute : l'arc où il a été mis fut fait en 1468]
Pour les noms des Abbés Commendataires qui sont depuis sept vingt ans ou environ. Le premier fut maistre Guy le Lyonnais [Note : Guy Le Leonnais était, dit-on, originaire du pays de Plouer. Un de ses frères, moine à Saint-Jacut, devint abbé de Saint-Melaine, puis évêque titulaire de Chio. Guy Le Leonnais fut élu évêque de Rennes, mais il ne put avoir l'agrément de la Reine Anne. Il mourut en 1528. Il avait résigné son abbaye, sous réserve de plusieurs conditions, l'an 1517] qui fit bastir le moulin de la Porte de ladite Abbaye et le grand estang, y augmenta 4 bailliages, fist fondation d'une messe annuelle pour estre dite tous les dimanches au matin après matines immédiatement de la Vierge, et à son intention, et pour cela a donné cent livres de rente. Il est enterré dans nostre église en un tombeau hault eslevé, sans épitaphe, seulement avec son nom et ses armes qui sont « troys lyons de sable au champ d'azur ». Il résigna son abbaye à un sien neveu appelé, Mathurin Glé [Note : Mathurin Glé, fils de Olivier, sieur de la Besneraie, et de Robine Mandart. Il mourut en 1545] de la Maison de la Costardaye. A Mathurin Glé succéda Symon de Maillé [Note : Mourut en 1597, âgé de 82 ans. Mais il s'était démis de l'abbaye longtemps avant sa mort], Archevesque de Tours. A Symon de Maillé succéda Urbain de Rortays, du pays d'Anjou. A icelluy succéda Claude Glé [Note : Claude, sieur de la Roche, en Lancieux, conseiller clerc au Parlement de Bretagne, fils de Bertrand de la Costardaye et de Perronnelle du Pan, fut abbé de Beaulieu l’an 1599. Mort à Rennes le 14 juin 160], de la Maison de la Costardaye, et Conseiller au Parlement de ce pays. A Claude Glé succéda Charles de Bourgneuf [Note : Ch. de Bourgneuf, fils de René, baron d'Orgères, et de Louise Marquis, fut d'abord évêque de Saint-Malo, puis permuta avec Jean du Bec pour le siège de Nantes], de la maison de Cossé, naguère très digne Evesque de Nantes, mort en la ville de Chartres, y a environ 34 ans en odeur de sainteté, où son corps repose non encore enterré. A Charles de Bourgneuf succéda Gilles Gasselin [Note : Les lettres de provisions de Paul V à Gilles Gasselin sont du 18 décembre 1617], du pays de Vendosme, aumosnier de feue la Reyne mère Marie de Médicis. Audit Gasselin succéda François L’Anglois [Note : Langlois, de la maison du Prémorvan et du Plessis-Méen], Sr de Fenéan, secrétaire de feu Monseigneur le Cardinal de Richelieu. L'Anglois mourut prisonnier en la Bastille. Auquel succéda Maistre Claude Philippe le Clerc, Conseiller et aumosnier du Roy, Abbé de Beaulieu et de Mondaye, Chanoine en l'Eglise Notre-Dame de Paris, fils de Monsieur du Tremblay, Gouverneur de la Bastille, à présent notre Abbé [Note : Il fut abbé jusqu'au 5 septembre 1704, époque de sa mort. Il avait alors 91 ans. Après M. du Tremblay, furent commendataires de Beaulieu : Edouard Bargedé ; puis J.-F. Botherel de la Bretonnière ; Tiercent de Ruellant ; François de Montlouet, et Louis-Marie de Pontual, lequel occupa cette charge de 1755 à 1789, année de sa mort].
Ladite Abbaye est de peu de revenu attendu la perte qui a esté faicte des actes et tiltres d'icelle et que la pluspart dudit revenu est en Angleterre et le reste consistant en dixmes et juridictions, a esté fort usurpé par les voisins, gentilshommes et aultres ; les Abbés estants absents et éloignés des lieux. Elle vaut seulement à Monsieur l'Abbé. 3.000 livres de revenus [Note : Cf. aussi, Pouillé du diocèse de Rennes, tome 1er, pages 725 et 726. D'après l'Estat et enroulement fait et arresté par le bureau diocésain de Saint-Malo, en 1728 et 1730, le chapitre de Beaulieu, quoique signifié, ne fit pas de déclaration de ses revenus. (Archives d'Ille-et-Vilaine, G. 71). Quant à l'abbé de Beaulieu, il déclara 2.065 livres de revenu brut, 614 livres de charges et 1.451 livres 15 sous de revenu net]. Les prieurés qui en dépendent sont, scavoir : en l'Evesché cie Saint-Malo : Mégrit, Trédyaye, Saint-Maudé, Plélan, Langadyaye (Languedias), Corseul, avec les prieurés simples de Saint-Jouayn et de La vieille Tour. En l'Evesché de Dol : Saint-Urielle, le Hinglé, Tressaint, La Landecq. En l'Evesché de Saint-Brieuc : Saint-Malo de Jugon et Plèdeliac, avec la chapelle du Saint-Esprit [Note : D'après une déclaration fournie par les religieux le 22 mai 1538, nous trouvons assemblés en chapitre : R. P. en Dieu Mathurin, abbé de Beaulieu, Jehan Millet, prieur claustral, Jehan de Triac, prieur de Villedé, Jacques Hersal, prieur de la Vieille-Tour, et Jacques Le Mouenne, prieur de Saint-Denis de Guingamp. (Arch. Loire-Inférieure, B. 761). Un aveu rendu en 1723 (même source) ne parle plus de Saint-Malo de Jugon. Il situe le prieuré de Saint-Jouan en Saint-Maudé, et celui de la Vieille Tour en Plouasne. Il cite aussi la cure doyenné de Plumaudan, mais il ajoute que sa présentation est contestée à l'abbé. Enfin, il donne l'abbé comme premier prééminencier sous le Roi, dans l'église de Mégrit]. En l’Evesché de Tréguier : Goudelin et le prieuré simple de Saint-Denis de Guingamp, et la plus part d'iceulx sont possédés par des séculiers et de 3 ou 400 livres de rente seulement.
Il y a à présent en ladite Abbaye 5 prestres : 4 profeix et un novice. Ce qui a esté exactement observé depuis la fondation, est que l'on n'a jamais receu que des gentilshommes dans icelle ; ce qui estoit ordonné par l'acte de fondation ; pour le moins il a toujours été pratiqué ainsi, sans qu'aucune faveur ni recommandation ait interrompu cette coûtume.
Le jeune prestre qui vous donnera la présente, pourra vous esclaircir de quelque chose sur le sujet cy dessus, ayant demeuré 3 ou 4 ans pour instruire nostre jeunesse, ou si vous souhaittés de moy quelque mémoire plus ample, il me le pourra faire savoir en diligence, et moy ne manquerés de vous faire responce, vous suppliant cependant croire que je suis très parfaitement, mon Révérend Père, vostre très humble et très obéissant confrère et serviteur, Louis de TREMIGON, Prieur de Beaulieu, en Bretagne. Au Révérend Père Prieur de Sainte- Geneviève de Paris, à Paris. A Beaulieu, ce dernier jour de l'an, 1649.
(A. Lemasson).
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